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Il était une fois... neuf histoires

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Liège  / Stavelot

Par Christian Sonon

Dans l’Abbaye de Stavelot, une exposition replace neuf destins dans le contexte historique de la Grande Guerre.

Nichée dans le Triangle d’or Spa-Malmedy- Stavelot, riche d’un magnifique jardin, d’un cloître, de trois musées de niveau international, de salles prestigieuses et de caves séculaires, l’Abbaye de Stavelot a été consacrée par son inscription sur la liste du patrimoine majeur de Wallonie. Son travail patrimonial et touristique a en outre valu au site de recevoir de la Région wallonne le label « 5 soleils », soit le plus haut label de qualité pour les attractions touristiques. Soucieux d’inscrire l’abbaye dans le calendrier officiel des commémorations du début de la Première Guerre mondiale et d’exercer ainsi un véritable devoir de mémoire, ses responsables ont imaginé un événement d’envergure intitulé « Il Était Une Fois 1914 ». Un projet original à deux têtes : une bande dessinée collective inédite et une exposition.

« L’idée de réaliser une bande dessinée m’est venue rapidement, non seulement parce que je suis un bédéphile acharné, mais aussi et surtout parce que c’est un excellent moyen de toucher les jeunes », explique le directeur de l’abbaye, Virgile Gauthier, par ailleurs ancien chroniqueur BD à la RTBF. « La bande dessinée est le fil conducteur qui nous a permis de raconter tant la grande que la petite histoire, de relier entre eux une série de faits avérés qui se sont passés dans la région lors des premiers jours de guerre. L’histoire des combats de la Première Guerre mondiale ne se limite en effet pas aux tranchées en Flandre. L’invasion allemande a commencé par la région de Stavelot et Malmedy, et le premier massacre de civils a eu lieu à Francorchamps. »

Un historien verviétois comme pilote

C’est Virgile Gauthier lui-même qui a choisi et contacté les dessinateurs et scénaristes wallons, dont la plupart ont fait leurs études à l’Institut Saint-Luc de Liège. Pour assurer la crédibilité des différents récits romancés, le directeur a fait appel à l’historien verviétois Jacques Wynants. C’est l’Abbaye de Stavelot qui s’est chargée de l’édition de l’album, comme elle le fait habituellement pour ses ouvrages scientifiques et historiques. Mais l’événement « Il Était Une Fois 1914 » est bien plus qu’une BD. Dans les salles d’exposition de l’abbaye, les récits sont replacés dans leur contexte historique. Des planches originales sont exposées et mises en scène à l’aide d’objets, d’uniformes, d’armes, de documents photographiques originaux ou encore de lettres manuscrites. L’abbaye rend également hommage au Régiment du 12e de Ligne – Prince Léopold, commandé par le Stavelotain Jacques de Dixmude, qui, pendant quatre années, a activement participé à la libération du territoire belge. Quant au Musée du Circuit de Spa-Francorchamps, il présente des vitrines sur les démineurs. « Stavelot est la seule commune belge ayant érigé un monument en leur mémoire », justifie Virgile Gauthier.

« La bande dessinée est le fil conducteur qui nous a permis de raconter tant la grande que la petite histoire, de relier entre eux une série de faits avérés qui se sont passés dans la région lors des premiers jours de guerre. »

 

Neuf récits, neuf destins

Chacun des neuf récits illustrés de la BD a pour cadre une ville ou un village de la partie francophone du pays : Stavelot, Mons, Liège, Namur, Tamines, Bruxelles... À chacune d’elle se rattache un événement inédit ou moins connu du grand public, illustrant une des thématiques principales des sombres années 1914 et 1915.

Allons-y pour une petite revue des troupes. L’Adieu du Cavalier (Philippe Jarbinet) fera comprendre aux Liégeois (et aux autres) pourquoi la caserne du 2e régiment de Lanciers a été rebaptisée « Caserne Fonck ». Le lancier Antoine-Adolphe Fonck fut en effet la première victime belge de la guerre. Le 4 août 1914, en patrouillant à Thimister, il rencontre des Ulhans allemands, en tue un, mais se fait abattre par les autres. Il avait 21 ans. La devise de son régiment ? « Meurs premier comme devant ! » Dans Les Grandprez, Martin Jamar raconte les premiers massacres de civils à Francorchamps et nourrit ses pinceaux des actes de bravoure des résistants stavelotains. Parmi ceux-ci, la famille Grandprez et le facteur André Grégoire, dont l’Abbaye de Stavelot vient d’exposer l’émouvante lettre d’adieu qu’il a écrite avant d’être fusillé avec ses amis. Carnet de Guerre (Marco Venanzi et Mathieu Barthélémy) raconte comment une jeune Ardennaise secourut un sergent français blessé lors de la bataille de Luchy. Il lui confiera son carnet de poèmes avant de repartir au front et de trouver la mort lors de la bataille de la Somme. Avec le personnage fictif de Madeleine, Michel Pierret illustre le dévouement des infirmières qui, parfois, ont vu arriver sur un brancard le corps mutilé de leur mari ou de leur frère. Le Caporal français de Didier Courtois s’est quant à lui illustré en tuant 53 soldats ennemis à Tamise, le 22 août 1914. Un fait de guerre qui fait mieux comprendre pourquoi les Allemands avaient une peur bleue des francs-tireurs et avaient pris l’habitude de massacrer la population en guise de représailles. En mettant en images Les Anges de Mons, Marc-Renier et Dugomier ont fait preuve d’originalité en attribuant cette vision céleste à un soldat allemand et non aux Britanniques qui, selon la légende, ne durent leur salut qu’à ces archers ailés venus à leur secours lors de leur débâcle du 24 août 1914. Un « fait » méconnu chez nous, mais bien établi outre-Manche. La résistance belge et ceux ou celles qui tentèrent de l’infiltrer sont également au coeur du récit de Pierre-Yves Berhin (Hamo) et Johan Pilet. Dans Le Champ des Oiseaux, qui a pour cadre Jodoigne, la taupe porte une jupe et sa frimousse brune est des plus séduisantes. Le coup est d’autant plus dur ! Avec Le Fil Rouge, Georges Van Linthout s’attaque à la barrière électrique tendue par les Allemands le long de la frontière belgo-hollandaise. Le Liégeois Guillaume Valleye réussit à la franchir maintes fois afin de transporter aux Pays-Bas des documents fournis par la Résistance. Jusqu’au jour où le passeur y resta accroché. Enfin, dans Bruxelles a Faim, Francis Carin et David Caryn racontent le courage du bourgmestre Adolphe Max qui fut emprisonné pour avoir refusé d’exercer son mandat sous le joug des occupants. Un récit qui illustre également le pillage de vivres et le rationnement imposé par les Allemands. Les lecteurs restent sur leur faim avec cette dernière histoire ? Virgile Gauthier évoque un deuxième tome : « Il était une fois 1918 ». « Il y a matière », assure le directeur.

Informations : 



www.abbayedestavelot.be

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