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Par Didier Tonreau
Employer 2 200 personnes en Belgique et distribuer plus de 7 000 clients en Europe et dans le monde n’exclut pas préoccupation environnementale et sociétale. Le coeur lessinois de Baxter développe une vision responsable du service à la santé.
Bruxelles peut s’enorgueillir d’avoir accueilli en 1954 la première unité de production européenne de Baxter International Inc. et ses 27 travailleurs. En 1970, c’est Lessines, petite commune de Wallonie picarde située à mi-chemin entre Bruxelles et Lille, qui est choisie pour répondre aux besoins d’expansion de l’entreprise. La nouvelle implantation de 5 000 m² occupe alors 370 travailleurs. En 2012, après de multiples extensions (d’autres suivront prochainement), la surface de production totalise 72 752 m² pour 1 800 travailleurs.
Un second site inauguré en 2010 à Brainel’Alleud, regroupe près de 400 personnes. Il abrite l’un des trois centres européens de recherche et développement du groupe, les activités commerciales et les fonctions de support au niveau belge et en partie européen. Le centre R&D emploie une équipe internationale composée de 220 chercheurs de 14 nationalités différentes. Le choix de la Belgique n’est pas le fruit du hasard. « C’est un ensemble de facteurs dont le rôle logistique central pour la distribution en Europe, un tissu industriel caractéristiques et les compétences locales, autant d’éléments clés qui ont orienté notre choix », précise Damien Bailly, General Manager pour la Belgique et le Luxembourg.
Le secteur des médicaments représente pour la société Baxter 85% de sa production « Nous aimons à dire que Baxter, c’est bien plus que la pochette souple suspendue à son support et reliée au patient par une tubulure. Le coeur de l’activité à Lessines repose sur quatre éléments : les immunoglobulines pour soigner les déficients immunitaires, la nutrition parentérale visant les patients qui ne peuvent se nourrir par la voie digestive, une partie du process pour le traitement des hémophiles et une partie de la fabrication d’un système de dialyse.» Des innovations majeures qui font du site lessinois un des fers de lance dans la production mondiale.
Lessines, centre mondial du traitement du plasma
Un traitement destiné aux patients dont le système immunitaire présente des déficiences est exclusivement produit à Lessines. Il est fabriqué sur base de l’immunoglobul ine (un dér ivé du plasma humain). Actuellement, plus de 150 affections liées à ce type de déficience ont pu être identifiées : agammaglobulinémie, maladies génétiques avec un niveau faible d’anticorps, leucémie lymphatique chronique, sida infantile, syndrome de Kawasaki, syndromes parfois révélés par la multiplication des infections de l’oreille, de sinusites à répétition ou encore l’absence d’effets des antibiotiques malgré un traitement de plusieurs semaines. Les déficiences immunitaires primaires sont des maladies rares. On recense à peine 750 patients diagnostiqués en Belgique. Pour les besoins de production de ce médicament destiné au marché mondial, 70 millions € ont été investis entre 2009 et 2012 pour implanter sur le site une unité de biotechnologie permettant notamment le remplissage des flacons d’immunoglobulines.
Tout aussi spécifique pour Baxter- Lessines que l’immunoglobuline, la première poche de nutrition parentérale constitue une seconde innovation. Elle permet d’alimenter le malade par voie intraveineuse. Cette poche contient les ingrédients nécessaires à une nutrition complète d’un grand nombre de patients incapables de se nourrir par voie digestive. Tous les médicaments de nutrition parentérale ainsi que les poches sont produits à Lessines.
La problématique du traitement de l’hémophilie est une préoccupation de longue date pour la société Baxter qui, en 1952, fut la première à s’intéresser à son traitement. Cette maladie rare empêche la bonne coagulation du sang lors de blessures internes problématiques qui peuvent se déclarer suite à un choc. « Parmi les solutions innovantes, nous avons développé le premier facteur VIII de coagulation pour le traitement de l’hémophilie sans addition de protéines animales ou humaines. Il réduit considérablement la durée de fabrication. C’est aujourd’hui un des secteurs les plus importants pour nous », continue Damien Bailly.
Un système révolutionnaire venant en aide aux personnes souffrant d’insuffisance rénale figure en bonne place parmi les innovations majeures, spécifiques à Lessines. Un domaine où Baxter, qui commercialisa le premier rein artificiel en 1956, peut également s’appuyer sur une longue expérience. Ses recherches ont débouché sur une technique novatrice, la dialyse péritonéale. Le péritoine est une membrane fortement vascularisée qui entoure l’abdomen. La solution est injectée dans ce tissu dont la vascularisation importante va permettre l’échange entre le produit et le sang à épurer. Un cathéter assure ensuite l’évacuation de l’eau et des déchets. « L’invention du système de dialyse péritonéale permet de laisser les patients à domicile alors que, dans un centre, le dialysé doit subir des séances de 3 à 4 heures plusieurs fois par semaine. Ce système offre l’avantage du traitement ambulatoire qui peut même être enclenché le soir au coucher car les machines sont automatisées. » La qualité de vie du patient s’en trouve sensiblement améliorée alors que le coût du traitement ambulatoire ne représente qu’un tiers du coût de la formule traditionnelle en centre spécialisé. En 2006, le budget de l’État pour ce traitement était de 40 millions €. Enlever 30% tous les ans, cela représente une grosse somme. Toutes les personnes atteintes de cette maladie ne peuvent toutefois être dialysées avec ce système. Des études cliniques réalisées dans différents pays indiquent qu’une personne sur deux pourrait en bénéficier. Il reste néanmoins une marge considérable puisqu’à ce jour, 10 % seulement des patients sont soignés à domicile.
Parallèlement à ces quatre innovations majeures, Baxter a mis au point des solutions dans le traitement oncologique, les agents hémostatiques, l’anesthésie ou encore la nutrition. L’équipe de recherche travaille constamment sur les solutions à apporter aux maladies rares, chroniques, sévères ou autres. « Après 7 ans d’expérimentation, nous sommes actuellement dans la phase clinique, sur des patients, pour la reconnaissance d’un traitement destiné à lutter contre la maladie d’Alzheimer. » Un remède qui serait le bienvenu pour neutraliser une maladie dont l’expansion suscite de réelles inquiétudes.
Baxter-Lessines, plaque tournante de la distribution en Europe
95% de la production est exportée partout dans le monde avec des ventes dont le chiffre net s’élève à 12,8 milliards de dollars pour l’année 2010. La position centrale de la Belgique, où Lessines joue un rôle majeur, permet d’arroser toute l’Europe. La mission première du site de distribution réside dans le dispatching sur tout le territoire européen de la production pharmaceutique et médicale issue de Baxter-Lessines à laquelle s’ajoutent tous les autres produits provenant du monde ent ier. Ce qui représente 7 000 clients. Un rôle qui justifie les investissements consentis pour faire de ce centre de distribution un must en la matière. Plus de 34,7 millions € ont été injectés dans la construction de ce centre, inauguré en 1996, avec l’aide, dans le cadre d’Objectif 1, de fonds wallon et européen à concurrence de 36%.
Le centre de stockage, qui peut accueillir 54 000 palettes, est une merveille d’automatisation. Pour faciliter le flux de marchandises, toutes les opérations sont gérées par des lignes automatisées, guidées par les technologies informatiques dernier cri. Pas besoin d’éclairage pour déplacer les colis manipulés dans la pénombre de ce gigantesque entrepôt de près de 324 000 m³. Les grues côtoient des véhicules de transports aux milieux de robots articulés qui permettent d’assurer dans un mouvement ininterrompu la répartition personnalisée des caisses destinées à alimenter la clientèle européenne dont les hôpitaux, ainsi que les
centres de transfusion et de dialyse. 170 personnes sont toutefois nécessaires pour assurer le chargement et le déchargement des camions de livraison qui disposent de 26 quais. Un second hall, dont la capacité d’accueil est de 28 000 bacs plastique, permet de gérer spécifiquement les colis plus petits.
Une préoccupation environnementale
Depuis 40 ans, les principes du développement durable sont présents chez Baxter. En 2010, le site de Lessines a réduit ses déchets de 20% par rapport à 2005. La création d’une centrale de cogénération génère 18 tonnes de vapeur par heure, ce qui a permis de produire 68% des besoins en électricité. L’entreprise a pu réduire de 10 270 tonnes la production de CO² grâce à différentes mesures. Et la volonté est de baisser encore ces nuisances dans les cinq ans. Des principes qui s’inscrivent dans une culture d’entreprise bien plus large. « Nous accordons beaucoup d’importance au comportement des gens, à leur attitude et à l’éthique », insiste Damien Bailly. « Toutes les lois et les décrets peuvent exister, cela doit d’abord commencer par les gens qui y croient fondamentalement dans leur manière d’être. Créer de la valeur pour nous, c’est important, mais elle doit aussi être apportée à l’hôpital et au patient. Ça fait partie de nos engagements auprès de nos partenaires. J’ai visité plusieurs pays et je peux témoigner de cette préoccupation. En France, j’ai personnellement eu droit à une formation à la conduite de mon propre véhicule. Le principe, c’est de permettre à cette culture d’entreprise de devenir une habitude chez nos employés dans leur vie de tous les jours. Autre exemple, tous nos managers, dont moins de la moitié seulement proviennent des États-Unis, sont actuellement sensibilisés à l’inclusion et la diversité lors des embauches. Nous sommes également très actifs dans des actions caritatives. »
Baxter-Lessines constitue une pièce maîtresse pour Baxter dont les yeux sont aussi tournés vers l’Inde et la Chine. Des besoins gigantesques existent parmi ces populations proches des 2,5 milliards d’individus. Un important marché pour le secteur des soins de santé qui n’a pas échappé aux préoccupations de la société présente dans cette partie du monde. Des collaborations sont déjà établies avec des acteurs locaux dont les universités. Baxter espère y trouver suffisamment de niches pour poursuivre son développement dans une vision sociétale.
Pour rappel
En 1931, dans l’État de l’Illinois (USA), les docteurs D. Baxter et R. Falk mettent au point la première solution intraveineuse. Les deux scientifiques sont loin d’imaginer l’impact généré par leur découverte, véritable embryon d’une société devenue depuis 2011 une fringante octogénaire. La société emploie actuellement 48 000 personnes réparties dans 60 pays. Les progrès apportés dans les secteurs du médicament et des technologies médicales ont fait de Baxter un leader mondial de l’industrie de la santé. C’est à Lessines que l’on gère notamment toute la logistique de distribution européenne.