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© Marc Vandermeir

made in Bastogne

  • Économie
  • / High Tech
Luxembourg  / Bastogne

Par Marc Vandermeir

Nichée à quelques pas du coeur de la cité du « Nuts », Euro-Locks travaille chaque jour, sans que l’on s’en rendre compte, à la sécurité de tout un chacun. Histoire d’une réussite discrète.

Voici une usine étonnante à plus d’un titre. D’abord, parce qu’elle est située à quelques centaines de mètres tout au plus du coeur historique de Bastogne, et non sur un zoning périphérique quelconque et sans âme. Ensuite, parce qu’elle est de haute sécurité, mais nullement sous haute surveillance. Enfin, parce qu’il suffit d’y cheminer pour y découvrir une ambiance très souriante, loin des inquiétudes quotidiennes que la crise économique peut amener dans toute entreprise. De haute sécurité, Euro-Locks l’est en effet, mais pas par son lien avec l’industrie militaire ou autre du genre. Elle l’est simplement parce que, de ses ateliers, sortent chaque jour rien moins que 80 000 serrures que nous utilisons tous les jours sans savoir qu’elles sont « made in Bastogne ». Euro- Locks a développé, par exemple, la serrure UGL (UpGraded Lock), qui a fait sa réputation aux quatre coins du monde. À propos de monde, Euro-Locks exporte 95 % de sa production qui, joints aux 5 % destinés au marché belge, permettent un chiffre d’affaires de 22,5 millions (chiffres de 2011) et 220 emplois.

Si nous utilisons chaque jour un de ces produits sans le savoir, c’est parce que cette entreprise met son savoir-faire au service de clients multiples, dont nous achetons les produits finis. Des ateliers bastognards sortent en effet chaque jour des serrures « à paillettes » (fines petites lamelles intégrées) destinées à tous les accessoires automobiles (porte-vélos, galerie de toit, attacheremorque, etc.), au mobilier, aux coffresforts, à l’informatique, aux armoires électriques, aux caravanes (deux tiers de celles-ci sont équipées de ces serrures), aux châssis de fenêtre, aux boîtes aux lettres… Sans oublier les serrures antivol pour vélos. « C’est un nouveau marché qui s’est ouvert à nous et pour lequel nous avons répondu à une demande très particulière de nos clients, explique Daniel Ceron, Deputy Group Managing Director. Car s’il y a bien sûr l’antivol traditionnel, la percée du vélo électrique nous a amené un nouveau marché. Les batteries de ces vélos coûtent cher et les fabricants de vélos ont donc voulu les protéger. Nous avons conçu pour eux la serrure intégrée au cache de protection et qui peut d’ailleurs être la même que celle de l’antivol, pour réduire le nombre de clés nécessaires. Ce type de serrure unique, nous l’avons aussi développé pour tous les dispositifs adaptables sur des barres de toit pour voiture, comme les porte-skis, porte-vélos, coffres de toit, etc. »

Chez Euro-Locks, on a conscience qu’il est nécessaire de se diversifier pour contrer la crise. « La récession nous affecte puisque nos produits sont au départ liés de près ou de loin aux accessoires automobiles, indique Stephan Wilmotte, directeur commercial. La diversification vers la plus large gamme qui soit d’autres produits pour de multiples secteurs d’activités nous permet de compenser. »

Un savoir-faire unique en Europe

La force d’Euro-Locks, ce n’est pas seulement la qualité et la réputation de ses produits. C’est aussi la volonté d’innover en étant à l’écoute des besoins des clients. « Chacun de nos clients est d’abord considéré comme un partenaire avec qui nous travaillons en étroite concertation pour répondre à ses attentes, mais également les anticiper en proposant des solutions adaptées et innovantes, continue Daniel Ceron. Notre serrure UG L est l’exemple parfait. Nous l’avons développée pour répondre en anticipant à la demande plus élevée de sécurité émanant de nos clients. Ce nouveau produit, unique, nous a permis d’aussi conquérir des parts de marché plus élevées dans les pays scandinaves, plus exigeants en matière de sécurité. Cette serrure est en outre un exemple de notre démarche commerciale qui ne cherche pas à vendre au plus bas coût. Notre qualité nous permet au contraire de cibler les clients qui ne recherchent pas le plus vil prix, mais qui, au contraire, sont prêts à mettre un montant correct pour un produit qui est le mieux adapté à leurs besoins. Car chaque client est unique. »

Innover, anticiper et écouter sont les maîtres mots chez Euro-Locks. Ce qui passe par une politique très volontariste en recherche et développement, avec une plusvalue on ne peut plus conséquente pour le site belge du groupe, qui dispose d’un savoirfaire unique en Europe. « Au sein du groupe, Bastogne est l’entité la plus importante et la plus complète pour la recherche de nouveaux produits, souligne Stephan Wilmotte. Des entités comme celles de France et de Pologne, qui sont deux filiales d’Euro-Locks Bastogne, ne disposent d’ailleurs pas d’un département R&D. Ici, nous disposons de quatre ingénieurs spécialisés et d’un atelier d’outillage et de prototypage. » De plus, Euro-Locks conçoit ses propres machines, très spécifiques et dignes du meilleur matériel d’horlogerie, destinées à la production de ses serrures, ce qui ne peut que renforcer son indépendance et sa force.

Familiale… Et visionnaire

Rendons au pays de sa Très Gracieuse Majesté ce qui lui appartient : Euro-Locks appartient au groupe familial britannique Lowe and Fletcher, né très modestement en 1889 lorsque M. Lowe et son gendre, M. Fletcher, ouvrent un petit atelier de serrurerie à Willenhall, non loin de Birmingham.

« Dans les années soixante, la quatrième génération aux commandes a été parfaitement visionnaire, sourit Daniel Ceron. Elle a compris que 30 km d’eau à traverser pour se développer et vendre sur le continent, cela mange beaucoup de temps. » À l’époque, la force de la livre sterling donne aussi un avantage concurrentiel à notre main d’oeuvre. Autres temps… Des contacts sont pris en divers lieux, dont Bastogne. Lorsqu’une usine de jouets en bois, Fabelty, met la clé sous le paillasson, l’intercommunale de développement économique, Idelux, est chargée de lui retrouver un avenir industriel. « Les liens entre les diverses personnes concernées – les responsables de la Ville, le gouverneur de l’époque et le groupe britannique – se sont tissés de manière cordiale et efficace », continue Daniel Ceron. Ces atomes crochus ont produit leur effet et, le 1er janvier 1972, l’enseigne Lowe and Fletcher donnait à Bastogne des échos, oh combien plus pacifiques, de la langue de Shakespeare.

Un bureau de vente est implanté à Wiltz (GDL), en 1974, sous le nom d’Euro-Locks. Il sera fermé en 1981, alors que l’usine connaît de sérieuses difficultés dues aux circonstances économiques de l’époque. De 150 personnes, l’emploi chute alors à 56. « La chance est que l’entreprise était britannique. Si les patrons avaient été Américains, ils se seraient sans doute bornés à signer les préavis », souligne Daniel Ceron. Britanniques et, à nouveau, visionnaires, « car ils ont compris qu’ici, à l’inverse peut-être de grandes villes industrielles, il y a une véritable culture du travail et de l’engagement pour l’entreprise ». D’où la volonté de continuer, cette fois sous le nom d’Euro-Locks. Et d’investir aussi puisque l’usine bastognarde a progressivement créé une filiale en France, en Allemagne et en Pologne. Euro-Locks dispose aussi d’une petite implantation au Michigan (USA). L’emploi, lui, a suivi.

Concurrence chinoise ?

Inévitable question. La réponse est à la fois oui et non, selon le regard que l’on y porte. « Certains de nos produits sont très copiés en Chine et il nous est impossible de résister au prix de ces produits, pointe Daniel Ceron. Mais notre force, c’est la qualité, le développement de produits en partenariat avec le client, le service et la concordance des livraisons. L’écrasante majorité des clients qui nous avaient quittés pour des fournisseurs chinois nous sont revenus. Ces derniers ne peuvent pas répondre à leurs exigences. Au bilan, ici, nous avons bien moins peur de la Chine qu’il y a cinq ou dix ans. »

Notre serrure UGL est l’exemple parfait. Nous l’avons développée pour répondre en anticipant à la demande plus élevée de sécurité émanant de nos clients.


Tandis que Stephan Wilmotte, regardant le problème sous un autre angle, constate que les droits d’entrée en Chine pour les produits exportés là-bas sont de 14 % à 16 %, alors que les droits appliqués ici aux produits venus de Chine ne sont que de 2,5 %. « Ce qui, in fine, coûte à nos pays en termes d’emplois et de sécurité sociale. Nos dirigeants en sont-ils conscients ? »

La serrure du coeur…

Ce 21 septembre, Euro-Locks fête son 40eanniversaire en recevant des représentants de toutes ses entités, du monde politique et des « forces vives », suivi le lendemain d’une journée portes ouvertes marquée du sceau de la solidarité. En effet, tout le personnel a décidé que son salaire du jour serait versé à une oeuvre, l’entreprise doublant la mise. La serrure du coeur, en quelque sorte…

 

Renseignements

Euro-Locks S.A.
Rue de la Fontaine, 8
B-6600 Bastogne
+ 32 (0)61 21 22 61
www.euro-locks.be

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