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By Christian Sonon
Christophe Gaeta est un scénographe d’expérience qui a illuminé de nombreux sites par ses mises en scène. Mais il avoue n’avoir jamais travaillé avec autant d’installations interactives qu’au Mudia. « C’est une autre façon de présenter l’art », dit-il.
On lui doit la scénographie de plusieurs manifestations mises sur pied par Tempora, relatives à la Seconde Guerre mondiale ou en rapport avec l’art ou l’histoire, il a apposé sa griffe sur de nombreuses expositions ayant eu pour cadre les Musées Royaux des Beaux-Arts, la Cité Miroir à Liège, la Bourse à Bruxelles, le site de Tour & Taxis, etc, il a également signé des scénographies en France, en Pologne et à New York, mais le travail qu’il a réalisé cette année à Redu occupera une place à part sur la carte de visite de Christophe Gaeta. « Je ne pense pas avoir déjà travaillé sur un projet où l’interactivité représente plus de 50% de la scénographie, note ce Tournaisien d’origine et Montois de cœur. Elle est omniprésente dans chacune des salles, que ce soit sous forme de quizz, de jeux, de vidéos ou de commandes permettant de dialoguer avec les œuvres. Plus que la scénographie, c’est l’interactivité qui est la véritable caractéristique du Mudia ».
Christophe Gaeta le reconnaît volontiers : la scénographie du musée, ce n’est pas lui qui l’a signée, c’est Eric Noulet. « Il avait déjà tout en tête quand il a organisé les premières réunions de conception en présence des divers spécialistes (du multimedia, du graphisme, de la mise en vitrine, de l’éclairage…). Ceux-ci ont mis leurs compétences en commun afin de réaliser ses souhaits, de sorte lorsqu’on a fait appel à moi, en janvier 2018, pour coordonner l’ensemble du travail, la scénographie était en place à 90%. Ou plutôt à 110%, car il y avait parfois une profusion d’images qui pouvait mettre l’équilibre du parcours en danger. Ma première mission a donc été d’enlever ci et là un tableau afin de donner un meilleur rythme à la visite. J’ai également changé l’emplacement de l’un ou l’autre élément interactif, notamment pour une question d’accessibilité aux PMR, et redessiné un mobilier qui devait l’accueillir. »
L’interactivité omniprésente à côté des œuvres
Le résultat ? Malgré sa riche expérience dans le domaine, le scénographe avoue avoir découvert, grâce à Eric Noulet, une autre façon de présenter l’art. « En général, dans les musées, les œuvres sont disposées dans chacune des salles et, de temps en temps, dans un coin ou un couloir, on rencontre un élément interactif ou on y accède via son smartphone. Ici, ce n’est pas le cas. L’interactivité est présente en permanence à côté des œuvres d’art et c’est cet équilibre qui donne du rythme à la visite. Elle apporte la preuve que si elle est bien équilibrée, elle est vraiment utile pour découvrir efficacement un sujet. Mieux : elle permet à un public familial de s’initier à l’histoire de l’art en s’amusant. C’est l’objectif d’Eric Noulet qui, il est vrai, a su mettre les moyens pour réaliser des attractions inédites. »
Parmi celles-ci, Christophe Gaeta cite le niveau d’interactivité du tableau de Jérôme Bosch, bien sûr, mais aussi le pilotage de l’éclairage d’un tableau comme, par exemple, la reproduction de la fresque de la chapelle Brancacci dont le visiteur peut éclairer divers détails afin de se faire expliquer leur symbolique. « Dans d’autres musées, où il y a des œuvres d’art très importantes, celles-ci sont véritablement sacralisées, de sorte que si parlez d’interactivité, les gens vous regardent comme si vous alliez faire un sacrilège. Eric Noulet, lui, a compris que l’art est fait pour être découvert et pas seulement pour être conservé. Et il faut que les gens soient invités à participer concrètement à cette découverte. En pilotant l’éclairage, ils se sentent concernés. C’est ludique, mais à l’amusement s’ajoutent l’implication et la découverte. Les journalistes ont salué l’initiative. Ils ont d’emblée compris que le Mudia est un endroit où les gens peuvent découvrir des œuvres d’art en s’amusant. »
Il faut visiter le Mudia avec ses enfants
Pour Christophe Gaeta, c’est évident, il faut visiter le Mudia accompagné de ses enfants. « C’est le gros atout de ce musée. Dans beaucoup d’autres, il y a vite une lassitude. Ici, vous regardez un ou deux tableaux et, dans la foulée, un jeu vous est proposé. C’est la même alchimie qu’au cinéma, où l’alternance judicieuse des scènes d’actions et des moments cruciaux plus lents contribuent au rythme parfait. Les enfants et leurs parents ne vont pas lâcher. Ils vont jouer et s’interroger ensemble sur une œuvre. Ils vont être pris par la même histoire. Même les plus petits vont aimer car ils vont pouvoir appuyer sur des boutons et seront fascinés par les visages qui s’éclairent ou les personnages qui bougent. »
S’il avait eu carte blanche dès le départ, Christophe Gaeta pense que la scénographie qu’il aurait proposée n’aurait pas été aussi riche en interactivité, mais qu’elle n’aurait cependant pas offert un visage fort différent. « J’aurais toutefois mis en avant le fait que ce parcours était la création d’une personne passionnée. J’aurais essayé de faire comme si les visiteurs entraient dans la propre maison d’un collectionneur, dans sa caverne d’Ali Baba. J’aurais par exemple proposé un autre design pour le mobilier. Mais cela n’aurait pas été compatible avec la grande humilité qui est celle d’Eric Noulet. »