- Tendance
- / Starwaw
Par Mélanie Noiret
Nommée « Artiste complice » de Mons 2015, la plasticienne française Fanny Bouyagui a reçu pour mission dans le cadre de Mons, Capitale européenne de la Culture, de « corrompre la jeunesse » !
Dans les communications liées à Mons 2015, il n’est pas rare de lire, associé au nom de Fanny Bouyagui, le terme de « prêtresse ». C’est vrai que Fanny a des airs de gourou féminin : grande, forte, tatouée, son look attire irrémédiablement l’attention, mais c’est bien sa personnalité et son talent qui la conserve, cette attention du public.
À 54 ans, et après déjà trois décennies de travail, la Roubaisienne a derrière elle, et plus que probablement devant également, un long et riche parcours où se mèle une multitude d’arts et de styles. Pour généraliser, voire simplifier, disons que Fanny Bouyagui est une plasticienne. Le terme est cependant un peu réducteur quand on constate la diversité des domaines dans lesquels l’artiste a apposé sa patte au fil des années : défilés de mode, installations multimédias, spectacles vivants, expositions, etc.
Spectacles inattendus
À la base, Fanny est… couturière. Elle a en effet obtenu un CAP de couture avant d’entrer dans ce qui s’appelle désormais l’École Supérieure d’Art du Nord-Pas-de-Calais Dunkerque-Tourcoing. En 1991, elle fonde son association, Art Point M, dont elle devient la directrice artistique et qu’elle installe dans un ancien entrepôt de tissus de Roubaix. Avec ses collaborateurs, au nombre de sept à l’heure actuelle (sans compter les six personnes de l’équipe technique), Fanny a monté de nombreux projets artistiques, spectacles, performances, évènements… Parmi ses « grosses » productions, on peut citer sa participation à Maubeuge en 1998 au festival Les Inattendus, l’un des premiers festivals des arts de la rue, créé par Didier Fusillier, directeur du Manège de Maubeuge et qui unira sa programmation et sa communication avec le Manège de Mons dès 2002. Les liens avec Mons sont donc déjà bien présents.
Fanny expérimente les rapports entre le spectateur et l’acteur, elle fomente des recherches vers des univers surprenants et décalés.
Pour en revenir plus directement à Fanny et à Art Point M, les rencontres et les projets se suivent. 1999 marque la création du spectacle multimédia Quelques Gens de Plus ou de Moins suite à la rencontre avec Didier Thibaut, directeur de La Rose des vents, scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq. Dans ce spectacle, il s’agissait pour les spectateurs d’être dans un face-à-face seul avec un comédien jouant une situation particulière et généralement troublante ou émouvante – une chanteuse de cabaret, une strip-teaseuse, une femme léopard... – , dans le monde clos d’une caisse en bois pour laisser le visiteur aux prises de ses désirs, de ses an-goisses, de ses vérités et de ses mensonges. C’est bien le style de Fanny Bouyagui : interroger, interpeller, choquer… mais jamais gratuitement. Fanny expérimente les rapports entre le spectateur et l’acteur, elle fomente des recherches vers des univers surprenants et décalés. Le tout en utilisant bien entendu son expérience dans la mode dont elle se sert comme d’un support.
En 2001, elle imagine I have a dream, avec l’aide de Jean Blaise. Ici, la directrice d’Art Point M faisait baigner le spectateur dans un environnement entièrement blanc avec un mélange de vidéos et de sons électroniques. Derrière des vitres, des femmes se faisaient lentement transformer en mannequin, donnant l’impression d’être à la fois des figures de podium, mais aussi des prostituées. Le spectateur est voyeur et participant. Une manière pour Fanny Bouyagui de dénoncer les excès du paraître et la dictature de la beauté. « Je travaille beaucoup sur les corps et sur le thème de la standardisation, sur le corps de la femme surtout, je traite aussi régulièrement du thème de la nourriture, de la dictature du maigre, des angoisses face aux canons imposés par la société. »
La musique est aussi une part importante du travail de Fanny. Aux débuts des années 2000, elle élabore le Laboratoire Factory, club électronique éphémère pensé pour Lille 2004, Capitale européenne de la Culture. Dans sa lignée, naît le N.A.M.E. festival (pour Nord Art Musique Electronique) qui fêtait sa 10e édition en septembre 2014.
Art Point M est également à l’origine du projet «La Braderie de l’Art», à Roubaix, née en 1991 : pendant 24h, des artistes et designers créent des oeuvres en public à partir d’objets et matériaux de récupération.
www.labraderiedelart.com
Mais Fanny, c’est aussi Violences commerciales pour la 25e heure au Festival d’Avignon de 2005, les chambres de l’Hôtel Europa à la Gare Saint-Sauveur de Lille en 2009, 2010 et 2011, sa collaboration avec Lille 3000 et notamment la parade d’ouverture aux côtés de Jean- Charles de Castelbajac. Fanny, c’est également « NAINPORTEKOI », la plus grande opération mondiale de customisation de nains de jardins. Bref, Fanny, justement, ce n’est pas « n’importe qui ». D’ailleurs, pour toutes ces créations traitées de manière non exhaustive ci-dessus, l’artiste s’est vue élevée au rang de Chevalier de la Légion d’honneur en septembre 2013.
Fanny et Mons 2015
Rôdée aux grands évènements, et en bonne connaisseuse du Hainaut, Fanny Bouyagui a été invitée directement par Yves Vasseur à apposer sa touche si spéciale sur Mons 2015. Ce qu’on lui a demandé : inspirer la nouvelle génération pour la conduire vers 2016. Sur les cinq projets qu’elle a proposés, trois ont finalement été retenus. Elle sera ambassadrice de lille3000 à la Maison Folie, horticultrice de Tournesols à la Grand-Place de Mons… et commandante en chef de la grande manifestation poétique de « Mon(s) Idéal ».
Pour la soirée d’ouverture du 24 janvier, on la retrouvera donc à la Maison Folie où elle aura conçu un parcours à sa sauce. « Le public suivra un parcours dans tout l’établissement. D’abord dans la cour où les passants seront invités à déposer leurs messages sur des rubans que nous pendrons aux arbres. Il y aura 2015 bougies, un univers fait de miroirs, des performances, de la musique. Au 1er étage, les visiteurs rencontreront Peau d’âne puis une exposition de photos contemporaines et une série de personnages délirants les mèneront vers la sortie », explique-t-elle. « Pour l’Ailleurs en Folie Lille, j’ai prévu un défilé mêlant l’art et la mode, mais aussi des cours de cuisine pour les enfants. Ceux-ci prépareront le dîner de leurs parents pour le soir. J’organise aussi un repas avec des chefs lillois. Le plasticien Mimi le clown posera ses collages sur les murs », continue-t-elle.
Fanny Bouyagui se transforme en horticultrice pour organiser l’installation d’un labyrinthe géant fait de 15 000 tournesols sur la Grand-Place de Mons. Accessible pendant 10 jours en juillet 2015.
Et ce n’est pas tout. La plasticienne se transforme donc en horticultrice pour organiser l’installation d’un labyrinthe géant fait de 15 000 tournesols (100 m de long et 30 m de large) sur la Grand-Place de Mons. Accessible pendant dix jours en juillet 2015. « Je travaille sur ce projet depuis deux ans. Je n’y connaissais rien, mais maintenant j’en connais un bout sur les différentes variétés de tournesols, grâce à l’aide d’horticulteurs de la région. »
Le dernier de ses projets estampillé Mons 2015 consistera en une grande manifestation, «Mon(s) Idéal». « Cela bouclera l’année. C’est un passage vers l’après Mons 2015. J’inviterai la jeunesse de Mons à défiler avec des banderoles, des slogans bien trempés à travers lesquels ils communiqueront leurs souhaits, leur vision de l’avenir, leurs attentes. Il y aura aussi un défilé de mode, une parade sur le monde et les grands hommes, toutes époques confondues. »