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By Christian Sonon
C’est à un Brainois, Xavier Wielemans, que l’on doit quelques-uns des dispositifs multimedia mis en place au Mudia. Des « attractions vedettes interactives », comme le tableau animé de Bosch, pour la réalisation desquelles il s’est entouré d’infographistes et de designers sonores.
Xavier Wielemans est ingénieur civil informaticien, mais le monde artistique lui est proche, notamment grâce à ses frères Antoine et Denis, du groupe Girls in Hawaii. Après avoir travaillé douze ans au sein d’une start-up spécialisée dans la conception de dispositifs interactifs pour les parcs d’attraction (Mini Europe, Paradisio, le Futuroscope à Poitiers…), il a créé, en 2012, sa propre société, TinybigStory, afin de poursuivre sa carrière en freelance et se concentrer sur les animations pour les musées, comme la Cité des Sciences à Paris, Mons 2015 (l’exposition « Mons Superstar ») ou le Musée du Doudou. Il travaille actuellement à la redynamisation complète du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervueren, mais ces vingt derniers mois, il les a passés à concevoir des animations pour le Mudia à la demande d’Eric Noulet.
« En réalité, pour des projets de cette ampleur, nous travaillons en équipe afin de pouvoir profiter de notre complémentarité et répondre au mieux à chaque demande, explique le Brainois. Pour le Mudia, j’étais entouré de cinq infographistes et de deux musiciens ou « designers sonores ». Ensemble, nous avons mis au point sept « attractions vedettes interactives », des AVI, comme les appelle Eric, lequel avait parfaitement réfléchi à ce qui pouvait plaire au public. »
Voici quatre de ces animations présentées par Xavier Wielemans, qui tient à souligner que c’est Absolute Agency, une société bruxelloise, qui a conçu l’écran d’accueil commun à tous les dispositifs d’animation.
Le tableau de Jérôme Bosch, « La tentation de Saint-Antoine ».
Pour animer ce triptyque, j’ai travaillé avec Chadi Abou Sariya (Miam Miam creative lab) et Sébastien Squevin (Brain Damage Interactive), qui sont tous deux des spécialistes en animation, le premier en motion design et le deuxième en 3D. Eric, qui avait déjà imaginé pas mal d’histoires, voulait des animations qui dégagent de l’émotion. Nous sommes donc allés nous planter tous les trois devant le tableau au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles et, pendant deux heures, nous avons laissé voyager notre imagination. C’était passionnant, car Bosch, qui s’était visiblement livré avec ce tableau à une critique de la société de son temps, avait en quelque sorte réalisé un storyboard de dessin animé. Nous avons donc développé des scénettes en essayant de deviner ses intentions. C’est ainsi que la belle grosse pomme s’ouvre et se met à déverser des monstruosités, que les tentations de Saint-Antoine se matérialisent dans toute leur perversité, qu’une bataille aérienne enflamme le ciel – avec un clin d’œil à l’Euro Space Center proche –, bref, que l’âme retorse des gens apparaît derrière les façades. Pour réaliser les animations principales, les infographistes ont redessiné les décors et personnages en 3D, pour les autres, nous avons travaillé en 2D, dans le style naïf qu’affectionnaient les Monty Python à leurs débuts. Notre plus grand défi a été de réussir à gérer en parallèle les soixante couches ou calques sur lesquelles chaque scénette était dessinée. Au niveau informatique, cela impliquait une grosse bécane disposant d’une très grande capacité de mémoire. D’ailleurs, chaque matin, il faut de longues minutes pour permettre au tableau de se charger de ses personnes et séquences. Ensuite, tout peut être joué très vite et simultanément. Il faut souligner également le travail de Michel Grigorakis, le designer sonore, car la bande son joue un rôle essentiel dans l’animation.
Le tableau de Georges Seurat, « Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte »
Ici, grâce au travail d’une graphiste, Florence Piraux, nous proposons aux visiteurs de colorier l’un des personnages de ce tableau à la façon de Seurat. A tout moment, ils peuvent choisir la couleur et la taille des points. Le but est également didactique puisque cela permet de comprendre la technique du pointillisme. Quand le dessin est terminé et signé, ils peuvent laisser leur adresse mail de façon à permettre au musée de leur envoyer leur dessin.
Le bandit manchot
Un décorateur a refait un jackpot des années cinquante avec un boîtier métallique et un véritable levier et nous y avons inséré trois petits écrans informatiques sur lesquels défilent des images diverses mais également la reproduction des dix tableaux les plus chers acquis aux enchères. Si le même tableau s’aligne trois fois, une fiche technique apparaît expliquant à quel prix et dans quelles conditions il a été acheté. Grâce au back office conçu par Christophe Hermanns, à propos duquel il convient davantage de parler de collaboration que de concurrence, les responsables du Mudia peuvent à tout moment actualiser ces informations en introduisant les données de nouvelles œuvres qui viendraient s’insérer dans le top dix des tableaux les plus chers.
Le tableau d’Albert Marquet, « Matisse dans l’atelier de Manguin »
Au cours de l’hiver 1904-1905, Marquet et Matisse ont peint le même jour le même modèle nu dans l’atelier d’Henri Manguin. Sur le tableau de Marquet, qui illustre le passage de l’impressionnisme au fauvisme, on voit Matisse à l’arrière plan. Eric Noulet aurait voulu que le modèle puisse quitter sa pose et s’animer sur l’écran. Le système interactif imaginé lui permet de faire deux mouvements distincts, mais c’est le visiteur qui doit donner l’impulsion en se plaçant dans un cercle et en adoptant lui-même l’une des postures possibles. C’est à Daniel Offermann, le bassiste des Girls in Hawaii, que l’on doit la musique originale qui accompagne les pas de danse.