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Par Laurence Wauters
Modiste modeste, Delphine Quirin a commencé par le point à l’envers. D’abord, la renommée internationale et l’exportation. Aujourd’hui, l’important reste toujours la création… dans son atelier originel.
La rue Pierreuse, qui mène au quartier éponyme juste derrière le Palais des Princes-Evêques, symbolise à elle seule de grandes pages de l’histoire de la Cité ardente. C’est par cette voie que les six cents Franchimontois ont plus que probablement, à la moitié du XVe siècle, gravi les collines pour assaillir le campement de Charles le Téméraire et Louis XI. C’est aussi là, dit-on à Liège, que cinq siècles plus tôt, le Prince-Evêque avait fait ouvrir des carrières pour bâtir une muraille et consolider la fortification de la ville. De là serait né son nom…
Au fil du temps, le quartier s’est transformé sans changer d’âme. Il est devenu un lieu animé, un peu bohème et bigarré où se croisent avocats en toge, altermondialistes en tongs et artistes aux talents diversifiés. C’est là, dans une petite maison où la symétrie est un concept abstrait et où les murs droits n’existent pas, que Delphine Quirin a établi, il y a un peu plus de quinze ans, son QG. L’antre de l’artiste a deux aspects. Un côté boutique, où chaque pièce a été consciencieusement exposée, et un côté atelier, où le mérinos, le mohair, l’angora ou le cachemire attendent de se discipliner sous ses doigts pour se muer en des chapeaux délicats. Des chapeaux réalisés patiemment, avec le souci de l’artisan. C’est ce qui fait la griffe de la modiste vendue au Japon, aux États-Unis et dans quelques autres coins du monde entier… Et ce succès la convainc de ne pas changer, de ne pas perdre ce qui fait la personnalité de sa production.
Souvenirs d’enfance
Delphine Quirin se souvient qu’étant toute petite déjà, elle plongeait avec émerveillement dans les malles de sa grand-mère. Les « trésors de son enfance », comme elle les appelle, étaient des costumes, des robes, des déguisements. Déjà, les chapeaux étaient ce qui attisait le plus sa curiosité et éveillait sa créativité…
En grandissant, la jeune femme n’a rien perdu de cet attrait pour ces accessoires qui font toute la différence. Elle a aiguisé ses connaissances à l’université, en Histoire de l’Art, où Vermeer, De La Tour et l’Américain Hopper étaient parmi ses sujets d’étude préférés. Ainsi abreuvée d’oeuvres abouties, la petite fille d’hier n’était que confortée dans ce à quoi elle se prédestinait : elle a suivi une formation de modiste, puis s’est lancée.
Dans son atelier, le mérinos, le mohair, l’angora ou le cachemire attendent de se discipliner sous ses doigts pour se muer en des chapeaux délicats.
En 1996, la jeune femme a commencé à confectionner, sur mesure, ses premiers chapeaux de cérémonie. Ils ont plu, et le boucheà- oreille a commencé à fonctionner. C’est un peu plus tard qu’elle se lançait dans une histoire d’amour avec la laine, une histoire jamais érodée par le temps. Volontaire, elle la soumet en douceur, la transformant en une collection de chapeaux, bonnets, gants et écharpes de toutes les couleurs qui, en 1999, l’a définitivement lancée dans la cour des grands.
Garder son âme
Dans ce milieu très fermé, le talent seul ne suffit pas. Il faut pousser les portes, se faire connaître, attirer la curiosité de ceux qui, à partir de salons organisés à Paris et ailleurs, décideront de vendre la production à leurs clients. En transformant ces petits chapeaux de laine en accessoires indispensables du quotidien, Delphine a ouvert un créneau jusqu’ici peu exploré. Un simple coup d’oeil sur sa revue de presse, qui arbore un nombre impressionnant d’articles du Elle, du Marie- Claire ou encore du New York Social Diary ou du magazine japonais Hanatsubaki montre à quel point le monde a besoin de fantaisie et de créativité. Partout, on retrouve ses chapeaux colorés ! Ils ne sont pas là les témoins d’une mode éphémère, au contraire. En quinze années, Delphine Quirin les a inscrits dans la longévité.
« J’ai tout fait à l’envers. Je suis très tôt partie pour les salons, et mon nom s’est fait connaître à l’étranger, explique la modiste. Du coup, vous trouverez une série de points de vente dans différents coins du monde, mais vous en verrez peu ici en Belgique… » Delphine a donc, après 15 années de création qui lui ont définitivement fait un nom, décidé de renforcer sa présence en Belgique, dans son fief liégeois bien sûr, mais aussi dans la capitale, où elle s’est lancée avec quatre amis dans un nouveau projet. Elle a rejoint une petite boutique inédite, baptisée « Stories » et établie depuis l’été 2011 rue de Flandre, à Bruxelles. On y retrouve des talents bien différents tels la styliste belge Hüsniye Kardas, qui réinvente chaque détail des vêtements, Samuel Dronet, qui joue de l’androgynie en proposant des produits presque identiques pour les deux sexes en s’inspirant des garderobes des hommes, mais aussi The Cookie Therapy, qui revisite avec fantaisie les classiques de la maroquinerie. Et, désormais, les accessoires chaleureux et colorés de la Liégeoise passionnée.
« Ce que je veux, c’est toucher la laine »
Mais le lieu qui ressemble le plus à Delphine reste son antre de la rue Pierreuse, qu’elle ouvre au public et dans lequel elle veut partager les impressions et les émotions de sa clientèle. « Je ne peux pas produire plus, car il est hors de question de ‘devenir une machine’ et je veux continuer à proposer des produits Made in Belgium, du début à la fin », confie-telle. « Je veux des pièces confectionnées ici, dans cet atelier d’où tout part. La fabrication reste d’ailleurs mon moment préféré. Il y a la conception, les croquis. Mais ça reste du papier. Ce que je veux, c’est toucher la laine. » Désormais, Delphine a décidé d’y rester plus souvent, non pas pour augmenter les heures passées courbées devant la machine à tricoter, mais bien pour intensifier les contacts directs avec sa clientèle. « J’ai une clientèle extraordinaire, un superbe public. Beaucoup me suivent depuis le début, et restent fidèles. Je les invite ponctuellement pour des petits événements dans mon atelier. On prend des photos originales avec Goldo (NDLR : le photographe liégeois Dominique Houcmant), on papote… J’aime partager avec eux sur mes produits, sur ce qu’ils aiment. Ces contacts sont précieux, car ils alimentent la créativité… » La modiste s’est même remise, tout récemment, à confectionner des coiffes en plumes et autres chapeaux destinés aux grandes occasions. Comme à ses débuts, en 1996. « Mais en y donnant mon style », précise-t-elle. Privilège de l’expérience, c’est aujourd’hui pour son style, justement, que viennent ces clientes désireuses de se voir créer un couvre-chef unique pour un événement particulier.
La modiste s’est même remise, tout récemment, à confectionner des coiffes en plumes et autres chapeaux destinés aux grandes occasions. Comme à ses débuts, en 1996.
Ceux qui cherchent à égayer leur tenue d’un « Delphine Quirin » n’ont donc que l’embarras du choix. Pour le dépaysement, ils se rendront dans les stores anglais du label « Anthropologie », au Bon Marché à Paris ou encore au Mexique, au Japon ou en Irlande, où les laines de Delphine s’arrachent. Pour l’inverse, ils pourront passer commande bientôt sur internet via le site que la modiste est en train de développer et où l’on trouvera, sans concurrence avec ce qui se trouve dans les magasins, des bonnets et autres accessoires pour un prix variant entre 30 et 120 €.
Ceux qui font un petit tour dans la capitale iront, entre autres, chez « Stories » où ils en profiteront pour jeter un oeil sur les créations inédites des stylistes qui partagent avec elle la boutique. Enfin, les amateurs de chapeaux qui veulent découvrir tous les côtés de l’artiste se rendront dans la Cité ardente, dans cette rue pittoresque et authentique qui lui va si bien. Ils en sortiront accros.
Bio Express
1970 : Naissance à Liège.
1996 : Delphine se lance dans la confection de chapeaux sur commande, en particulier pour les grands événements.
1999 : Elle confectionne sa première collection de bonnets, écharpes et gants, entièrement réalisés en laine. Cette matière fait vite son succès et devient sa préférée.
2011 : Ouverture du magasin Stories, rue de Flandre, à Bruxelles, où Delphine vend ses pièces coup de coeur.
Renseignements
Delphine Quirin
Show-room/Atelier
Rue Pierreuse, 26
B-4000 Liège
+32 (0)4 221 05 52
delphine.quirin@cybernet.be
www.delphinequirin.be
Ses bonnes adresses
Tant qu’à pousser la porte de son atelierboutique, l’idéal est de faire un petit tour dans le coin ! En ancienne du quartier, Delphine connaît toutes les bonnes adresses.
Ainsi, elle vous conseille le restaurant « Le Paris-Brest », rue des Anglais, sur les hauteurs de la Place Saint-Lambert. Un régal, et ça se sait ! Il faut donc impérativement réserver… N’hésitez pas également à vous rendre à l’excellent restaurant libanais « Mange et dis merci », rue Hors-Château, ou encore, dans la même rue, au gastronomique espagnol « Pica Pica ».
Côté bouquins, une étape à la librairie « Entre-temps », en face de sa boutique, vous fera découvrir les livres autrement. Et côté balades, les Coteaux de la Citadelle sont là, devant vous, prêts à être découverts…
Le Paris-Brest
Rue des Anglais, 18, B-4000 Liège
+32 (0)4 223 47 11
Mange et dis merci
Rue Hors-Château, 14, B-4000 Liège
+32 (0)4 222 06 02, www.mangeetdismerci.com
Pica Pica
Rue Hors-Château, 62, B-4000 Liège
+32 (0)4 221 30 74, www.elpicapica.be
Librairie Entre-Temps
Rue Pierreuse, 15, B-4000 Liège
www.entre-temps.be