- La Route de la Bière
Par Marc Vanel
DE BASTOGNE À BAILLONVILLE
Déménagement et changement de nom, le pari de Philippe Minne semble d’ores et déjà gagné. Mais ce n’est qu’un début. La brasserie explore actuellement la Flandre et les Pays-Bas, tandis qu’un distributeur a été trouvé pour le nord de la France.
Présent parmi les géants du Carnaval, Trouffet est un personnage légendaire de la ville de Bastogne, il incarne l’Ardennais fier, rusé et un peu filou. Son nom et les légendes qui se racontent à son sujet ont inspiré Philippe Minne et Philippe Meurisse qui baptisèrent en 2008 leur première bière, Trouffette.
Issu d’une lignée de brasseurs, le premier travaillait alors pour le groupe CMI comme ingénieur civil et électromécanicien, le second exploitait une ferme bio et souhaitait diversifier sa production. En 2008, ils créent ensemble la Brasserie de Bastogne, à Vaux-sur-Sûre, qui démarra comme un hobby pour les deux associés. De 120 hectolitres à ses débuts, la brasserie atteint en quelques années un volume de 1.500 hectolitres. A l’étroit et située en zone agricole ne permettant pas une extension, l’activité doit être déplacée.
Les deux hommes interrompent dès lors leur collaboration, Philippe Minne et son épouse Catherine décident de rapprocher l’exploitation de leur domicile et l’installent dans le zoning industriel de Baillonville, à Somme-Leuze, dans un tout nouveau bâtiment représentant un investissement d’un million et demi d’euros.
« Nous avons acheté le terrain, explique Philippe Minne, avec l’aide du Bureau économique de la Province de Namur, et fait construire ce bâtiment de 10,50 ares dessiné par un de mes amis architectes et qui avait envie de faire quelque chose de particulier. Même s’il manque les yeux, le bâtiment a la silhouette très stylisée d’un sanglier, l’emblème de la maison que l’on retrouve sur toutes nos capsules. Il nous permet de tout réunir sur un seul site. »
© Marc Vanel
Des bières qui sortent de l’ordinaire
Depuis cinq ou six ans, Philippe Minne a abandonné l’industrie lourde pour se consacrer à l’art brassicole, son épouse assurant l’indispensable gestion administrative du lieu qui emploie également trois autres personnes. Le brasseur aime expérimenter et propose aujourd’hui une gamme d’une vingtaine de bières non pasteurisées et non filtrées : « Nous aimons faire des choses qui sortent de l’ordinaire, en utilisant notamment des levures de vin et des barriques de chêne d’origines très différentes (Bourgogne, Pineau des Charentes, Cognac, Sauternes, Porto…) que nous travaillons avec des méthodes peu utilisées en Belgique, comme la méthode Berliner, pour nous démarquer. Nous utilisons aussi des levures provenant de l’Abbaye d’Orval pour la seconde fermentation en bouteille de plusieurs bières. »
Installée dans ce nouveau bâtiment depuis mars 2019, la brasserie poursuit son développement sans précipitation. « En 2019, nous avons produit ici 2.500 hectolitres en brassant deux lots de 2.500 litres par jour. Nous brassons une semaine sur deux et mettons en bouteilles la semaine suivante. »
La qualité plutôt que le volume
Vendues en bouteilles de 33 et 75 centilitres, ou en fûts pour les cafés, le prix des bières oscille entre 2 et 4,5 euros. On les trouve surtout dans les Drink Centers et les petites surfaces, ainsi que dans des magasins de proximité. Ce qui a d’ailleurs permis à la Brasserie Minne de ne pas souffrir de la fermeture de l’Horeca pendant le confinement. Peu d’export jusqu’à présent, mais un commercial explore actuellement la Flandre et les Pays-Bas, tandis qu’un contrat important avec un distributeur du nord de la France vient d’être signé.
« Lors de la première vague du coronavirus, nous avons dû tout stopper pendant deux mois, mais nous nous sommes maintenus grâce à nos stocks. Ceux-ci étant épuisés au moment du déconfinement, nous avons pu rapidement relancer la machine. A présent, c’est la première semaine de fermeture de l’Horeca (ndlr : cette interview a été réalisée fin octobre), il est trop tôt pour juger. »
Et Philippe Minne de conclure : « Beaucoup de petites brasseries se développant, je crains un certain écrémage dans quelques années. Quant à nous, nous visons les 5.000 hectolitres de production d’ici quatre ou cinq ans. Allons-y progressivement, notre philosophie a toujours été axée sur la qualité et pas tellement sur le volume. »
La Super Sanglier emmène le top 3
« Nous aimons faire des bières particulières, explique Philippe Minne, comme Rouge Ardenne, une bière piquante acidulée et boisée, la Purple Ardenne, une autre bière sûre, “salée” avec du cassis, ou la Vinum qui contient 30 % de moût de raisins de Gewurztraminer d’Alsace mélangé avec le brassin, auquel nous ajoutons des levures de vin. Toutes nos étiquettes sont réalisées par Vincent Albert, voisin, ami et prof à Saint-Luc. Il apporte beaucoup à notre image. »
Au niveau des ventes, la Super Sanglier, la dernière-née de la Brasserie, cartonne. Cette bière légère (seulement 4.5 % vol. alc.), très parfumée et houblonné, se boit quasiment d’un trait, été comme hiver. Elle est suivie sur le podium par Belle d’été, une double blanche brassée avec du froment et les épices traditionnelles de la blanche (coriandre, zeste d’agrumes), et Ardenne Triple à la robe ambrée.
Zoning Nord de Baillonville 9 – RN929
B-5377 Somme-Leuze
+32 (0) 475 87 83 66brasserieminne.be