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Par Marc Vanel
TRAITE LES MALADIES CARDIO-VASCULAIRES PAR LE FROID
Créée en Allemagne en 2009 par une équipe de quatre entrepreneurs anglais et nord- américains, la société a installé ses bureaux l’an dernier à Awans pour y développer sa technologie originale de traitement de la plaque coronaire par le froid. Elle entre en phase clinique.
La coronaropathie est la maladie des artères coronaires qui vascularisent le cœur, elle peut entraîner une angine de poitrine ou un infarctus du myocarde. A l’origine d’une maladie coronarienne, on observe très souvent une athérosclérose qui est une accumulation de corps gras et d’autres substances toxiques dans les artères formant des plaques (appelées athéromes) qui, lorsqu’elles se détachent, entraînent une occlusion de l’artère et bloquent la circulation sanguine. Afin d’éviter, après une attaque cardiaque, l’implantation d’un « stent » (un extenseur vasculaire) dans une artère pour la maintenir ouverte, la société CryoTherapeutics met actuellement au point une technique radicalement différente qui ne laisse aucun implant dans le corps du patient.
« La cryothérapie, explique le CEO John Yianni, permet de développer des traitements pour l’infarctus non utilisées jusqu’à présent. Grâce aux technologies qui permettent de visualiser l’intérieur du cœur, des vaisseaux sanguins et des artères, nous pouvons également repérer les parties enflammées qui peuvent provoquer de nouveaux infarctus ou qu’il faut déboucher et les traiter ainsi avec la cryothérapie. Ce repérage fait, nous introduisons un cathéter (relié à une console) dans l’artère identifiée par l’imagerie pour y placer un minuscule ballon qui va être gonflé et refroidi entre -10 et -20°C afin de stopper l’inflammation et éviter les complications. Nous avons effectué des tests sur des animaux et cela fonctionne très bien. »
John Yianni, le CEO de CryoTherapeutics
Un financement de 7,4 millions d’euros
Se présentant comme « Brexit-refugee », le Britannique John Yianni s’est installé à Cologne il y a quelques années, mais en avril 2019, il a décidé, avec ses associés, de transférer toutes ses activités à Awans, non loin de Liège, dans un « business park ». Un déménagement favorisé par la levée d’un financement de série B (correspondant au deuxième stade de développement des start-up) auprès de divers partenaires publics et privés pour un montant total de 7,4 millions d’euros.
Ce nouveau financement doit « servir à soutenir les activités cliniques et à investir davantage dans la recherche et le développement, l’acquisition de talents et la croissance internationale, et ce, dans ses nouveaux bureaux à Awans », bureaux partagés avec Miracor Medical qui travaille également sur l’insuffisance cardiaque.
La Région wallonne comme partenaire
Parmi ces partenaires, on trouve Noshaq (anciennement Meusinvest) qui soutient le développement des PME liégeoises, la DGO 6 de la Région wallonne via ses programmes d’avances récupérables, Peppermint Venture Partners, une société privée de capital-risque basée à Berlin, et Creathor Ventures qui investit dans une trentaine d’entreprises « axées sur la technologie qui favorisent la personnalisation et la numérisation des soins de santé ».
« Awans est parfaitement localisée, Liège est très facile d’accès et, pour une compagnie comme la nôtre, la région est riche d’opportunités et de partenaires potentiels, poursuit le directeur. Depuis la crise du Covid-19, nos partenaires américains ou allemands viennent moins fréquemment mais, au total, huit personnes travaillent sur le projet et nous allons en recruter trois ou quatre autres dans les prochains mois. Soit des ingénieurs software, hardware et système, soit des profils plutôt cliniques pour suivre la tenue d’études cliniques. »
« Au total, huit personnes travaillent sur le projet et nous allons en recruter trois ou quatre autres dans les prochains mois. Soit des ingénieurs software, hardware et système, soit des profils plutôt cliniques pour suivre la tenue d’études cliniques. »
Le marché américain, le Graal
« Pour l’heure, nos consoles sont assemblées en Irlande et les cathéters en Allemagne, car les volumes sont encore trop faibles, explique le directeur financier Bertrand Grimmonpré. Quand nous serons en phase commerciale, le but est d’assembler nous-même ici les consoles, mais pas les cathéters car nous n’avons pas les infrastructures nécessaires. En septembre (ces propos ont été recueillis en août, ndlr) démarre la phase clinique qui va durer 2,5 ans. Si tout s’est bien déroulé et si l’on a obtenu le marquage CE, ce n’est donc que vers 2023 ou 2024 que l’on pourra commencer à commercialiser notre technologie. A ce moment-là, soit nous ferons alliance avec un très gros partenaire qui a déjà l’infrastructure et les équipes pour commercialiser le produit en complément des siens, soit nous engagerons notre propre force de vente afin de démarcher les hôpitaux en Europe ou des distributeurs dans des pays plus lointains. Après la fin des études cliniques européennes, il y aura une étude américaine puisque c’est là que se trouve le plus gros du marché – un marché gigantesque car on parle de milliards. C’est là aussi que le remboursement est le plus facile par rapport à l’Europe qui est très morcelée. Le marché américain sera notre Graal ! »
Mi-2021, CryoTherapeutics aura épuisé son enveloppe actuelle de 7,4 millions d’euros et espère mener une nouvelle levée de fonds, de l’ordre de 11 à 15 millions, en deux phases. Avec les partenaires wallons existants, mais aussi avec de nouveaux actionnaires privés.
Ayant déjà été impliqué avec ses associés américains et canadiens dans diverses start-up et programmes technologiques ces vingt dernières années, John Yianni pense-t-il revendre CryoTherapeutics d’ici cinq ans ? « Nous ne travaillons pas dans ce but, mais nous sommes leader dans ce domaine et, si le succès est au rendez-vous, nous pourrions être acquis par une compagnie plus grande, concède-t-il. Certaines start-up arrivées à un stade de développement exigent tellement de financements que, souvent, effectivement, elles s’intègrent à un groupe plus important, mais ce n’est pas une obligation en soi. Pas du tout. »