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© Marc Verpoorten - Ville de Liège

La Boverie - Entre verdure, verre et béton

  • Dossier
Liège  / Liège

Par Joéllie Sprumont

Héritage de l’Exposition Universelle de 1905 à Liège, La Boverie est aujourd’hui plus qu’un musée.Manifestations artistiques rythmeront les années à venir dans un cadre de verdure unique entre Meuse et Dérivation.

 

Endroit initialement champêtre dont le nom viendrait des bœufs qui y paissaient, La Boverie est un lieu chargé d’histoires, d’aménagements, de déménagements et, plus récemment, de grandes rénovations. Le 4 mai 2016 marque enfin l’inauguration d’un espace destiné notamment à des expositions d’envergure internationale. Zoom sur cette remarquable œuvre architecturale.

L’architecte français Rudy Ricciotti et le cabinet liégeois p.HD signent la renaissance de l’ancien Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain (MAMAC) en un Centre International d’Art et de Culture. Le premier apporte du sang neuf : dessiner et incorporer une extension de verre et de béton. La mission du second a été de rajeunir le patrimoine existant et d’aménager les salles d’exposition, en prenantbien soin de ne pas dénaturer les lieux.

 

Vestiges de l’Exposition Universelle

Le parc de la Boverie et son musée n’ont pas toujours eu le même visage au fil des années. À l’origine, des prés fleuris, des îles verdoyantes et des houblonnières forment le « Pré Mativa » entre la Meuse et les bras de l’Ourthe. L’endroit n’est accessible que par bateau, au départ d’Outremeuse, lieu de détente et de loisirs pour la bourgeoisie. Les fréquentes crues de l’Ourthe à cet endroit entachent quelque peu le charme. Au milieu du XIXe siècle, ses divers bras sont asséchés et un nouveau lit sécurisé est creusé pour la Meuse.

La presqu’île artificielle devient, cinquante ans plus tard, le siège de l’Exposition Universelle de 1905. Alors que la plupart des constructions créées pour l’occasion disparaissent, Le Palais des Beaux-Arts est destiné à traverser les années. L’œuvre des architectes Jean- Laurent Hasse et Charles Soubre est inspirée du Petit Trianon, un domaine du parc du Château de Versailles. Il emprunte également certains aspects du Musée Royal de l’Afrique centrale de Tervuren.

 

Intervention mesurée

D’apparence très massive, l’ancien Palais des Beaux-Arts possède pourtant une structure très légère. Gilles Hambücken, architecte associé au cabinet p.HD, le considère « très moderne, d’avant-garde pour l’époque », même si l’inspiration Louis XVI pourrait laisser penser le contraire. Les façades extérieures sont en pierre. Le soubassement est en granit, tandis que l’aspect vieilli du bâtiment vient de ses pierres de Lorraine, à l’exception de la façade ouest, en briques rouges. Celle-ci aurait volontairement été laissée sans fenêtres en vue d’une éventuelle extension, qui n’a finalement vu le jour qu’un siècle plus tard.

Près de trente bureaux ou associations d’architectes participent au concours international organisé par la Ville de Liège en 2009. Cinq projets sont retenus en 2010 et remettent offre. L’association du bureau liégeois p.HD et de l’architecte français Rudy Ricciotti séduit. Ce qui les a distingués ? Gilles Hambücken pense qu’il s’agit de leur intervention mesurée, respectueuse du monument et en harmonie avec l'ensemble. En effet, l’historique porte d’entrée noire a été conservée. L’agencement et les dimensions des espaces intérieurs du rez-de-chaussée ont également été préservés, ainsi que la hauteur des plafonds. Les pièces sont baignées d’une lumière douce naturelle grâce aux toiles tendues au plafond qui filtrent la lumière zénithale, contrairement au nouveau sous-sol qui ne bénéficie pas de cette lumière naturelle afin de préserver les œuvres les plus précieuses (voir encadrésur la conservation des œuvres p.14). Ce sous-sol, anciennes caves et réserves, est désormais accessible. L’ancien plancher a complètement été détruit et abaissé afin d’accroître la hauteur de plafond et ainsi agrandir les espaces d’exposition. Par ailleurs, le site compte désormais un auditorium de 160 places conçu pour des concerts de musique de chambre et des conférences.

 

De béton et de verre

Outre la rénovation tempérée et l’aménagement optimisé des salles d’exposition, La Boverie s’est vue greffée d’un membre de verre et de béton. Matières de prédilection de l’architecte Rudy Ricciotti (voir l'interview ici), elles se fondent dans un paysage urbain et végétal. Des fenêtres de 7,5 m de haut sur trois façades donnent à cette extension un point de vue nouveau sur la Dérivation. « Toutes les techniques sont généralement portées au plafond, explique Gilles Hambücken du cabinet p.HD. Ici, elles ont été incluses dans le sol (canalisations, électricité, etc.). Ce sol en béton permet une portée de 500 kg/m2. Au plafond, il s’agit de plaques de béton performant post-contraint (par des câbles tirés). Cela permet de garder une toiture fine (seulement 35 cm) et donne l’impression d’une feuille de béton posée sur le vitrage. »

Un petit conseil de Gilles Hambücken, si vous désirez voir la lumière naturelle sublimer le lieu, venez le matin en été. « Le soleil se reflète sur l’eau de la Dérivation et la lumière crée des ombres dans la pièce. »

 

RENSEIGNEMENTS :
La Boverie
Parc de la Boverie 
B-4020 Liège
+32 (0)4 221 93 02
 

 

GUILLEMINS – BOVERIE – MÉDIACITÉ UN CONCENTRÉ D’ART ET DE CULTURE

Les Liégeois ont constaté un changement de visage de leur Cité ardente au cours de la dernièredécennie. La rénovation du musée de La Boverie et de son parc s’inscrit en effet dans un cadre plus large. De nouvelles réalisations urbanistiques sont sorties de terre : la Gare des Guillemins (2009)signée du grand architecte Santiago Calatrava et son esplanade, un centre commercial, audiovisuel et de loisirs appelé Médiacité (2011) et créé par le designer architecte Ron Arad, la Tour des finances « Paradis » (2015) ou encore le Centre du Design (2015) et les quais de Meuse (2015). D’un trait, le quartier de la gare est désormais relié à Médiacité en passant par le parc de La Boverie via une passerelle cyclopédestre.

LiègeTogether

Après la candidature de la Ville de Liège à l’Exposition Internationale de 2017, remportée par Astana, la capitale kazakhe, LiègeTogether a pris le relais dans la dynamique de redéploiement urbain. L’objectif de cette initiative est d’offrir à la cité un positionnement européen et international, à la foisculturel et économique. Devenir une métropole créative ouverte et connectée, tel est le fer de lance de LiègeTogether. Une identité symbolisée par un signe de ralliement créé pour l’occasion pour les Liégeois : un cadre formé par le pouce et l’index de chaque main.

Offre culturelle en expansion

Liège n’a rien à envier aux autres villes de Belgique, comme Bruxelles ou Anvers, tant sur le plan culturel et muséal que sur le point de vue architectural. D’importants travaux de rénovation ont permis une revalorisation du patrimoine de manière à qualifier la ville de « Métropole culturelle ».Voici un petit aperçu de ces réalisations :

— 2008 : Le Cinéma Sauvenière offrant avec les Grignoux une programmation cinématographiqueindépendante et le Musée de la Vie wallonne, situé dans un cadre historique : le couvent des FrèresMineurs.

— 2009 : Le Grand Curtius en Féronstrée, un ensemble muséal connu pour sa façade de briques rouges, rassemble les premières civilisations, le Moyen Âge, des sculptures et orfèvreries baroques, le verre et les armes.

— 2012 : L’Opéra Royal de Wallonie, rénové et agrandi.

— 2013 : Le Théâtre de la Place devient le Théâtre de Liège et déménage du quartier d’Outremeusepour faire face à l’Université du 20-Août.

— 2014 : La Cité Miroir, au service de la mémoire, de la citoyenneté et de la multiculturalité installée sur le site des anciens bains de la Sauvenière.


 

DU PALAIS DES BEAUX-ARTS À LA BOVERIE : MÉTAMORPHOSE EN 10 DATES

1905 Le Palais des Beaux- Arts est inauguré à l’occasion de l’Exposition Universelle de Liège.

1914-18 — Les Allemands installent leur service de ravitaillement au Palais des Beaux-Arts et empêchent tout accès au parc.

1940-45 : Les Allemands investissent de nouveau les lieux, suivis des Américains à la Libération.

1952 Le Musée de l’Art wallon et le Cabinet des Estampes et des Dessins rejoignent le Palais.

1958 Le Palais des Congrès remodèle le paysage.

1961 La Tour Schöffer est érigée dans le parc de La Boverie.

1981 Un Musée de l’Art wallon et de l’Évolution culturelle en Wallonie prend ses quartiers à l’îlotSaint-Georges. Le bâtiment de la Boverie devient Musée d’Art moderne.

1988-1993 — Cinq années de rénovation ont été nécessaires pour transformer le Palais des Beaux-Arts en Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain (MAMAC).

2011 Les collections du MAMAC, du Cabinet des Estampes et des Dessins et du Fonds d’art ancien se joignent à l’Art wallon pour former une seule entité : le Musée des Beaux-Arts de la Ville de Liège (BAL).

2016 La Boverie renaît sous l’impulsion du cabinet d’architecture p.HD et Rudy Ricciotti.


LE CHIFFRE : 28

28 bureaux et associations d’architectes ont participé au concours lancé en 2009. 5 projets ont été retenus. Les études ont été faites en 2011 et 2012 et le chantier a démarré en 2013. Pour un budget de 24 millions d’euros, La Boverie s’étend sur 4000 m2 de salles d’exposition.


 

LA TOUR SCHÖFFER RÉNOVÉE

Une sculpture de 52 mètres de haut ponctue le paysage depuis 1961. Cette œuvre abstraite de l’artiste franco-hongrois Nicolas Schöffer comporte une caractéristique spéciale, elle estcybernétique. Grâce à un système de capteurs, elle réagit en temps réel en fonction des variations de son environnement : lumière, vent, température. Elle a été le théâtre d’un ballet lumineux et sonore en 1961 et 1962 lors d’un spectacle intitulé Formes et Lumières. Elle ne fonctionne plus depuis quarante ans. Cependant, la tour étant classée patrimoine exceptionnel de Wallonie en 2009, un projet de restauration est prévu à court terme sous la houlette de l’Institut du Patrimoine wallon. Son inauguration est prévue en ce début du mois de mai 2016.

 


 

L’HÉRITAGE DE L’EXPOSITION UNIVERSELLE

Anvers en 1894, Bruxelles en 1897 et Paris en 1900. Il est donc logique que l’Exposition Universelle ait lieu en 1903. Et pourtant, celle-ci débute en 1905. L’idée naît en mai 1897 d’une initiative privée de la part de Victor Dumoulin et Florent Pholien, membres du Cercle privé du Commerce liégeois. Ils finissent par obtenir les soutiens de la Ville, du Gouvernement, puis du Roi Léopold II. Liège, « l’ancienne capitale d’une principauté autonome et indépendante, la plus libre du monde » selon la publicité officielle, sera donc le siège de l’Exposition.

Pour l’occasion, de grands travaux sont entrepris. Le Prince Albert, futur Albert 1er, posera la première pierre symbolique de la façade de l’entrée du Palais des Beaux-Arts, destiné à survivre aprèsl’événement. De nouveaux ponts apparaissent pour faire face à l’afflux des visiteurs : les ponts de Fragnée, de Fétinne, des Vennes et la Passerelle Mativa. Les travaux d’assainissement du site et les aménagements de la Meuse s’étendent et repoussent la date à l’année 1905, année qui correspond au 75e anniversaire de l’indépendance de la Belgique, commémoration dont on imagine l’importance.

Le 27 avril 1905, le site est inauguré devant plus de deux mille personnes. Éclaté sur 66 ha, le parc de La Boverie n’est pas le seul lieu mis en avant pour l’occasion (Cointe, FragnéeVennes). Pendant six mois, sept millions de visiteurs venus d’une quarantaine de pays différents assisteront à la manifestation liégeoise.

Le fondamental des Beaux-Arts

Le Palais des Beaux-Arts et ses 2500 m2 de salles d’exposition sont donnés à la Ville de Liège par le Comité exécutif de l’Exposition. Une lettre de celui-ci au Conseil communal du 14 octobre 1903 parle de l’envie d’organiser une « série d’événements culturels et scientifiques » : « L’érection de ce monument viendra combler une lacune véritable, notre Ville ne possédant actuellement aucun édifice public qui réponde à ces multiples desiderata ».

Pendant plus d’un siècle, l’ancien Palais des Beaux-Arts servira différents intérêts muséaux. Le rejoindront le Musée d’Art wallon et le Cabinet des Estampes et des Dessins en 1952, le Musée desBeaux-Arts dans les années 1970. Il se transforme en Musée d’Art moderne en 1981, puis en Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain (MAMAC) en 1993. Enfin, il devient ce qu’il est aujourd’hui : La Boverie, Centre International d’Art et de Culture (CIAC).

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