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La dernière veillée d’armes de Napoléon

  • Patrimoine
Brabant wallon

Par Carole Depasse

En 1947, au retour de la Seconde Guerre mondiale, Norbert Brassine, à la recherche d’une activité professionnelle, parcourt le champ de bataille de Waterloo. Le tourisme est en plein essor. À cette époque et à cet endroit, il n’y a à visiter que le Panorama et la Butte du Lion.

Originaire de la région, bouillonnant d’idées, Norbert Brassine, aidé de son fils Édouard, imagine alors de créer une nouvelle attraction : un Musée de cire dédié à Napoléon Bonaparte. Au pied de la butte, place du Lion, Norbert Brassine retrouve l’Hôtel du Musée* dans lequel son grand-père, Henri, entre 1880 et 1904, exerça le métier de cuisinier. Le coup de cœur est immédiat pour ce bâtiment dont la partie gauche, à l’abandon, est à vendre. Père et fils achètent l’aile gauche avec l’espoir de reconstituer un jour l’ensemble et y installent leur musée imaginaire.

Le petit Grévin

Pour meubler son musée, Norbert Brassine fait appel à des artistes du Musée Grévin qui, à titre personnel, façonnent des mannequins en cire représentant tous des personnages présents sur le champ de bataille de Waterloo en juin 1815. Le Musée de cire accueille, dès son ouverture, en 1948, la Scène des maréchaux, représentant la dernière réunion de bataille de Napoléon et, regroupés dans une loge, les trois vainqueurs de Waterloo : le Prince d’Orange, Wellington et Blücher. Une scène supplémentaire, la Scène de nuit, dont on ignore toujours les auteurs, est entrée postérieurement au Musée. Elle représente Napoléon qui, dans la nuit du 17 au 18 juin 1815, visite les bivouacs des soldats français éreintés par une longue marche. Trois soldats, dont un appuyé sur une roue de charrette, sont couchés sur le sol. Un quatrième soldat, grenadier en grande tenue, se redresse à la vue de son empereur en redingote. Au loin, peints sur les murs (à présent démolis), les feux des bivouacs anglais. De l’inauguration jusqu’au rachat du bâtiment par la Région wallonne, le Musée de cire connût un succès populaire jamais démenti.

Mannequins en boîte

« Le 23 septembre 2013, je fus priée de déménager le contenu du Musée de cire et du Bivouac de l’Empereur », raconte, amère, Madame Brassine. C’est le grand chambardement dû à la mise en place du futur Mémorial de Waterloo à l’occasion du Bicentenaire de la bataille. Racheté, l’immeuble est en cours de restauration. Des travaux jugés peu respectueux par la dernière propriétaire : « On fait ce qu’on a fait à Bruxelles, du “façadisme”.» Une situation difficile pour ce professeur d’histoire, née au pied de la Butte du Lion, passionnée par l’épopée napoléonienne comme le fût sa belle-famille. Les événements conduisent Madame Brassine à caser en hâte le contenu du Musée de cire dans un garde-meuble. Il est probable que, sans la ténacité de Josette Champt, directrice de la Maison du Tourisme des Ardennes brabançonnes, à Wavre, Napoléon, ses maréchaux, ses soldats et ses pires ennemis seraient toujours en train de moisir dans leurs caissons poussiéreux. Informée du sort lamentable réservé aux mannequins de cire, la proposition de les exposer, en juillet prochain, à la Maison du Tourisme des Ardennes brabançonnes, à Wavre, enchante Madame Brassine. Parce que Wavre a eu sa bataille aussi ! Une bataille** passée sous silence et que Josette Champt compte réhabiliter dans la mémoire collective à l’occasion du Bicentenaire de Waterloo. C’est une opportunité de remettre les mannequins en scène et, par la même occasion, de les restaurer. Si leur dernier logement n’a pas amélioré leur état de conservation, certains présentaient déjà des signes d’usure et de fatigue, notamment au niveau des mains, des uniformes et des armes.

Sœur Marie-Joie, carmélite et cirière

Opération délicate : la restauration des parties en cire. Ce fin travail artisanal a été confié à une religieuse du Carmel d’Argenteuil. Âgée de plus de quatre fois vingt printemps, Sœur Marie-Joie est une artiste. Avant de prononcer ses vœux, elle a suivi pendant douze ans des études à l’Académie des Beaux-Arts de Leuven. Durant son noviciat, son regard artistique regrette que la crèche en plâtre du couvent soit disproportionnée par rapport à son support. Elle crée alors, à la main et en cire, les personnages, humains et animaux, d’une crèche toute en harmonie et beauté. C’est le début d’une « carrière » de sœur cirière ! À tel point qu’elle est appelée en renfort lorsqu’il fut question de restaurer les personnages de la crèche de Bruxelles. Madame Brassine connaît les talents de Sœur Marie-Joie depuis de longues années pour l’avoir déjà sollicitée. Ainsi, par les hasards de l’actualité touristique de Wavre, les mains abîmées de cinq de ses mannequins de cire se retrouvent une nouvelle fois entre d’autres mains, celles expertes de Sœur Marie-Joie pour une habile chirurgie des doigts.

Un rôle à tenir au Mémorial de Waterloo ?

Les mains réparées, les têtes bien vissées sur les corps, les coiffures dépoussiérées, les uniformes et les cuirs restaurés sous la supervision et les conseils de Chantal Carpentier, restauratrice textile, les mannequins de cire vont bientôt pouvoir rejouer, à Wavre, la fameuse Scène des maréchaux selon une scénographie mise au point par Isabelle Dubois. Une scène mythique, le dernier QG de Napoléon, à la Ferme du Caillou, avant l’assaut final du 18 juin 1815. Une scène admirablement représentée par le tableau de Patrice Courcelle, artiste historien, peintre de batailles, spécialisé dans l’époque napoléonienne. Il reste cependant une question en suspens : après leur représentation à Wavre, que vont devenir tous ces figurants ? Est-ce la dernière veillée d’armes pour l’empereur de cire ? Personne ne le souhaite. En particulier Napoléon Bonaparte qui a toujours mal vécu l’exil et l’isolement.

Maison du Tourisme

des Ardennes brabançonnes Rue de Nivelles, 1

BE–1300 Wavre

+32 (0) 10 23 03 23

www.wavre1815.be

L’HÔTEL DU MUSÉE

L’Hôtel du Musée ouvre ses portes le 20 janvier 1856, au pied de la Butte du Lion, à l’initiative d’une « parente » d’un officier anglais, le sergent-major Cotton, qui avait, de son vivant, rassemblé une impressionnante collection de reliques en provenance du champ de bataille de Waterloo (costumes, coiffures, armes, éléments d’équipements, boulets de canon). Immédiatement, l’hôtel et sa collection attirent de nombreux Britanniques à tel point qu’il s’avère rapidement trop exigu. Une annexe, le futur restaurant du Bivouac de l’Empereur, est construite en 1868 et une aile droite est ajoutée en 1881, de manière à doubler la superficie de l’hôtel. De cet hôtel emblématique, il ne reste plus aujourd’hui que les façades du bâtiment préservées dans le cadre du futur Mémorial de Waterloo.

LA BATAILLE OUBLIÉE DE WAVRE 

Selon les propos de l’historien Joseph Tordoir

Le dimanche 18 juin 1815, vers 16 heures, alors que la bataille de Waterloo est engagée, les premières unités françaises, placées sous le commandement du maréchal Grouchy, arrivent aux abords de Wavre. Les ponts sur la Dyle sont barricadés par l’armée prussienne qui a pris position sur la rive gauche, de Limal à Basse-Wavre. L’artillerie française, installée sur les hauteurs d’Aisemont, bombarde la ville et lance un bataillon d’infanterie à l’assaut du Pont du Christ, le pont principal de Wavre. Treize assauts successifs, particulièrement meurtriers, ne permettent pas aux troupes françaises de prendre pied sur la rive gauche. Ce n’est qu’en début de soirée que l’armée française arrive à traverser la Dyle au niveau du pont de Limal. Le lendemain matin, lundi 19 juin, l’armée prussienne tente de bouter les Français hors de Limal. La tentative échoue. Cependant, avertis plus vite que les Français du résultat de la bataille de Waterloo, les Prussiens abandonnent le champ de bataille et laissent les troupes françaises occuper les quartiers de Wavre situés sur la rive gauche de la Dyle. Le lundi 19 juin en fin de matinée, le maréchal français Grouchy est officiellement informé du revers essuyé par Napoléon et est chargé de protéger la retraite de l’armée impériale. Les dernières troupes françaises se replient sur Namur et quittent Wavre.

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