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Par Marie Godfroid
L’univers de Jacques Charlier, immense galaxie, parallèle bien sûr, en perpétuel changement. L’artiste liégeois aux multiples facettes, véritable extraterrestre de l’art, est exposé au MAC’s du 28 février au 22 mai 2016. « Peintures pour tous » donne l’occasion de (re)découvrir un artiste belge incontournable.
« Sa manière ironique de travailler, son regard critique et réaliste sur le système de l’art, sa jeunesse (malgré son âge !), son dynamisme, son énergie, sa productivité incroyable, son éclectisme, son mélange des genres, son caractère historique en Belgique… Bref, c’est un artiste très complet et pour tout cela, j’ai décidé de lui consacrer une grande exposition », explique le futur nouveau directeur du MAC’s, Denis Gielen. En effet, et on ne saurait mieux dire, Jacques Charlier est certainement un des artistes totalement autodidacte qui s’est essayé à une multitude de disciplines aussi opposées que complémentaires. Dans la lignée d’un Vian, d’un Picabia ou d’un Magritte, le jeune, très jeune septuagénaire, a juré devant Dieu, à 12 ans à peine, qu’il ne ferait que de l’art plus tard et, surtout, tout ce qu’il avait envie d’y faire. Boulimique de connaissances et d’information sous toutes ses formes, il a axé son travail sur le ressenti provoqué par cette plongée permanente dans son hyper connexion au monde et à l’imaginaire. Au détour d’une phrase, une idée germe. « Tous les artistes cherchent un style ; le mien est de réaliser tous les rêves que j’avais. Je change tout le temps. Je tente tous les moyens d’expressions tout en restant libre. C’est paradoxal. C’est comme un jeu de rôle : à chaque idée, j’écris un scénario auquel il faut amener des acteurs, un décor… La technique vient par rapport à l’idée, pour l’impact qu’elle rendra. »
Peintures pour tous
« Peintures italiennes », « peintures cannibales », « peintures fractales », « peintures inqualifiables »... Autant de thèmes et de démarches artistiques que l’on retrouvera au fil de l’exposition. De la critique « sanglante » du monde de l’art au souvenir de l’atelier de vitraux de son père artisan, en passant par le détournement de la fessée ou du permis à points français, l’imagination de l’artiste foisonne et transporte le visiteur dans autant de mondes différents dans lesquels on passe, presque sans s’en apercevoir. « Tout ça se fait de façon spontanée. Une fois que je commence, je poursuis jusqu’au moment où ça me lasse. Quand je revois ce que j’ai pu faire il y a 20 ans, j’ai l’impression que c’est un autre qui a créé tout ça. 99 % des artistes s’inventent un style. Et c’est un enfermement. Ils sont tous bloqués dans leur personnage. Pour moi, prendre divers chemins, c’est perpétuel, je ne peux pas faire autrement », raconte, presque malicieusement, Jacques Charlier.
Créativité débordante
Non seulement il affirme son audace de passer du figuratif à l’abstrait, mais aussi, tel un équilibriste, celle de sauter, d’un grand bond expert, d’un art à l’autre comme un acte totalement naturel. La bande dessinée, la musique rock-punk, le reportage télévisuel, la photo, les articles de presse, les collages, le pastiche, le dessin humoristique… le tout relié comme les chapitres qui composeraient un roman-fleuve dont on pourrait, des années après, commencer à en admirer l’ampleur. « On m’a toujours pris pour un comique, c’est un jeu personnel que j’ai entrepris. Toute l’œuvre s’ajoute petit à petit, s’assemble, comme des pièces d’une cathédrale. C’est aujourd’hui que l’on comprend et voit tous ces enchaînements, avec toutes ces œuvres qui s’assemblent. » Retranché dans son atelier liégeois, sorte de caverne d’Ali Baba où se mêlent souvenirs, collections, amas de papiers, affiches, livres, photos, images, collections en tous genres, nouvelle technologie, Jacques Charlier continue inlassablement sa recherche créative avec le dynamisme et la vitalité d’une jeunesse qui lui serait éternelle.
Renseignements :
BIO EXPRESS
Jacques Charlier est né en 1939 à Liège. À l’âge de 17 ans, il entre au service technique de la Province de Liège ou il fera toute sa carrière et, surtout, ou il apprendra à dessiner. En 1962, il réalise sa première exposition de Peintures au Kunstkamer à Anvers. Sa carrière artistique est lancée. En 1975, il fait ses débuts dans la musique, avec de nombreux projets comme la création du groupe « Terril » et de la musique « régressive ». Tout au long de sa carrière, il participe à des centaines d’expositions à travers l’Europe et le monde, individuelles ou collectives. Il est présent dans les collections de plusieurs musées d’art moderne belges d’Anvers, de Bruxelles, de Gand, d’Ostende, de la Communauté française de Belgique, également dans des musées français, ainsi qu’au Mudam à Luxembourg. Il est l’auteur d’une intégration au Centre Hospitalier Universitaire de Liège dont l’architecte est Charles Vandenhove. En 2009, il crée CLArtvision avec Utte Willaert et un projet d’affiches 100 sexes d’artistes. En mai 2009, il publie notamment La Courbure de l’Art, une bande dessinée qui dresse un portrait de la scène de l’art contemporain franco-américain.