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By Maaike van Eijk
Limelette est le joli petit village traditionnel où s’est établi Lhoist, le plus grand producteur mondial de chaux et de dolomie. Cette entreprise familiale, qui emploie plus de 5 500 travailleurs à travers le monde, affiche un chiffre d’affaires de 1,9 milliard. Un véritable colosse, pourtant trop méconnu du grand public.
«Celui qui est né pour un petit pain n’en aura jamais un gros. » Les plus belles histoires n’apportent-elles pas les plus beaux démentis au proverbe ? Des contes de fées bien réels qui prouvent qu’on ne doit pas être né avec une cuillère en argent dans la bouche. Qu’à force de labeur, d’engagement et de persévérance, on peut soulever des montagnes ! De «rags to riches», des guenilles à l’opulence, comme disent les Américains. C’est précisément de cette manière qu’a débuté l’histoire de Lhoist.
Hyppolyte, de son surnom Léon
Les racines du groupe remontent à la fin du XIXe siècle. En 1861, Hippolyte Dumont, de son surnom Léon, naît dans une famille de sept enfants. Après seulement deux années passées sur les bancs de l’école primaire, il commence à travailler dans les carrières de Chainaye et Lhoist. À l’âge de vingt ans, il est déjà passé contremaître et, en 1886, il reprend l’exploitation de la carrière communale d’Ampsin, la bourgade dont il deviendra plus tard bourgmestre. En 1889, il épouse une jeune chapelière du nom de Caroline Wautier. La même année, il crée la carrière qui porte leurs deux noms : Carrières et Fours à Chaux Dumont-Wautier.
Clairette, l’une des filles du couple, épouse en 1920 un descendant de la lignée des Lhoist. Et oui, les carriers qui possédaient aussi la carrière où Dumont s’était forgé sa première expérience professionnelle. Lorsque Dumont commença à y travailler, la famille Lhoist dut probablement le regarder de haut, lui, le jeune bougre issu d’un milieu modeste et comptant seulement deux ans d’école primaire. Mais à présent, sa fille épouse un Lhoist ! C’est peut-être difficile à imaginer aujourd’hui, mais dans la société d’avant-guerre, cela fait impression. Et la progression dans les rangs de la société déjà entamée par Dumont ne fait que commencer.
Avec 90 sites de production dans 24 pays et un chiffre d’affaires de 1,9 milliard €. L’entreprise du petit village de Limelette est un acteur international du marché de la chaux et de la dolomie.
Ce beau-fils, Léon Lhoist, fonde en 1924 une carrière à laquelle il donne son nom et qui est le précurseur direct de l’actuel groupe éponyme. Deux ans plus tard, il étend son activité à la France. À la dépression des années ‘30 succède la Seconde Guerre mondiale et l’expansion subit un coup d’arrêt temporaire. Le changement arrive sous la houlette du jeune Lhoist, baptisé, tout comme son père et son grand-père, Léon. En 1981, la croissance internationale est en marche avec la reprise du groupe américain Chemical Lime du Texas. Les extensions s’enchaînent alors à un rythme élevé : Europe de l’Est, Allemagne, Mexique, Angleterre, Brésil, Malaisie, Russie et Oman. Aujourd’hui , Lhoist emploie des personnes de 30 nationalités différentes. Avec 90 sites de production dans 24 pays et un chiffre d’affaires de 1,9 milliard €, l’entreprise du petit village de Limelette est un acteur international du marché de la chaux et de la dolomie. On dénombre dans le monde entier autant de travailleurs que d’habitants de Limelette : un peu plus de 5 500. Ainsi, le conte de fées réel entamé en 1861 avec la naissance d’Hyppolite Dumont a atteint son apogée… pourtant provisoire.
L’art d’unir
Le Groupe Lhoist est réputé pour sa discrétion : Lhoist ne communique jamais avec l’extérieur. C’est ainsi que l’une des plus grandes multinationales privées belges est pratiquement inconnue du public. Ce que nous savons par contre du Groupe Lhoist, c’est qu’il est un grand sponsor d’activités culturelles et sociales. Dans les années ‘90, le jeune Lhoist se lance dans la création d’une importante collection de photos et de sculptures. La collection d’art, qui n’est malheureusement pas accessible au public, a pour but d’unir les travailleurs de Lhoist. Le site web spécial de la collection le mentionne : « L’art est un formidable moyen de poser un regard différent sur le monde qui nous entoure. À travers notre collection, les expositions et les visites culturelles que nous organisons pour nos collègues et leurs enfants, Lhoist tend vers une organisation plus ouverte d’esprit et plus sensible à la culture. »
Les oeuvres d’art sont non seulement exposées au siège à Limelette, mais aussi dans différents bureaux régionaux. Chaque travailleur peut égayer son bureau avec une oeuvre de la collection et choisir une nouvelle pièce aussi souvent qu’il le souhaite. Chaque année, une personnalité connue du monde artistique organise une exposition basée sur la collection. Des évènements culturels sont en outre organisés régulièrement pour tous les collaborateurs de l’entreprise, de l’ouvrier au membre de la direction, et leur famille. Dans ce cadre, des collaborateurs issus de différents pays et de différentes couches de l’entreprise se côtoient le temps d’une journée informelle et apprennent à se connaître dans un contexte culturel.
Un écran de veille ingénieux
Amusant et original aussi, l’écran de veille installé sur l’ordinateur de chaque collaborateur. Il affiche des photos de la collection d’art dès que l’ordinateur n’est plus utilisé pendant cinq minutes. Chaque photo s’accompagne d’un commentaire écrit. Les images sont diffusées simultanément sur les ordinateurs du monde entier, pour autant bien sûr qu’un collaborateur ne soit pas occupé à ce moment-là. Les collaborateurs disséminés sur des continents différents et exerçant des fonctions totalement différentes sont ainsi unis par ces photos qui apparaissent au même moment sur leur écran.
Outre la collection d’art, Lhoist sponsorise une palette d’évènements culturels. Un bel exemple est son soutien à l’association Entr’ Ages, coordinatrice de la deuxième édition du Festival du film intergénérationnel (FFI) à Louvain-la-Neuve (voir page 8). Ce géant de la chaux et de la dolomie mérite donc bien son nom de sympathique colosse.
Lhoist, en quelques mots
Que produit le Groupe Lhoist ?
Le Groupe Lhoist possède des mines dans 24 pays où sont extraites la chaux et la dolomie. Les 90 sites de production de l’entreprise transforment ces matières premières en différents produits. La matière brute est broyée en poudre ou en fragments de diverses tailles. Portés à des températures supérieures à 900 °C, ces fragments sont transformés en chaux vive. Celle-ci est utilisée, par exemple, dans la fabrication de l’acier pour ôter les impuretés du minerai. En ajoutant de l’eau à la chaux vive, on obtient une poudre appelée chaux éteinte. Il s’agit d’un ingrédient du ciment, mais aussi de produits de lessive et d’aliments. L’ajout d’encore plus d’eau forme du lait de chaux, qui régule le taux d’acidité et la dureté de l’eau potable.
Chaux et dolomie, quel intérêt ?
Au quotidien, nous nous soucions peu de ces matières premières qui ont bâti le monde moderne. Eh bien, vous serez surpris de n° 18 Économie leurs nombreuses applications. La dolomie, ou spath amer, est une forme de chaux qui apparaît dans le calcaire avec une certaine teneur en magnésium. Elle est notamment utilisée comme pierre naturelle et matière première pour le ciment. La chaux est utilisée dans la fabrication de l’acier, du papier et d’une kyrielle de produits chimiques. Elle est à la base d’un mélange appelé ciment Portland, qui est utilisé pour le béton préfabriqué et le béton immergé. Autant dire que la chaux et la dolomie sont des éléments essentiels dans presque chaque construction.
En mélangeant l’argile et la glaise à la chaux, on solidifie le sol, le rendant apte à supporter des chantiers et à servir de fondation aux terrains urbanisés et aux routes. Les boues de dragage des voies d’eau et les boues des stations d’épuration des eaux peuvent également être ainsi réutilisées dans le respect de l’environnement. Hormis la construction, la chaux intervient également dans l’agriculture. Elle neutralise les méfaits des acides du sol et prévient de la sorte l’intoxication des végétaux. Elle permet par ailleurs aux plantes de mieux assimiler les substances nutritives. La chaux est aussi utilisée dans les cheminées d’installations industrielles pour assainir les fumées.
Essentiel pour l’eau potable
Comme en témoignent les exemples ci-dessus, la chaux et la dolomie ont des applications très importantes dans l’industrie et l’agriculture. Mais leur principale application est peut-être l’eau potable. La quantité de calcaire contenue dans l’eau potable, qu’on appelle la dureté de l’eau, est fixée par voie légale. Une dureté trop élevée, trop de chaux dans l’eau potable, est nocive pour les équipements et pour l’environnement. Quant à une dureté trop faible, elle ouvre la porte aux substances toxiques qui peuvent se dissoudre plus facilement dans l’eau. Pour éviter ces conséquences fâcheuses, l’eau potable trop dure est adoucie et l’eau potable trop douce est au contraire enrichie en calcaire.