Soucieux de diversifier l’exploitation agricole familiale,  Jean-François Baele commence à planter des vignes sur ses terres à Bovesse, non loin de Namur, en 2005. Douze ans plus tard,  il exploite près de 30 ha en nom propre ou avec d’autres et est équipé pour en produire deux fois plus ! 

Au départ, il y a la ferme lancée par son grandpère et qu’il était destiné à reprendre, avec ses cultures de froment, de maïs, de betteraves… En 2005, il effectue son stage de fin d’études d’agronomie chez Philippe Grafé, son voisin direct, qui, deux ans plus tôt, avait planté dix hectares de cépages interspécifiques au domaine du Chenoy, des variétés de raisins peu utilisées encore en Belgique et résistantes aux maladies habituelles de la vigne. Convaincu par cette expérience, il prend un tournant et lance le domaine du Ry d’Argent. Il commence par planter un hectare devant la ferme, puis deux en 2006, deux autres en 2007, et encore 2 en 2014. Ne souhaitant pas mettre toutes ses vignes dans le même pré carré, il plante aussi, en partenariat avec d’autres, 3 hectares à Orbais, 3 à Latinne et un demi au Château de la Poste (voir pp. 90-91).

À sa gamme, des vins blancs, rosés et rouges, mais surtout des bulles, six cuvées dont la fameuse Rosée d’Audrey qui connaît un beau succès dans la restauration. Au menu, des cépages dits interspécifiques, comme chez son voisin, d’origine allemande et suisse, le Regent, le Cabernet Jura, le Solaris, le Dornfelder, le Cabernet noir. S’il a récemment planté de l’Auxerrois derrière chez lui, sur les autres parcelles, on ne trouve que des cépages classiques tels que Pinot noir, Pinot meunier, Chardonnay ou Pinot gris. 

Bulles, bulles, bulles

L’amateur de vins aura reconnu les variétés de raisins qui sont à la base du champagne. Car oui, la véritable ambition de Jean-François Baele est de répondre à l’énorme demande pour des vins effervescents en Belgique et de concurrencer des vins tels que le cava espagnol ou le prosecco italien. L’idée lui est venue lors de missions économiques wallonnes au Mexique et en Colombie où des marchés existent pour des mousseux de qualité à 12 ou 13 €. Mais pour cela, il faut du raisin de qualité en quantité, car même s’il y a en Wallonie de vastes terres disponibles pour planter de la vigne, une vigne ne livre son véritable potentiel qu’après 4 ou 5 ans.

Dans l’attente de disposer lui-même des raisins qui lui permettraient de fournir 3 à 400 000 bouteilles par an, il s’est associé avec un producteur champenois, le domaine Granzamy, et un ami œnologue français, Thomas Porignaux, pour créer la société BGP, acronyme de leurs initiales. Ensemble, ils achètent des moûts de raisins (des jus) dans des régions viticoles étrangères, principalement la Loire, qu’ils assemblent à Bovesse et vinifient selon la méthode traditionnelle (c-à-d avec seconde fermentation en bouteille) avec neuf mois sur lattes. Résultat de l’association, la cuvée Philippe Le Noble, en référence au patronyme du premier marquis de Namur.

Acheter des jus à l’étranger et élaborer le vin en Belgique peut surprendre, certains n’ont pas manqué de s’en offusquer officiellement, mais l’opération n’est pas interdite par la législation européenne. L’étiquette mentionne que le vin est « produit en Belgique à partir de raisins récoltés en UE » et arbore même un fier drapeau noir-jaune-rouge. Il ne pourra toutefois jamais bénéficier d’aucune appellation d’origine, que ce soit en « vin mousseux de qualité de Wallonie » ou en « Crémant de Wallonie ». Toutefois, cette pratique ne devrait durer que quelques années, le temps que les vignes plantées atteignent leur maturité. En attendant, la cuvée Le Noble existe déjà, mais celle-là à partir de raisins de Regent, 100% belges.

Expansion

Cette année, Jean-François Baele a entièrement renouvelé son chai, acheté de nouvelles cuves, une nouvelle chaîne d’embouteillage, construit un nouveau hangar de stockage de 700 m2, le tout pour 1,5 million d’investissements. S’il travaille pour plusieurs autres vignerons qui viennent profiter de son expertise, lui-même réalise divers services pour les autres, telles que pulvérisation, rognage ou vendange pour l’équivalent de vingt hectares. « Et j’ai déjà des demandes pour dix-huit hectares supplémentaires en 2018, » déclare-t-il le regard brillant. « Mais cela devient difficile au niveau de la main d’œuvre, nous ne sommes qu’à trois à temps plein, avec aussi mon épouse à mi-temps. Mais pour les coups de feu, je peux compter sur une quinzaine de personnes. »

Tout cela semble donc rentable et pourrait amorcer une certaine forme de coopérative viticole en Wallonie. « C’est effectivement rentable mais il a fallu dix ans pour y arriver. J’ai mûri et cela m’a permis de prendre d’autres voies pour atteindre ces objectifs. » D’autres voies dont, notamment, une collaboration inattendue avec la brasserie Oud Beersel. « J’aime l’esprit entrepreneurial, j’aime m’entourer de nouveaux collaborateurs. Je me suis aussi lancé dans la champagnisation de pommes et, je suis en train d’étudier la création d’une nouvelle boisson effervescente. Le plus important sera de rester concurrentiel dans mes prix et sur mon territoire, avec gestion de stocks pour le client. Je dois être un logisticien, on apprend tous les jours… »

RENSEIGNEMENTS

Domaine du Ry d’Argent
Rue de la Distillerie 51
B-5081 Bovesse
www.domainedurydargent.com
www.bgp.wine

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