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© CHR - CitaGo

L'e-santé au chevet des patients - Applications

  • Dossier
Wallonie

Par Christian Sonon et Charline Cauchie

Chaque jour, de nouvelles applications cherchent à apporter leurs pierres à l’amélioration de la santé ou du bien-être. En voici deux bien de chez nous qui ont été unanimement saluées. La plate-forme CitaGo a reçu le Prix de l’Innovation Patient Numérique 2016, tandis qu’Andaman7 a décroché le Prix du « Meilleur projet Mobile Health ».


CitaGo, le traqueur de migraines

En récompensant CitaGo, le comité scientifique qui a décerné le prix a retenu non seulement son caractère innovant pour le secteur des soins de santé, mais aussi sa conception, ses performances, sa vision à long terme, sa gestion des plannings et des coûts. Rien de bien surprenant quand on sait que la plate-forme d’applications mobiles s’inscrit dans le plan stratégique « Move n’TIC » 2014-2019, conduit par Benoît Degotte, le directeur du Pôle achats, finance et système d’information du Centre Hospitalier Régianal (CHR) de Liège, lequel aimerait faire de celui-ci un « smart hôpital » dans une smart city, c’est-à-dire un hôpital connecté dans une ville intelligente.

« C’est en effet dans le cadre de ce plan que nous avons développé CitaGo en partenariat avec nos fournisseurs d’infrastructure, le groupe NRB et sa filiale Xperthis (cf. WAW n° 22) », explique Henri Bostem, le responsable du système d’information médical, soins et pharmacie de l’hôpital de la Citadelle. « Il s’agit d’une porte d’entrée qui permet, via Smartphone, une communication entre le patient et notre système informatique. Ce portail a été expérimenté pour un premier type de soin, le traitement de la migraine. L’application, couplée à un bracelet électronique qui enregistre une série de données biologiques (pouls, température, activité motrice, etc.), permet au patient d’annoter ses crises, facteurs déclencheurs et traitements. Ces données sont automatiquement intégrées dans son dossier médical informatisé. Ce qui lui permettra non seulement de mieux suivre l’évolution de sa maladie, mais également de bénéficier de conseils thérapeutiques à distance grâce au suivi rapproché par le neurologue. »

Un atout important puisqu’en raison du grand nombre de malades – la migraine touche 25 % de la population belge –, les centres spécialisés dans les céphalées sont débordés et les visites de contrôle de plus en plus espacées. En outre, le suivi par la télémédecine et l’amélioration de l’efficience thérapeutique devraient contribuer à réduire le coût pour la société de cette maladie onéreuse qui est aujourd’hui estimé à 726 000 000 € par an en Belgique.

« Après la migraine, le CHR cherchera à adapter l’application pour le suivi du diabète et l’accompagnement psychiatrique en ambulatoire, annonce le Dr Bostem. Mais CitaGo n’en est encore qu’au stade du prototype, c’est-à-dire à l’examen de la faisabilité du concept. Celui-ci est au stade avancé, mais avant de mettre le système dans les mains du patient, il faudra nous assurer que cette plate-forme est sécurisée. À terme, elle sera reliée avec les hubs médicaux, comme le Réseau Santé Wallon. »

L’étude du portail devra évoluer en suivant trois axes : l’information et l’éducation du patient, le suivi de celui-ci, et l’intégration à tous les objets connectés et appareillages médicaux mis à la disposition (glucomètres, pompes à insuline, etc.). « Il faudra que les fabricants s’ouvrent à des standards mobiles », insiste Henri Bostem.

Andaman7, le rassembleur de données

« À la veille de l’amputation de mon fils, le médecin qui devait préparer l’opération n’ayant pas accès à son dossier a demandé à Pierre si sa dernière prise de sang était bonne. À l’heure d’une opération comme celle-là, il me semble que poser ce genre de question à un enfant de 10 ans est un peu léger ! » Rien de tel qu’un cas vécu personnellement pour se rendre compte qu’il y a parfois des choses qui ne tournent pas comme elles le devraient. C’est encore plus interpellant quand l’expérience vécue a pour cadre le milieu hospitalier et que la santé d’un patient – parfois la vie – est en jeu. « Comment est-il possible qu’au XXIe siècle, un médecin ne puisse pas avoir accès aux données d’un patient émanant d’un autre hôpital ou laboratoire ? » s’est demandé Vincent Keunen. En tant qu’informaticien (il a lancé Manex, une entreprise de services informatiques), riche de surcroît d’une belle expertise dans le domaine des messageries médicales (meXi et Medibridge), le Liégeois se sentait concerné et sans doute aussi un peu… responsable. Toujours est-il qu’il s’assigna un nouveau défi entrepreneurial : utiliser sa connaissance des nouvelles technologies pour concevoir un produit qui viendrait à bout du caillot administratif empêchant la bonne circulation de l’information médicale.

Fruit de plusieurs années de recherche et unique produit de la start-up A7 Software que Vincent Keunen créa fin 2014, Andaman7 est l’application mobile, téléchargeable sur Smartphone et tablettes, qui permet l’accès et le partage des données tout en préservant le secret médical. « Avec ce logiciel, le patient peut, quel que soit l’endroit où il se trouve, enregistrer et gérer ses données médicales telles que celles relatives à son poids, sa glycémie, ses vaccins, ses allergies, ses médicaments, etc. Il en est de même avec les données relatives à ses enfants qu’il peut mettre à jour et partager avec son conjoint via Smartphone. »

Depuis septembre, Adaman7 permet aux patients du CHU de Liège d’avoir accès à l’ensemble de leur dossier santé. Les informations peuvent également circuler vers les médecins, infirmiers, kinés et autres membres du personnel soignant, lesquels peuvent ainsi suivre l’évolution de la santé du patient et s’échanger des informations. « Bien sûr, le CHU n’ouvrira le robinet qu’une fois les patients identifiés, précise Vincent Keunen, qui insiste sur le côté sécurisé de l’appli. Aucune donnée n’est stockée dans le cloud, l’application utilise un serveur temporaire qui se charge du transfert des informations. Et nous appliquons le même niveau de cryptage que le secteur bancaire. »

L’application s’inscrit donc bien dans la ligne de la stratégie numérique de la Wallonie. Risque-t-elle de faire de l’ombre aux autres outils de communication médicale comme ceux que le secteur public est en train de mettre en place ? « Pas du tout, rassure Vincent Keunen. Nous, nous proposons une solution mobile. Les médecins auront toujours besoin de consulter leur ordinateur sur leur lieu de travail. Les deux produits sont complémentaires. Nous sommes d’ailleurs en discussion avec le Réseau Santé Wallon afin de trouver une interface pour notre application. » Se connecter sur le Réseau Santé Wallon et sur les autres hôpitaux est la prochaine étape d’Andaman7. Parallèlement, l’application – qui est gratuite car à vocation sociale – continue à évoluer. La version 1.8 est disponible en 20 langues et se prépare à envahir le marché des États-Unis.


 

DES JEUX SÉRIEUX AU SERVICE DE LA SANTÉ

Parmi la kyrielle d’applications mobiles qui tentent de se trouver une place sur le marché de la santé et du bien-être, les serious games se sont imposés en jouant la carte du ludique. En voici deux exemples, pour les plus jeunes et les plus âgés.

 

VR4Smile fait sourire les enfants

VR4Smile est une application ludique pour tablette dont les premières études cliniques révèlent qu’elle permet de soulager la douleur perçue lors d’interventions médicales pratiquées sur de jeunes enfants. Si elle a été réalisée à Rixensart par Belle Productions, société spécialisée en jeux vidéo et serious games, c’est Jérôme Laurent, infirmier spécialisé en douleur, qui l’a imaginée.

C’est au service d’anesthésie de la Clinique Sainte-Anne Saint-Rémi (CHIREC), à Anderlecht, que cet infirmier a découvert le travail sur la douleur et eu l’idée de cette application ludo-médicale qui occupe le cerveau de l’enfant et, de ce fait, relègue au second plan la douleur et la peur. Mais VR4Smile, qui a été développée en partenariat avec la société bruxelloise Semsitivity et des professionnels de la santé, fait davantage que distraire l’enfant. Le programme lui permet aussi de réinterpréter la sensation douloureuse. L’enfant, qui est connecté via sa webcam à l’environnement et aux personnes qui l’entourent (l’infirmière, le médecin, l’anesthésiste, les parents, etc.), est invité à introduire dans son univers des objets virtuels positifs de façon à s’approprier ce qui lui arrive. Sa tablette à la main, il peut, par exemple, arroser ses pieds ou d’autres endroits douloureux pour les soulager. C’est le principe de la suggestion hypnotique. L’enfant se sent acteur et participe à ses propres soins.

Top Memo, Aide-mémoire

Top Memo est une application ludique d’entraînement cérébral développé par Ludovic Mahieu, un jeune habitant d’Erquelinnes diplômé en sciences de gestion et en gestion de ressources humaines, et par son beau-père, Serge Vassart, un médecin généraliste. Le principe ? L’application propose une série de modules faisant appel à la mémoire et à la concentration. Par exemple, l’utilisateur est gérant d’une sandwicherie et un de ses clients lui énumère la liste des ingrédients qu’il aimerait avoir sur son sandwich, liste qu’il doit alors retranscrire de mémoire. Ces exercices, qui ont été validés par des neuropsychologues de l’Université catholique de Louvain (UCL), doivent être répétés plusieurs fois par semaine. À la fin du mois, un rapport d’évolution des performances est envoyé au médecin traitant qui pourra alors détecter un éventuel déficit cognitif. L’application est donc un outil de prévention, mais aussi d’aide au diagnostic dans le cadre de la détection de symptômes de maladies comme l’Alzheimer.

Conçu avec l’aide du Microsoft Innovation Center de Mons, le logiciel Top Memo – qui a déjà été récompensé de plusieurs prix – fera son entrée sur le marché en janvier 2017. Si la version simplifiée pourra être téléchargée gratuitement, la version complète sera disponible via un abonnement mensuel (10 €) ou annuel (60 €). Quant à la jeune société de Ludovic Mahieu, elle bénéficie de l’encadrement de la Maison de l’Entreprise et est logée au sein de l’incubateur de l’UCL-Mons.

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