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OSCARS - Olivier Dubois, l’ourson voyageur

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Namur  / Andenne

Par Adrienne Pesser

Géolocalisation, géomatique, cartographie, silos, GIP… ça ne vous parle qu’à moitié ? C’est pourtant le dada d’Olivier Dubois, CEO d’OSCARS.

Entrepreneur passionné, il a récemment transféré ses activités à Andenne, la ville qui l’a vu grandir. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter là !

 

Pas la peine d’essayer de le cacher, Olivier Dubois a des goûts de geek. Durant ses études en informatique, il s’intéresse de près au Système d’Information Géographique (SIG) – comprenez, la cartographie – et à la géomatique – en d’autres termes, de l’informatique liée à la géographie. Ses stages lui donnent l’occasion de se familiariser avec les bases de données du géant Oracle, et plus particulièrement avec une composante Oracle Spatial. Diplômé en l’an 2000, il est engagé dans la maison bruxelloise du même nom. Quelques années d’expérience plus tard, l’informaticien se rend compte de lacunes à combler dans le domaine. Entrepreneur dans l’âme avec un solide réseau de contacts, il décide de fonder sa propre boîte, visant à améliorer l’usage de la cartographie dans l’informatique moderne. Il lui donne le nom alambiqué d’Oracle Spatial Consulting and Resourcing Services… ou plutôt OSCARS.

 
Olivier Dubois, CEO d'OSCARS, au siège d'Oracle en Californie
 
OSCARS 1.0

En 2007, la société version 1.0 voit le jour au Luxembourg, avec des projets essentiellement basés en France. « Au départ, je donnais des formations sur des composants Oracle Spatial, je proposais du service. Je travaillais beaucoup avec des organismes français, tels que des grandes villes (Lille Métropole, Mairie de Bordeaux), des Conseils généraux (chef lieux de département) et ensuite sur un nouveau projet pour un aéroport. » Parmi ses clients, les aéroports de Paris lui valent le 2012 Oracle Spatial Excellence Award dans la catégorie Meilleur Partenariat. Il est invité à aller récupérer son prix à Washington. « Cette première concrétisation a validé toute l’image de la société. J’avais créé OSCARS pour être le meilleur dans mon domaine. J’avais atteint mon premier objectif. Mais comment faire pour évoluer et faire grandir la société ? »

Avec l’expérience des aéroports de Paris, l’idée lui est venue de créer un produit spécifique. « Pour faire simple, la plupart des applications existantes liées à la géolocalisation (c’est-à-dire au suivi d’objets) fournissent un écran sur lequel bougent des points. Ces applications stockent les informations pour n’analyser les données que le lendemain ou le surlendemain. Mais il n’y a pas de décision en temps réel en fonction de la position d’un objet. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de créer le produit GIP (Geo Intelligent Platform) qui utilise la géolocalisation pour avertir et prendre des décisions en temps réel. »

 
Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle

 

Un exemple plutôt qu’un long discours

Retour en arrière : hiver 2010 et son épisode hivernal très rigoureux accompagné de fortes chutes de neige. Coincé dans l’un des aéroports parisiens, Olivier Dubois ne se doutait pas alors que cet événement servirait de point de départ à sa réflexion. « Les conditions météorologiques ont eu un impact considérable. Bien que disposant d’infrastructures pour faire face à ce genre de situation, il y a eu un concours de circonstances qui a fait que l’aéroport tout entier a fonctionné en mode (trop) dégradé pendant un bon bout de temps. Les raisons principales résident dans le fait que les différents acteurs qui interviennent dans la gestion de la crise lorsqu’il y a un gros épisode neigeux comme celui-là n’échangent pas suffisamment d’informations entre eux. Alors oui, il y a eu des discussions, des réunions… mais des petites choses n’ont pas été envisagées. Par exemple, un avion vient d’atterrir. Il se trouve en bout de piste et ne peut pas en bouger car la place de parking qui lui était attribuée n’a pas été déneigée, par manque de communication. Ce genre de petits détails n’a pas été détecté par les responsables opérationnels des différents compartiments. Bref, un avion à lui tout seul a quasiment paralysé l’aéroport et ce, pour un certain temps, car sur cette même piste, d’autres avions continuaient d’atterrir, formant une longue file. »

Le fait est que les aéroports sont excessivement compartimentés, et ce, même au sein de leurs infrastructures. En d’autres mots, ceux qui s’occupent des bagages ne s’occupent que des bagages ; idem pour le catering, le ticketing, le refuelling, etc. Et il y a très peu de coordination en amont. La plateforme GIP a la prétention d’établir une collaboration entre tous ces compartiments (appelés silos dans le jargon), de « déssiloter » l’organisation.

« À cause des silos, il existe 36 applications vues par 36 personnes. Et ça devient très compliqué de prendre des décisions pendant des moments de pression quand ces gens ont quatre écrans à regarder, qu’ils doivent humainement corréler le fait que l’avion doit se rendre à tel parking, que le parking en question n’est pas déneigé et qu’ils n’arrivent pas à le voir de manière simple. Nous, notre produit consiste à montrer cela aux responsables, en levant des alertes, du type ‘’Attention, vous avez affecté un avion à une place de parking non déneigée’’, les prévenant avant qu’il ne soit trop tard. » Donc le produit GIP va agréger les informations et enrichir les canaux actuels de l’aéroport. Il va rajouter de l’information à toutes les applications existantes. Il ne va pas remplacer le système, mais l’enrichir. La méthode consiste à recouper plusieurs sources d’informations qui ne sont, en général, pas recoupées, pas utilisées ensemble. Plus qu’une action en temps réel, il s’agit bien de proactivité. Olivier Dubois insiste : « Recouper des informations, beaucoup de sociétés savent le faire. Mais notre plus-value à nous, c’est de le faire en sachant, en plus, où les choses se déroulent au moment même et comment elles doivent se passer d’après leur position ».

 

Un petit café en attendant ?

Concrètement, à quoi ça sert ? L’espace géographique autour des aéroports n’est pas extensible à l’infini. Le seul moyen pour qu’une infrastructure gagne plus d’argent, c’est d’augmenter le nombre de passagers, donc le nombre de vols et, par conséquent, le nombre de rotations des avions (de l’atterrissage de l’appareil charge, son déchargement, son rechargement, jusqu’au décollage suivant). En bref, il s’agit d’améliorer les processus. La plateforme GIP aide l’établissement à mieux se gérer, à s’optimiser, à pouvoir prendre des décisions en simultané, notamment grâce à une meilleure communication entre les silos.

La passenger experience est également un facteur décisif sur lequel peut intervenir GIP. « Chaque aéroport a deux ou trois concurrents dans les 150 km à la ronde. Pour se différencier les uns des autres, les patrons doivent s’orienter vers des améliorations des services afin de fidéliser leurs clients. Il faut que les vols soient à l’heure, que l’organisation interne soit efficace, qu’on s’y sente bien, que les gens soient guidés correctement dans les parkings, qu’on ne passe pas des heures dans les files. GIP est capable d’intégrer des informations en temps réel pour, par exemple, envoyer des notifications sur les files d’attente en proposant un petit plus, afin d’augmenter la qualité du service. » Et Olivier Dubois de poursuivre avec un trait d’humour : « ‘’Votre avion aura 30 minutes de retard. Notre ami Georges Clooney vous invite personnellement à venir goûter son nouveau café à prix réduit… et vous avez le temps de le faire.’’ Il faut que les passagers sachent qu’il y a, à l’intérieur de l’aéroport, des gens soucieux de leur confort et qui aimeraient peut-être exploiter l’information d’un retard sur un vol en proposant une occupation ou un service. Le tout est de réunir ces acteurs soucieux du bien-être du passager. » Exploiter l’information qu’on a reçue de l’un pour permettre à l’autre de placer son message marketing, voilà un exemple amusant de déssilotage, une manière de lever la barrière entre deux personnes qui travaillent dans le même aéroport mais qui ne se parlent pas ou trop peu. La finalité de GIP est d’orchestrer cette manoeuvre très complexe dans le temps, pour arriver à devenir un smart airport où tout le monde est content, où les vols sont à l’heure et dans lequel on a envie de revenir.

On pourrait imaginer repousser encore les limites de la technologie. Par exemple, allumer les pistes non plus en permanence, mais au moment du passage d’un avion, dans le but de le guider et de réduire la complexité et le danger inhérent. « Si on sait où l’avion se trouve, à quelle place de parking il doit se rendre, on peut allumer le chemin à parcourir au fur et à mesure de son avancement. Techniquement, nous pouvons arriver à gérer un tronçon après l’autre. Une sorte de GPS au sol, si l’on veut. »

 
© design by Agence Expansion
 
OSCARS 2.0

Olivier Dubois fourmille d’idées. Mais sans les finances, son produit innovant n’existe pas. L’entrepreneur a besoin d’investisseurs, publics et privés, et, surtout, de conseils. Il commence par s’adresser à Erik Maes, fondateur avec son épouse de la société andennaise Père Olive. « Je lui ai présenté mon idée, je lui ai expliqué que ma société avait déjà atteint certains objectifs, mais que je cherchais des conseils et cela a abouti à un investissement de sa part. Pour quand même valider mon dossier, j’ai tenu à passer par Namur Invest. Ce dossier a été accepté, avec l’aide du WSL pour l’accompagnement de start-up, ainsi que celle de la Région wallonne et de l’AWEX pour mener à bien l’évolution de la société. »

Fin 2013, le dossier est accepté par l’incubateur ESA BIC à Redu, moyennant le fait que la plateforme soit développée en Belgique. « Dans un premier temps, on m’a demandé de m’installer à Redu. Je leur ai dit clairement : si je reviens du Luxembourg, ce n’est plus pour faire des kilomètres, je m’installe près de chez moi ! » Pour des raisons personnelles, après toutes ces heures perdues en voiture, ce père de deux petits garçons a décidé de se poser près de chez lui, histoire de retrouver un équilibre avec sa vie de famille. « La Cité des Oursons, finalement, c’est assez central en région wallonne : entre les aéroports de Liège, de Charleroi et de Bruxelles, proche de tous les clients de la Région wallonne et des autres organismes locaux et, également, près de la capitale wallonne. On m’a déjà posé la question : pourquoi pas à côté de l’aéroport de Liège ? Mais on peut très bien proposer au bourgmestre d’Andenne d’installer un aéroport près de sa ville (rires) ! Mes sept collaborateurs et moi-même l’avons d’ailleurs rencontré récemment. À titre de démonstration, nous avons construit un aéroport virtuel à la sortie d’autoroute d’Andenne. Nous sommes une start-up pleine d’idées et d’humour, on a bien le droit de s’amuser un peu ! »

Olivier Dubois (2e à gauche) et quelques membres de son équipe

 

Depuis 2010, le jeune CEO part régulièrement aux États- Unis pour faire la promotion d’OSCARS. Mais de plus en plus, cela se transforme en partenariat avec Oracle pour qu’il prenne connaissance des nouvelles fonctionnalités de la maison mère afin de les intégrer dans le produit GIP. Depuis deux ans, lors de ses déplacements à Washington, San Francisco et Nashua, Olivier propose des évolutions intéressantes. Le but consiste à augmenter le réseautage afin qu’Oracle lui accorde sa confiance et puisse à son tour promouvoir cette innovation technologique. Grâce à ses nombreux partenaires internationaux, l’exportation de GIP est en bonne voie. Les premiers pays privilégiés par la solution sont la Belgique et la France. D’autres pays sont eux aussi visés : les Pays-Bas (Schiphol), l’Allemagne (Munich Airport), le Royaume- Uni (Birmingham Airport), ainsi que l’Irlande et le Danemark. Pour OSCARS 2.0, la nouvelle branche de développement de la société, il fallait un business plan dédié à un marché spécifique. L’Andennais a sagement pris le parti de cibler son activité sur la gestion du champ aéronautique. « On y travaille pour l’instant, mais les principes de la plateforme (à savoir l’exploitation des données, le recoupage avec la position de ces données) peuvent tout aussi bien s’appliquer à d’autres domaines, que ce soit la logistique, les voies navigables, les chemins de fer, etc. Il n’existe aucune limite. En outre, nous continuons le service chez nos différents clients actuels en gardant notre expertise que nous pouvons également appliquer pour les aéroports. Cette branche de la société permet de continuer d’investir dans le produit, tout en augmentant la réputation d’OSCARS dans les différents domaines (urbanisme / cadastre, gestion d’impétrants, transports, etc.). »

Les choses vont bon train. La reconversion de la société s’est déroulée sans encombre pour atteindre, en quelques mois, un effectif de huit personnes. L’intérêt du marché est bien là pour la solution GIP. Il est fort probable que de nouveaux recrutements suivront. Depuis le début de l’aventure, Olivier Dubois parvient à tisser des liens solides avec des partenaires de premier choix. Il marque les esprits, notamment en offrant à ses clients des bandes dessinées 100 % belge – l’une de ses passions – et en envoyant des cartes de voeux réalisées par ces mêmes dessinateurs, une « belgattitude » qu’il revendique haut et fort à l’étranger. « L’esprit d’entrepreneuriat en Wallonie évolue clairement dans le bon sens. C’est aussi une des raisons pour lesquelles cela me tenait à coeur de revenir sur mes terres. Notre réputation et notre sérieux sont reconnus parce qu’on a l’habitude de travailler dans plusieurs langues, on sait écouter et retranscrire les besoins du client, on est pragmatique et précis, tout en alliant un aspect humain dans le travail et on ne se prend pas toujours au sérieux. » Un large sourire aux lèvres, Olivier Dubois conclut : « Nul doute, l’évolution d’aujourd’hui correspond mieux à mes critères personnels pour la société. Et le fait d’avoir installé mes bureaux à Andenne, c’est juste le bonheur ! » Un entrepreneur heureux en vaut deux, non ?

 

www.oscars-sa.eu

 


 

SUR LES TRACES DE PÈRE OLIVE

Erik Maes et son épouse Christine ont fondé la société andennaise Père Olive il y a plus de 25 ans. Un jour, un jeune homme du même village, Strud dans la commune de Gesves, sonne à leur porte. Il vient – naïvement – demander conseil à ces entrepreneurs aguerris dont il a lui-même pu constater l’évolution. « Touchés par sa franchise innocente, nous décidons de l’écouter et de lui donner sa chance. Il avait besoin de conseils, nous avons partagé avec lui notre expérience. Mais c’est un fait, sans les fonds, on ne peut pas avancer. Alors, nous avons investi. Nous ne l’avons pas fait pour rendre service, mais bien parce nous croyions en son projet, en lui. Olivier est un entrepreneur avec un réel projet, beaucoup d’idées et du potentiel. Il sait déléguer, s’entourer des bonnes personnes, être à l’écoute des critiques. Et le fait qu’il ait choisi d’installer sa société à Andenne est une sage décision, à la fois pour sa vie de famille et le développement de notre ville. » À la bonne heure !

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