- Dossier
Par Christian Sonon
Les passionnés et les curieux se retrouveront au Carré des Arts pour manier les nouvelles technologies. Autour d’un verre et sur une chaise fabriquée par une imprimante 3D.
Dans la genèse de Mons 2015, il y a indéniablement la Digital Innovation Valley. Les implantations dans le Cité du Doudou de Google, de Microsoft et d’une centaine d’autres entreprises spécialisées dans l’innovation digitale ont largement contribué à ouvrir les portes de l’emploi high-tech dans la région et, donc, à lui redonner espoir et vitalité. À l’heure de partir présenter sa candidature auprès de l’Europe, Mons 2015 a donc tout naturellement pensé au numérique. Mais elle ne s’est pas contentée de l’embarquer dans ses bagages, elle en a fait son slogan : « Where Technology Meets Culture ». L’enjeu n’étant pas de prôner la technologie pour la technologie, mais de l’utiliser afin de réduire la fracture sociale et numérique. Créer du lien, de la chaleur, de l’intergénérationnel afin d’inventer de nouveaux modèles artistiques et économiques. Placés sous la responsabilité de Pascal Keiser, le directeur de Technocité, le centre mon- tois de formation continue, les projets arts numériques se présenteront sous diverses facettes en 2015. Si Transnumériques, la biennale des cultures numériques, Mons Street reView et ses images insolites, le projet Media DJ, qui s’adressera aux jeunes, en seront quelques- unes parmi les plus intéressantes, les regards seront surtout portés sur le Café Europa dont les Montois ont pu humer les premiers arômes au printemps dernier, lorsqu’un prototype avait été installé dans la cour de la Fondation Mons 2015. Visiblement, ils n’ont pas eu peur de venir s’immerger dans la tasse du numérique puisqu’en deux mois cet établissement d’un autre type avait attiré 2000 personnes.
Du 12 mars au 19 décembre, après avoir bénéficié de quelques retouches, le projet reviendra en force et s’implantera, non pas, comme c’était initialement prévu, dans l’enceinte érudite du Mundaneum, en rénovation, mais dans la cour du Carré des Arts. « Le Café Europa que nous avons conçu est né du désir de créer un lieu culturel public et intergénérationnel à l’heure du numérique et du développement durable, explique Pascal Keiser. Ou plutôt, un réseau de lieux, puisque des Cafés Europa, construits à partir de matériaux recyclés, seront installés dans les villes européennes partenaires de Mons 2015. Interconnectés, ils seront des laboratoires où les gens viendront manier les nouvelles technologies pour les comprendre, discuter de leur impact sur la société et partager ces débats en temps réel avec d’autres interlocuteurs aux quatre coins de l’Europe. Ils seront la preuve qu’en travaillant sur les technologies chaudes, on peut créer des liens sociaux. »
Un lieu de rencontre et de formation
On a tous en tête l’image du boutonneux, féru de technologie, enfermé matin et soir dans son bureau, le nez devant l’écran. Le Café Europa prendra le contre-pied de cette image en montrant comment le numérique peut susciter rencontres et échanges. Les technologies s’approprieront ce lieu public qu’est le café en remplaçant les activités de jadis, comme les parties de cartes, les concours de pigeons, les paris sportifs, les activités tricot ou les discussions chaotiques. « En redevenant ce lien d’intégration sociale cher aux générations précédentes, le café contribuera à donner une nouvelle identité collective aux citoyens », assure le responsable. Concrètement, le Café Europa se présentera d’abord comme un lieu de rencontre et de formation. Des ateliers permettront ainsi aux jeunes d’imaginer des jeux vidéo à l’attention d’un public varié. « L’intergénérationnel sera au cœur du Café Europa, souligne Pascal Keiser. Avec la collaboration du centre Microsoft de Mons, nous avons permis à des jeunes de créer un jeu mettant en scène des personnages reproduisant des mouvements d’un maître de taï-chi, l’art martial le plus populaire au monde. Testée au printemps, cette activité a fortement intéressé les personnes du troisième âge. »
Un écran géant à taille humaine
Deuxième outil, l’écran interactif ou Europa Wall. En permettant d’entrer en contact direct avec les membres des autres Cafés Europa, ce mur communiquant sera l’élément central du projet. Une programmation planifiée proposera des cours ou des ateliers collectifs, ainsi que des débats auxquels chacun pourra participer, à Mons, ainsi que dans les autres cafés du réseau. Pascal Keiser : « Ces systèmes de communication se différencieront des autres techniques, telles que celles utilisées par Skype, par leur taille. Cet écran mesure en effet trois mètres sur deux, c’est-à-dire que les gens se verront en taille réelle, ce qui renforcera l’impression de proximité et permettra un autre rapport dans les dialogues. C’est peut-être une utopie, ajoute le responsable. Mais ces écrans rejoignent l’idée des deux fondateurs du Mundaneum, Paul Otlet et Henri La Fontaine, qui était d’amener la paix dans le monde par une meilleure connaissance de l’autre. Car, aujourd’hui, les gens souffrent d’un énorme déficit en matière de compréhension ».
« Interconnectés, les Cafés Europa seront des laboratoires où les gens viendront manier les nouvelles technologies pour les comprendre, discuter de leur impact sur la société et partager ces débats en temps réel avec d’autres interlocuteurs aux quatre coins de l’Europe. »
La 3e révolution industrielle dans les cafés
Le troisième axe, l’EuropaLab – le FabLab du Café Europa – est un espace de rencontre et de création collaborative qui permettra, entre autres, de fabriquer des objets uniques (décoratifs, prothèses, mobilier...). Toutes sortes d’outils technologiques seront mis à la disposition du public, notamment des machines pilotées par ordinateur. D’un FabLab à un autre, on pourra non seulement échanger des procédés de fabrication d’objets divers, mais également les réaliser en direct, à l’aide d’une imprimante 3D, au départ de fichiers 3D et de blocs de résine. « Une chaise fabriquée à San Sébastian pourra ainsi être reproduite à Mons, lance Pascal Keiser. L’idée est de former les jeunes à l’utilisation de ces outils. Mais il y aura également des ateliers pour les familles et les personnes plus âgées. Car l’EuropaLab s’adressera tant aux entrepreneurs et designers, qu’aux artistes, bricoleurs, étudiants, familles ou hackers en tout genre. Avec cet outil, on intègre la troisième révolution industrielle dans les cafés. »
Vous avez l’impression que le monde va trop vite ? On vous rassure. Les Smartphones ont certes remplacé les cartes à jouer sur les tables, les écrans interactifs succéderont sans doute aux télévisions sur les murs, mais les cafés seront toujours des lieux où des hommes et des femmes viendront s’asseoir afin de refaire le monde. Et il n’y manquera jamais de chaises, l’imprimante y veillera !