- Patrimoine
- / Tourisme culturel
Par Christian Sonon
La Route Merveilleuse lui a servi de tremplin professionnel. Depuis cinq ans, Thierry Pierre propose des balades en Segway sur le site de la Citadelle de Namur. C’est original et pas fatigant du tout. Il suffit de se pencher. La machine fait le reste !
Il était constamment collé à terre, les genoux en feu, puis, un jour, il a entendu une voix lui souff lant : « Penche-toi et avance ! », et il s’est mis à gravir la Citadelle de Namur en deux temps et quelques mouvements. Suivi, comme le joueur de flûte de Hamelin, par une ribambelle de petits bonshommes fluo et casqués, enchantés de se mouvoir ainsi sans effort sur les pentes tortueuses de cette forteresse qui a résisté pendant des siècles aux assauts des plus grands conquérants.
Cette histoire, ce n’est pas celle de Lazare ni un conte des frères Grimm, mais bien l’aventure vécue par Thierry Pierre, un Namurois, qui propose depuis cinq ans, un moyen très original pour visiter la capitale wallonne et son fleuron, la Citadelle. Vous avez certainement déjà vu cet engin à deux roues sur lequel on se tient debout et que l’on fait avancer en se penchant vers l’avant. Cela s’appelle un Segway ou un transporteur personnel. L’engin fonctionne sur le principe du gyroscope, c’est-à-dire que c’est la position du corps qui décide de la vitesse et la direction. Grâce à ses capteurs très sophistiqués, l’appareil détecte votre inclinaison et donne aux roues le mouvement nécessaire pour que vous restiez en équilibre tout en vous déplaçant. C’est non seulement enfantin, mais c’est aussi électrique, silencieux et non polluant !
Départ dans la caserne Terra Nova
« J’ai travaillé une vingtaine d’années dans le bâtiment en tant que carreleur », explique Thierry Pierre sur la plate-forme Terra Nova, au coeur du domaine fortifié, où ses Segways sont alignés en attendant le départ. « Mais à force de m’appuyer sur le sol, j’ai commencé à avoir des problèmes aux genoux. Il devenait impératif pour des raisons de santé de trouver un autre job. Lors d’un séjour en République dominicaine, j’avais eu l’occasion d’essayer cette machine mise au point par un ingénieur californien. J’y ai réfléchi, pensant d’abord devenir vendeur officiel. Mais l’idée m’est vite venue de l’utiliser à des fins touristiques. Je l’ai testée sur les pentes de la Citadelle, puis je me suis lancé. »
En 2008, Thierry fait donc l’acquisition de douze Segways, à 8 400 € pièce. Mais il lui faut un camion pour les transporter et un site où s’installer. « La Ville de Namur a accepté que je prenne place dans l’ancienne caserne Terra Nova, à côté de l’accueil des visi teurs. J’ai signé avec elle une convention. Je promeus le site qui lui appartient et elle me soutient. »
C’est ainsi qu’est née Segwaynam, une petite sprl qui propose, par exemple, pour 30 €, un circuit d’une heure trente comprenant la visite de la Citadelle et le tour de la vieille ville. Ou une variante de deux heures… Grâce à ses deux batteries, le gyropode à une autonomie de 40 kilomètres environ. La plupart du temps, c’est Thierry Pierre lui-même qui fait office d’accompagnateur, tout en dispensant ci et là quelques commentaires à propos des lieux. « Je travaille aussi avec des moniteurs que je recrute via une agence d’intérim. Et, parfois, lorsque le client le demande, avec un guide attitré. Car ce n’est pas mon job et je ne veux prendre la place de personne. »
Également aux Lacs de l’Eau d’Heure
Au fil des grimpettes et des inclinaisons – en avant ou en arrière –, d’autres idées sont venues étoffer le catalogue de la petite société namuroise. Aujourd’hui, Segwaynam, qui est désormais riche de vingt-cinq transporteurs, propose également, le plus souvent en association avec des partenaires locaux, des balades autour des Lacs de l’Eau d’Heure, sur le Ravel de la vallée de la Molignée, dans le centre d’Andenne, les environs de Dinant et de Floreffe… « Au début de l’aventure, quand nous nous faufilions entre les passants, on devinait à leur expression qu’ils nous prenaient pour des fainéants, raconte l’initiateur. Aujourd’hui, c’est un sourire de sympathie qui s’affiche sur leur visage. Les automobilistes sont fair-play et prennent le temps de nous laisser passer. Quant aux touristes, ils sont de plus en plus intéressés, que ce soit en groupe ou en famille. Mais mon plus gros chiffre d’affaires vient des entreprises pour lesquelles j’ai concocté différents modules de teambuilding, tels que circuits découverte, chasses au trésor ou parcours d’habileté. » Le fondateur parvient-il à vivre de ses Segways ? « Pas encore, concèdet- il. J’ai gardé mon activité de carreleur pour meubler les périodes creuses. Comme en hiver. Celui-ci fut particulièrement long… »
Bref, si la partie n’est pas définitivement gagnée, Thierry Pierre n’en est pas moins sur la bonne pente !
Renseignements
Segwaynam
Rue Jean Colin, 2
B-5020 Flawinne
+32 (0) 475 66 14 47
www.segwaynam.be
En « mets et chants… sons »
Le dimanche 4 août, l’asbl Comité Animation Citadelle proposera un parcours pédestre sur le site de la Citadelle mêlant musique, gastronomie et histoire. De 11 à 14 heures, le public sera amené à découvrir des lieux historiques d’exception habituellement fermés et à y écouter des musiques en rapport avec leur période. De la musique médiévale au Château des Comtes, du classique à Terra Nova, de la musique folklorique au Hangar aux Affûts, des groupes vocaux au Théâtre de Verdure et de la musique pop-rock au Belvédère. Sur chaque espace, des chefs de renom accueilleront le public en proposant des dégustations culinaires également en lien avec l’époque.
Une visite de Namur sur deux roues
« Mettez bien vos pieds au milieu du plateau. Pour démarrer, il suffit de vous pencher légèrement en avant. Plus vous vous inclinerez, plus le Segway prendra de la vitesse… Pour tourner, tirez le guidon du côté où vous voulez aller. Pour freiner et vous arrêter, redressez-vous ! »
Avant d’entamer chaque balade, Thierry Pierre consacre toujours un petit quart d’heure à expliquer le fonctionnement de ses gyropodes. Ce matin-là, sur le parking de Terra Nova, il encadre des étudiantes de 6e année de l’Institut Ilon Saint-Jacques, l’école d’hôtellerie et de tourisme de Namur. Céline, Stéphanie et Anna n’ayant pu accompagner le reste de leur classe en voyage scolaire, les jeunes filles ont opté pour la visite de la Citadelle et du vieux Namur en Segway, accompagnées de Saji, leur professeur de mathématiques.
L’initiation terminée, le petit groupe s’élance en file indienne, escorté par Thierry et suivi par Renaud, son assistant. Tous portent un casque et un gilet fluo. En quelques louvoiements, l’Esplanade est atteinte. « Le Stade des Jeux et le Théâtre de Verdure sont l’oeuvre d’un architecte contemporain de Léopold II, Georges Hobé, qu’il ne faut pas confondre avec le pilote de motocross Georges Jobé qui, lui aussi, s’est illustré autour de la Citadelle », explique le guide, avant de sortir une clé et de débrider les Segways. « Au départ, je limite leur vitesse à 8 kilomètres à l’heure. Maintenant, ils peuvent rouler deux fois plus vite. »
C’est donc avec des ailes dans le dos que les jeunes filles s’élancent maintenant sur la Route Merveilleuse et dévalent la pente jusqu’aux Jardins de Médiane, où Thierry peut leur décrire la vue plongeante sur Namur : le Bef froi, la Cathédrale, le Parlement wallon, la Meuse… Après un nouveau coup de reins pour franchir le Pont des Hollandais, on poursuit la descente jusqu’au Jardin des Plantes, non loin de l’endroit où, voici un peu plus d’un siècle, s’élançait le funiculaire qui reliait la ville au Grand Hôtel de la Citadelle. « Son coût d’exploitation élevé et la concurrence du tram ont provoqué son démantèlement en 1907 », explique Thierry avant de s’élancer sur le chemin de halage.
Au pont du Grognon, où, malgré le nom, tous et toutes affichent un large sourire, le guide explique que ce triangle formé par la Meuse et la Sambre était jadis le berceau de Namur. « Plus de 2 000 personnes y étaient serrées dans 150 habitations. C’était le quartier des Sarrazins, nom donné à ceux qui travaillaient dans les bas fourneaux. » La Sambre franchie sans effort, voici le groupe devant le Théâtre de Namur. Puis, c’est la visite de la vieille ville : la Tour Marie Spilar, le Beffroi, la rue des Fripiers, la place Marché aux Légumes… Sur un coin, un établissement datant de 1616, le « Ratin-Tot » (« attends tout », en wallon). « C’est là que les hommes s’attablaient en attendant que leurs épouses reviennent de la messe à l’église Saint-Jean », commente Thierry.
Sous le regard amusé des passants, la chenille sur roues zigzague à travers les ruelles jusqu’au Musée Félicien Rops. Puis, c’est le retour via la Halle aux Grains et le chemin de halage. Au pont de l’Évêché, les Segways traversent la Sambre et attaquent les pentes de la Citadelle via l’avenue Jean 1er. « Nous sommes presque arrivés, lance Thierry, comme le groupe aborde la Route des Canons. Faites attention ! C’est souvent dans les dix dernières minutes, alors que l’on sent trop confiant, que l’on risque une chute. » Il n’avait pas fini de parler que Stéphanie se retrouve les jambes en l’air. Plus de mécontentement que de mal, heureusement. Près du Hangar aux Affûts et son magnifique point de vue, la jeune fille a retrouvé son sourire pour la « photo de famille ». « Je croyais que les Segways, c’était un truc pour garçons, commente- t-elle. Mais ce n’est pas compliqué… » « C’est une façon originale de découvrir la Citadelle », intervient Anna. « En un mot, c’est gé-nial ! », conclut Céline.