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Femmes de chantier

  • Dossier

Par Gilles Bechet

Alors que Virginie Pieters s’apprête à défendre nos couleurs comme couvreuse, revenons sur la place des femmes dans le secteur de la construction et sur l’action de sensibilisation et d’accompagnement menée par le fonds de formation de la construction wallonne.

Quand on passe à côté d’un chantier dans la rue, on ne remarque pas s’il y a une femme dans l’équipe, dans la salopette et sous le casque. Elles sont pourtant de plus en plus nombreuses. Fin 2011, le secteur de la construction comptait 465 ouvrières, soit 0,8 % de l’ensemble des travailleurs. En 2009, la proportion s’élevait à 0,5 %. Cette progression traduit une évolution des mentalités accompagnée par le travail de fond d’Agnès Marlier, dans le cadre du projet « Femmes et Construction ».

Lancé par le secteur en partenariat avec les organismes de formation et des associations de défense et promotion de la diversité, ce travail de sensibilisation intervient à tous les niveaux du cycle, l’orientation, la formation et le marché du travail, aussi bien du côté des entreprises qui recrutent que des candidates qui cherchent à être embauchées. Et une conclusion s’impose : préjugés et craintes existent des deux côtés. Par exemple, on dit trop vite qu’une femme n’a pas la force physique pour assurer le travail sur les chantiers. C’est faux. Statistiquement, 50 % des femmes sont aussi fortes que 70 % des hommes. Pensons aux infirmières qui portent en une journée l’équivalent d’une tonne et demie, soit environ 50 blocs de 30 ou 60 sacs de ciment. Cet argumentaire figure dans les dépliants qui répondent aux idées toutes faites tant des chefs d’entreprise que des candidates. Au-delà de la communication, l’essentiel de l’action d’Agnès Marlier réside dans un travail de terrain au côté des candidates dans les entreprises. Pour aller au-delà des apparences et des craintes. « Quand une entreprise me dit : “Je n’ai pas de craintes à engager une femme”, ça peut masquer certaines peurs. Les entreprises plus franches dans leurs appréhensions donnent de la consistance au débat. À partir de là, on peut déconstruire les représentations et renverser les préjugés. »

À cet égard, le premier emploi comme le premier stage constituent souvent des moments clés. « Il faut être vigilant, car une mauvaise expérience peut altérer la vision qu’une candidate se fait du secteur. » Le travail d’accompagnement qu’Agnès Marlier effectue seule – « C’est parfois un peu court » –, confesse-t-elle avec un sourire, ne peut être qu’individualisé. L’expérience a montré que l’ouverture à l’engagement de femmes relève d’une décision et d’une vision du chef d’entreprise. Les grosses entreprises ne sont pas plus ou moins accueillantes que les PME. Même une femme chef d’entreprise peut se montrer réticente à engager une ouvrière.

Une fois que l’intégration se fait, beaucoup de craintes se dissipent et les arguments peuvent s’inverser. Il en va ainsi de la fameuse infériorité physique. On constate souvent que les femmes sont bien plus soucieuses d’adopter les manières les plus adéquates pour porter de lourdes charges sans se faire mal alors que des hommes qui vont y aller plus franco vont peut-être se retrouver plus vite en arrêt-maladie.

Valérie Gilles, menuisière, Isabelle Crucifix, chauffagiste, Noémie Chavepeyer, peintre, et Virginie Pieters, couvreuse, sont les quatre icônes mises en avant par la campagne Femmes dans la construction. La valeur de l’exemple est importante pour soutenir ces jeunes filles qui ont choisi de suivre un parcours atypique. Ça fait du bien de savoir qu’on n’est pas la seule, que d’autres l’ont fait et le font bien. Un soutien souvent nécessaire pendant les études où la confiance est encore fragile. Pendant leur formation, les filles ne sont pas toujours encouragées et c’est souvent le soutien sans faille d’une personne qui les aide à trouver leur chemin. Ainsi, Valérie, qui a été la première fille à obtenir un diplôme de menuiserie dans son école, a tracé son chemin grâce à l’oreille attentive d’un prof en maçonnerie ! Dans les études techniques et professionnelles, les filles sont toujours en minorité et il est important que les écoles soient attentives au respect de tous. Non, il n’est pas normal qu’une fille se fasse chambrer systématiquement par les garçons et une fille n’est pas forcément plus « faible » qu’un garçon.

Les femmes ne combleront certainement pas la pénurie durablement installée dans certaines filières de la construction, mais elles peuvent à leur petite échelle y contribuer. Plus de femmes dans la construction, c’est aussi et surtout la marque d’une société adulte. Le projet Femmes et Construction se poursuit sans se fixer d’objectifs chiffrés. « On sait qu’on est dans un projet atypique où l’on nage à contre-courant. Ce qu’on veut, ce n’est pas uniquement faire remonter les statistiques, ce sont des emplois durables. »

En attendant le portail internet Femmes et Construction attendu pour novembre, Agnès Marlier anime Construction en tout Genre, une page Facebook très dynamique pleine d’infos et de témoignages de Belgique, de France et même du Québec.

 

L’action Femmes et Construction, c’est en moyenne annuelle :

• 35 femmes sensibilisées via des interventions en formation d’orientation
• 25 femmes qui font l’objet d’un coaching
• 17 femmes en formation
• 7 femmes mises à l’emploi dans le secteur
• 2 femmes qui signent un RAC
• 2 femmes mises à l’emploi dans un autre secteur

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