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© Jean-Pierre Bougnet

Musée L- Une cathédrale pour l’art

  • Découverte
Brabant wallon  / Louvain-la-Neuve

Par Gilles Bechet

La rénovation du bâtiment iconique de Jacqmain offre à l’UcL un écrin somptueux pour mettre en valeur une partie de ses immenses collections et mener une politique d’ouverture à tous les publics.


C’était « le » bâtiment emblématique d’une ville nouvelle née dans le sillage de la nouvelle université. Reproduite sur des cartes postales, visible depuis l’autoroute, l’audacieuse construction d’André Jacqmain était une icône de la modernité. C’était aussi la bibliothèque des sciences et des technologies de l’UcL où les innombrables rayonnages de livres assombrissaient le majestueux espace intérieur semblable à une cathédrale du savoir scientifique. Au fil des années, le lieu s’est effacé derrière sa fonction studieuse, fréquenté seulement par une fraction des étudiants. 2017 sera l’année de la renaissance. Il sera désormais le Musée L. Depuis des années, le musée universitaire, à l’étroit dans ses locaux, cherchait un autre espace pour faire voir toutes les œuvres qui s’accumulaient en réserve au fil des donations.

Après avoir dû abandonner, pour raisons financières, l’ambitieux projet d’un nouveau bâtiment en bordure du lac, les responsables du musée eurent l’intuition que le bâtiment de Jacqmain était fait pour accueillir leurs collections. Après 5 ans de projet et 1,5 an de travaux, un nouveau musée est prêt à ouvrir ses portes et accueillir de nouveaux publics. Avec 5 000 m², le Musée L offre trois fois plus de surface d’exposition que dans ses premiers murs.

Universitaire et public

« Je vois ce musée comme une maison d’hôtes », affirme d’emblée la directrice Anne Querinjean. Un des premiers gestes des architectes chargés de la rénovation fut de remplacer la petite entrée confidentielle par un large accès ouvert sur la place et sur le monde. L’espace d’accueil, généreusement éclairé par la lumière du jour, confirme ce changement d’optique avec une boutique cafétéria, un salon de thé et un espace de pique-nique. « Plus qu’un musée, c’est aussi un espace de rencontre où l’on peut entrer même si on n’a que 20 minutes. On a accès à des revues, on peut dessiner, manipuler des documents, échanger et se sentir bien. »

Universitaire et public, le nouveau musée affirme sa différence par l’intégration du patrimoine scientifique avec le patrimoine artistique. « Les universités ont été les premières institutions à rassembler des objets et à les organiser en collections pour l’étude, la transmission et la connaissance. Nous sommes les héritiers de ces premiers collectionneurs », rappelle le recteur Vincent Blondel.

Le parcours d’exposition s’ouvre par un cabinet de curiosités du XXIe siècle, mappemonde ancienne en bois, oiseaux naturalisés, minéraux ou reproduction anatomique d’un cheval écorché font écho à l’activité pédagogique de l’université, tout en témoignant de l’étrange et du merveilleux du monde qui nous entoure. Dans une atmosphère de laboratoire où domine le blanc, le parcours de six chercheurs emblématiques de l’université, du chanoine Lemaître à Christian de Duve témoigne de l’étonnement et des questionnements qui les habitent. « On peut faire beaucoup de parallèles entre la démarche d’un artiste, d’un artisan et celle d’un chercheur. Ils ont la même capacité d’intuition et d’attrait pour l’inconnu. » note Élisa de Jacquier, historienne d’art et collaboratrice d’expositions et d’éditions.

Grand-œuvre de Jacqmain

En accédant à l’espace suivant, consacré aux collections artistiques, on découvre la beauté et l’originalité du grand-œuvre de Jacqmain comme jamais auparavant. Organisé en mezzanines qui s’emboîtent et s’accrochent sur la hauteur de trois étages, l’espace, complètement ouvert, se partage en différents modules. Les œuvres de grande taille ont été placées au centre, tandis que les mezzanines, avec deux mètres vingt de plafond accueillent des espaces thématiques. Le parti pris de Michel le Paige et Caroline Deferière, les architectes de l’UcL en charge de la rénovation, a été de faire vivre la monumentalité de l’architecture sans écraser les œuvres et d’accroître les points de fuite tout en gardant l’impression d’ensemble sur le plateau. Le béton brut avec ses courbes et ses découpes a été mis particulièrement en valeur de même que les gaines de cuivre, semblables à des carapaces d’insectes, que Jules Wabbes a imaginées pour dissimuler les conduits de chauffage.

À la perméabilité de l’espace, correspond un dialogue des cultures, des époques et des styles. Une Pietà française du XVIe peut côtoyer une statuette égyptienne du Moyen Empire ou une estampe allemande du XIXe. Très vite, les scénographes, les Néerlandais de Kinkorn, ont pris conscience que le bâtiment était l’œuvre majeure du musée. « C’était comme un rêve de travailler dans un tel bâtiment. On a donc décidé de ne pas imposer de parcours au visiteur et de le laisser se promener comme il l’entendait en éveillant sa curiosité par une série de questions qui se rapportent aux différentes sections », précise Maarten Meevis. Autre originalité du Musée L, la présence de trois laboratoires d’expérimentation où le visiteur pourra passer de l’autre côté du miroir en se familiarisant par la manipulation aux techniques de la gravure, de la sculpture ou aux couleurs. « On remarque que le simple fait de contempler une œuvre ne satisfait plus le visiteur. Une approche plus pratique comme on en trouve dans les muséums d’histoire naturelle peut combler ce manque. En démystifiant certaines techniques, on permet au spectateur de comprendre des choses et de regarder autrement les œuvres », confie Emmanuelle Druart, responsable des collections.

La culture n’est pas un vernis

Si ce projet mobilisateur a pu être mené à terme, c’est grâce à un financement mixte où les pouvoirs publics, comme la Province du Brabant wallon, la Fédération Wallonie Bruxelles, et la Région wallonne se sont impliqués au même titre que des mécènes privés, des entreprises comme UI Europe ou des fondations.

Le premier défi de ce musée, ouvert à tous, sera celui de la fréquentation, les expositions temporaires comme celle du Camerounais Barthélémy Toguo qui ouvrira le musée, contribueront à renouveler le public. La communauté scientifique qui aura, elle, accès aux immenses réserves (les œuvres montrées ne représentent que 10% des collections) et des colloques scientifiques devraient asseoir l’aura internationale du site.

Grand artisan d’une politique culturelle transversale à l’université, Gabriel Ringlet, vice-recteur honoraire de l’UcL ne peut que se réjouir de ce nouvel outil. « La culture à l’université, ce n’est pas un vernis, elle doit être au cœur de la formation. J’ai toujours rêvé d’une université dans la ville et très proche de ses concitoyens. Il est indispensable que dans nos sociétés, on soit moins clivés. Ce serait magnifique que des gens qui n’ont rien à faire avec l’université se sentent tout à fait à l’aise ici. » Le musée L ouvrira ses portes les 18-19 novembre par un grand week-end festif avec visites et animations pour tous les publics.

www.museel.be

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