- Dossier
Par Christian Sonon
Rencontre avec Yves Vasseur, commissaire-général de Mons 2015
Avec plus de 300 événements marquants et un millier d’activités originales, la Cité du Doudou s’apprête à vivre, en 2015, une explosion culturelle sans précédent. Les trois coups seront donnés dans les murs de la ville ce 24 janvier. Mais l’éblouissement ne faiblira pas au fil des saisons. L’exposition Van Gogh au Borinage, les installations urbaines, les cafés Europa, le Festival au Carré, les Ailleurs en Folie, l’ouverture du Pôle muséal, la Cité Miroir de Frédéric Flamand... ne sont que quelques-uns des temps forts sur lesquels les organisateurs, la Fondation Mons 2015, misent pour faire entrer la ville dans l’ère du renouveau. Construit autour de la rencontre entre la technologie et la culture, en donnant largement la parole à la jeunesse, l’événement parie également sur la métamorphose. Si la ville en fête sera méconnaissable pendant douze mois, les nouveaux musées et autres lieux d’expression artistique vont l’habiller pour plusieurs décennies. La volonté est de donner à tous l’accès à la culture. L’espoir ? Que tous répondent présents. Un pari déjà gagné puisque c’est toute la région, tout le pays même, qui a exprimé son désir de participer. Une nouvelle dynamique citoyenne, un décloisonnement qui traduit le désir de chacun de s’ouvrir à l’autre et d’entreprendre ensemble cette traversée du siècle. Yves Vasseur, le commissaire-général de Mons 2015, est le premier à s’en réjouir.
YVES VASSEUR BIO EXPRESS
— Naissance à Jemappes le 1er février 1951. Jeunesse et adolescence à Quiévrain. — Licences en communication sociale et en études théâtrales à l’UCL.
— Journaliste RTBF à Mons de 1974 à 1985, où il s’intéresse activement à la vie culturelle hennuyère, puis coordinateur du Centre Dramatique Hennuyer de 1985 à 1990.
— Nombreuses publications littéraires, BD et théâtre.
— De septembre 1990 à décembre 2009, directeur administratif du Théâtre du Manège, Scène Nationale de Maubeuge.
— Depuis avril 2002, intendant du Centre Culturel Transfrontalier le Manège à Mons.
— Désigné en mars 2004 comme commissaire du projet « Mons, Capitale européenne de la Culture 2015 », projet désigné lauréat en février 2010
Comment s’est faite cette ouverture vers tout le Hainaut et les principales villes belges ?
Y.V. — Tout naturellement. Notre volonté de rayonner autour de Mons était déjà exprimée dans notre dossier de candidature, car nous voulions valoriser aux yeux de l’Europe la richesse culturelle de toute la région. Nous avons commencé par englober l’arrondissement de Mons-Borinage. Cela nous a vite semblé évident parce que l’histoire de ses habitants est également la nôtre. En les invitant à participer, nous voulions qu’ils s’approprient l’événement. Ces douze communes ont ainsi élaboré un projet, le Grand Ouest, qui permettra à chacune d’elle de trouver sa place, d’identifier ses forces vives. Ensuite, nous avons tracé un deuxième cercle d’un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de Mons de façon à mettre en évidence l’incroyable diversité des institutions culturelles (le Mac’s, le Pass, le Musée de la Photographie...) de notre région et leur apporter une visibilité qu’elles n’avaient pas jusqu’ici. Nous avons demandé à chacune de nous proposer un projet original, exceptionnel, en rapport avec nos thématiques. Ce qu’elles ont toutes accepté, sans exception. La troisième démarche, attendu que la Fédération Wallonie-Bruxelles nous aide beaucoup, a été d’inclure dans le projet les principales villes francophones. Ces villes partenaires vont ainsi proposer chez elles un événement qui va créer un flux de tourisme culturel entre elles et Mons. Enfin, nous ne pouvions pas nous couper de la moitié nord du pays, ni des villes du nord de la France avec lesquelles nous travaillons régulièrement. Grâce à Mons 2015, toutes ces villes et leurs institutions se connaissent déjà beaucoup mieux aujourd’hui.
Pourquoi avoir choisi de lier étroitement la culture aux technologies et à la jeunesse ?
Y.V. — Vers 2003-2004, le bourgmestre Elio Di Rupo avait déclaré qu’afin de relancer l’activité socio-économique de Mons, il fallait miser sur les technologies, le tourisme culturel et la jeunesse. Dix ans après, on peut dire qu’il a eu le nez fin puisque des entreprises comme Google, Microsoft et IBM, pour ne citer qu’elles, sont venues s’implanter chez nous, creusant ainsi une Digital Innovation Valley plus spécifiquement tournée vers des technologies liées à l’informatique, aux jeux vidéo, à l’image, à la reconnaissance vocale... vers lesquelles la culture peut tout naturellement jeter un pont. Quant à la jeunesse, comment ne pas en faire un axe fort de notre travail quand on sait que Mons compte environ 20 000 étudiants ? C’est évidemment un public cible. Notre idée est que les jeunes s’approprient l’événement et voient dans leur ville qui se métamorphose la possibilité de se former. Afin de les impliquer davantage dans le projet, nous avons conçu, avec la collaboration de l’artiste Wajdi Mouawad, l’opération « J’aurai 20 ans en 2015 ». Depuis 2011, un millier d’ados ont été embarqués d’une façon ou d’une autre dans l’aventure et sont devenus des acteurs de la Capitale européenne de la Culture.
Le budget de Mons 2015 est de 68 millions €, hors infrastructures. Quelles retombées économiques espérez-vous ?
Y.V. — Nous estimons qu’environ deux millions de personnes – soit un million venant du Hainaut proche © DR et un million venant des autres régions de Belgique et d’Europe – participeront au moins à un événement. Si l’on se base sur les expériences des autres Capitales européennes de la Culture, telles Lille et Marseille, nous pouvons tabler sur un rapport d’un à six pour la grande région montoise, c’est-à-dire qu’1 € investi devrait en rapporter six au secteur horeca. Quant aux 250 000 000 € consacrés à la rénovation des infrastructures (gare exclue), financés en très grande partie par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Wallonie et les fonds européens, ils sont déjà retombés dans le circuit économique. Notre espoir maintenant est que ces nouveaux outils, avec leurs services et leurs équipes, connaissent d’autres aventures. Que les autorités communales et régionales trouvent d’autres objectifs à la Fondation Mons 2015 afin de continuer à alimenter l’esprit qui s’est créé pour cet événement. C’est la première fois que toutes ces institutions tirent dans le même sens. Il faut donc profiter de nos acquis.
Et les retombées pour l’économie de la région et les perspectives de débouchés pour les jeunes ?
Y.V. — Mons 2015 fait souffler une dynamique positive sur toute la région. Je suis persuadé que les investisseurs vont être de plus en plus séduits par la panoplie de nos infrastructures, comme le nouveau centre de congrès, mais aussi par les possibilités de formation et de logement. Comme elle est en outre très bien située, la ville est devenue attirante pour agréger les entreprises de la nouvelle économie créative. Si Mons est au top en 2015, ces investisseurs n’y seront pas insensibles. Le tour de force réussi avec Google pourrait se renouveler. Et, quels que soient leurs domaines de compétences (informatique, marketing, ingénieurs...), les jeunes Montois, qui seront formés demain dans nos écoles et universités, seront les premiers à en bénéficier. Ces entreprises chercheront à attirer ces talents et à les retenir. C’est un nouvel état d’esprit qui est en train d’éclore.
Mons espère-t-elle suivre l’exemple de Lille qui bénéficie d’un nouveau rayonnement culturel depuis 2004 ?
Y.V. — En relativisant et en gardant les pieds sur terre, je suis persuadé que l’on peut espérer un rayonnement similaire. La ville a en tout cas toutes les cartes en main pour y arriver.
Vous avez toujours été féru de culture. Pouvez-vous compléter cette phrase qui ressort de votre vécu :
« Quand j’étais jeune, il n’y avait aucune possibilité de sorties culturelles à Dour ni à Quiévrain. Demain, j’aimerais... »
Y.V. — ... que ce ne soit plus le cas. Que tous les jeunes de Mons-Borinage aient accès à la culture.