- Dossier
Par Alain Voisot
Le plateau du Condroz s’arrête brusquement sur la vallée de la Meuse et forme un rempart jalonné de villes et de villages qui bordent l’ancienne route reliant Liège à Namur. L’une des plus belles étapes est certainement celle de Huy.
Bien serrée au pied de sa citadelle, la petite ville de Huy est vraiment agréable et pleine de charme. Si l’on fa i t le déta i l des g ravures anciennes illustrant la cité, on se prend à rêver de ce château qui occupait le promontoire jusqu’en 1676. Huy serait alors une étape de premier ordre en Wallonie. Malgré le désastre des plans d’urbanisme des années 60, il reste encore de belles petites rues médiévales qui mènent toutes vers la Collégiale. Avant d’y entrer, il faut voir ou entrevoir le Portail du Bethléem, l’une des merveilles de la ville, en cours de restauration. Ce portique ouvre l’accès à une ruelle pavée qui court le long du vaisseau. Bordée de monumentales pierres tombales évoquant quelques gloires déchues, elle débouche sur une petite place dominée par le Rondia, face à l’Office du tourisme.
Une crypte aux trésors
De retour à la Collégiale après 21 ans de travaux de réfection, nous pouvons enfin voir l’intégralité du trésor : les châsses-reliquaires de Saint-Domitien et de Saint- Mengold ainsi que celle de la Vierge dont la restauration a été terminée en 2012. La châsse-reliquaire de Saint-Marc, de taille plus modeste et bien plus sobre, possède des émaux remarquables. La première et la seconde sont attribuées à Godefroid de Huy. La châsse de Saint-Domitien a été retouchée aux Ier, XVe et XVIe siècles. Seuls les très beaux vernis bruns et les émaux sont encore d’origine, de même que les épigraphies et les cuivres gravés. D’autres pièces également exceptionnelles sont à découvrir, tel le médaillon émaillé de l’Arbre de Vie, chefd’oeuvre de l’art mosan créé vers 1160, le calice et la croix funéraire de Théoduin de Bavière (1075), une relique de la Vraie Croix ainsi que des orfèvreries hutoises et liégeoises.
Avant le milieu du XIIe siècle, l’atelier de Godefroid de Huy se distingue à la fois dans la création de châsses et l’émaillerie champlevée. Il utilise dans ses thèmes iconographiques ce qui va être un des signes de reconnaissance et d’identification des artistes mosans : le jeu subtil et suggestif des concordances entre l’Ancien et le Nouveau Testament.
Si vous arrivez du centre, prenez la venelle à gauche du bâtiment. Juste là, au-dessus de vous, une ogive aérienne domine l’entrée. Son tympan est garni d’un haut-relief polychrome du XIVe siècle. Cet authentique chef-d’oeuvre est divisé en plusieurs tableaux repartis sur deux segments d’arc en V. Les personnages sont sculptés selon la technique de la ronde-bosse, terme désignant une sculpture dont toutes les faces sont travaillées et dont certains personnages se détachent complètement du support de fond. La pierre est un tuf relativement fragile, ce qui précarise encore plus ce trésor parvenu jusqu’à nous en relativement bon état. Il représente quatre scènes : la Nativité, l’Adoration des bergers, le Massacre des Innocents et l’Adoration des Rois Mages. Cette mise en scène en 3D commence en bas à gauche, en haut-relief. La Vierge est couchée tenant dans ses bras l’enfant Jésus. Au-dessus, l’enfant Jésus, sérieusement emmailloté, repose dans un berceau d’osier réchauffé par le souffle du boeuf et de l’âne. Sur le toit de l’étable, des musiciens, un berger… une allégorie de fête médiévale, on y esquisse un pas de danse. Au centre sous la pointe de l’ogive, le massacre des Innocents et le visage terrifié d’une mère. À droite, les Rois Mages présentent leurs offrandes. Tout autour, des anges et des apôtres bénissent, prient et observent.
Étapes gourmandes
Le Coq aux Champs
Route Montys, 71, B-4557 Soheit-Tinlot
Phylactères
Au XII e siècle, les orfèvresémailleurs mosans produisent un type particulier de reliquaire appelé phylactère. La tradition de la bande dessinée belge y trouveraitelle ses origines ?
De forme le plus souvent quadrilobes, ces phylactères abritent une ou plusieurs reliques logées dans une cavité ou une loge de bois recouverte d’argent, de cuivre ou de laiton doré garnis de filigranes, de nielles, de vernis bruns, d’émaux et de pierreries. Le même terme s’applique aussi aux banderoles sur laquelle se déploient les paroles prononcées par les personnages que l’on retrouve dans les miniatures, les peintures et les oeuvres d’orfèvrerie... Ce moyen graphique apparait comme l’ancêtre de la « bulle » de nos bandes dessinées modernes.
Émaux champlevés et cloisonnés
L’émail d’argile silicate est une substance vitreuse composée, notamment, de silice, de feldspath, de kaolin et d’oxydes métalliques qui se présentent sous forme de poudre. La vitrification est obtenue à haute température lors de la cuisson de ce sable quartzeux additionné à un mélange proportionné d’oxyde de plomb de soude ou de la potasse mélangée à de la magnésie. En fondant, le mélange devient transparent ou coloré dans sa masse par l’adjonction d’oxydes métalliques : cuivre à différents degrés d’oxydation pour le vert, le rouge, le noir et le turquoise, l’oxyde de cobalt pour le bleu ; l’oxyde d’argent pour le jaune ; l’antimoine et le fer pour le brun ; l’étain pour le blanc ; le manganèse pour les violets et enfin l’or pour le rubis.