- Dossier
Par Christian Sonon
Situé dans l’Aéropôle de Gosselies, InnovaTech fait partie du réseau unique de l’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation (AEI).
Son objectif ? Rendre les PME plus innovantes. Chaque année, 21 personnes accompagnent quelque 250 entreprises. Une aide à la carte.
C’est en 2008, lorsqu’il a étendu son champ d’action à toute la Wallonie, que le Centre de Promotion de la Recherche et Développement et de Valorisation des Technologies en Hainaut (CeRDT) est devenu InnovaTech, ASBL financée par le Fonds Social Européen et la Wallonie (via la DGO6) et dont la mission est de rendre les entreprises wallonnes plus innovantes afin que leurs résultats financiers progressent et qu’elles deviennent plus compétitives. Un coaching qui s’est peu à peu renforcé grâce à une équipe de conseillers possédant une large connaissance des entreprises, des centres de recherche et universités, des technologies, ainsi que des aides R&D possibles. Leur approche est toutefois différente de celle des pôles de compétitivité. Alors que ceux-ci se concentrent sur des secteurs précis, sur des projets rassemblant plusieurs partenaires et à hautes valeurs ajoutées qui nécessitent plusieurs années de développement, InnovaTech travaille avant tout sur l’entreprise (toujours une PME), quel que soit son secteur, que l’ASBL accompagne d’une façon personnalisée afin de la rendre plus innovante tout en étendant son aide à la propriété intellectuelle, la communication, l’organisation d’événements, etc. Si partenariat il y a, il intervient généralement dans un second temps.
« L’entreprise peut solliciter nos services de A à Z, mais elle peut aussi ne venir qu’au début de son parcours pour un simple conseil ou tout à la fin pour la communication de son projet, explique Sarah Thielens, chargée de communication chez InnovaTech. Nos conseillers vont parfois passer une heure avec elle, parfois cinq. Notre aide est multiple : réalisation d’un audit des pratiques d’innovation de l’entreprise, vérification de l’aspect innovant du produit, vérification des brevets déjà déposés, estimation des ventes et des risques, aide à la réalisation d’un cahier des charges, aide à la sélection des meilleurs financements, recherche de partenaires éventuels, soutien pour renforcer la visibilité et la notoriété de l’entreprise auprès des médias, informations sur le dépôt de marque, les brevets, les contrats de partenariats… Nous proposons également une formation "six jours pour mieux innover". En fait, ce sont les entreprises qui décident ce dont elles ont besoin, nous sommes à leur service. Les questions financement et brevets sont souvent des questions initiales lors des premières rencontres. Généralement, après un premier projet, une première aide, nous restons en contact. »
28,5 % de réussite
C’est ainsi qu’entre 2008 et 2014, InnovaTech a accompagné 931 projets, dont 735 sont aujourd’hui terminés et 210, proposés par 186 entreprises, peuvent être qualifiés de réussis. Soit un taux de succès de 28,5 %. Commercialisation, en effet, ne veut pas dire réussite commerciale. « La structure des entreprises wallonnes peut être un handicap, elles sont souvent sous-capitalisées et souffrent donc de carences marketing et commerciale au moment de vendre leur innovation », expliquait Marie-Hélène Van Eyck, interviewée en 2015 quand elle était encore la directrice d’InnnovaTech. Enfin, l’ASBL est également intervenue sur 46 projets afin d’aider les entreprises à décrocher un financement. Certaines, en effet, font leur développement sur fonds propres, tandis que d’autres se débrouillent seules.
« Ces trois dernières années, ce sont les activités liées à l’informatique qui arrivent en première position, explique encore Sarah Thielens. C’est normal, ce domaine a le vent en poupe. Les projets reflètent aussi les tendances générales de la société : objets connectés, environnement durable, open innovation… On voit aussi que le secteur bancaire est beaucoup plus ouvert qu’avant par rapport aux innovations. »
Sopura (à Courcelles) – Désinfectants naturels
Spécialisée depuis plus de 60 ans dans le développement de solutions de nettoyage et de désinfection dans les secteurs de la brasserie, des boissons et de l’industrie alimentaire, Sopura lance sur le marché de nouveaux produits désinfectants, constitués d’additifs alimentaires et d’acides gras inertes non toxiques pour la santé et l’environnement.
Poussé par un souci constant d’innovation, l’entreprise cherche également à intégrer ces produits à de nouveaux processus utilisant peu ou aucun rinçage. Ainsi, voici quelques années, Sopura, qui travaille avec une centaine de collaborateurs à Courcelles mais dispose également de filiales à l’étranger, a sollicité une première fois l’aide d’InnovaTech (rédaction de dossiers techniques, quête de partenaires, aide en propriété intellectuelle, communication…) afin de lancer sur le marché un nouveau produit permettant de lubrifier les chaînes de transport de ses clients afin de permettre aux bouteilles contenant le désinfectant d’adhérer au mieux à celles-ci. Un produit qui a été mis au point avec la collaboration de l’Umons et qui permet de réaliser de conséquentes économies d’eau, puisque le produit ne doit être injecté que sporadiquement sur la chaîne.
Si InnovaTech a encore accompagné Sopura sur des projets plus récents, cette aide s’est faite plus légère au fur et à mesure que l’entreprise acquérait du savoir-faire.
Rolix (à Eghezée) – Sangles d’arrimage
C’est parce qu’il lui est arrivé de perdre un escabeau sur l’autoroute que Frank Burnick, conscient du danger qu’un objet mal arrimé pouvait causer à l’intégrité des personnes, s’est mis en quête d’un procédé de fixation innovant pour ses camionnettes. Passionné de bricolage, cet entrepreneur namurois en chauffage central ne pensait d’abord qu’à trouver une solution à ses seules préoccupations, avant de viser plus haut et chercher à commercialiser son produit. C’est ainsi qu’il a rencontré les consultants d’InnovaTech qui lui ont fourni un accompagnement complet tout en l’orientant vers le Bureau Économique de la Province de Namur (BEP). Aidé par des bureaux d’études et des organismes spécialisés, il a mis au point un système se composant d’une galerie de toit en aluminium dont les montants latéraux contiennent des boîtiers enrouleurs de sangles. Ceux-ci sont mobiles et munis d’une poignée de bobinage permettant la mise sous tension des sangles autour des objets à transporter. « Le système de sangles Roll&Fix est non seulement sécurisant, mais il permet aux transporteurs de fixer très facilement leur matériel et, donc, de gagner du temps », explique le patron qui s’est associé à des fabricants étrangers pour produire les différents constituants qui sont assemblés en Belgique. Mais le plus dur reste à faire : développer une clientèle…
Les idées naissent d’une rencontre ou d’une loi
Pourquoi des prises de courant de sol ? Parce que des enfants ont déjà trébuché sur les fils de l’appareil à fondue. Pourquoi des détecteurs de somnolence ? Parce que des conducteurs peuvent s’endormir aux commandes de leur engin. Pourquoi un robot tondeur de pelouse ou nettoyeur de vitre ? Parce qu’il arrive que, physiquement, l’on ne soit plus capable d’effectuer certains travaux… Pour Alain Préat, le codirecteur d’Apkiosk, société spécialisée dans le développement de bornes interactives, une bonne idée naît souvent d’un besoin ou d’une rencontre.
« Ma première innovation, c’est un livre d’or multimédia », explique cet entrepreneur qui n’avait encore que 21 ans et qui terminait un graduat en informatique de gestion chez les Aumôniers du Travail (ISAT) à Charleroi, lorsque l’idée lui est venue d’offrir pareil cadeau pour le mariage de son frère. « Je voulais qu’il puisse avoir un accès facile à tous les souvenirs inhérents à cet événement, alors j’ai imaginé une borne interactive composée d’une machine et d’un écran tactile. Au mariage, chaque invité pouvait y laisser un texte, des photos, des vidéos et, le matin de son voyage de noces, mon frère a pu emporter le tout immédiatement avec une simple clé USB. »
C’est donc à partir de ce produit qu’il a bien sûr développé et commercialisé qu’Alain Préat a fait son entrée dans le monde de l’entrepreneuriat. Après avoir créé sa société, Apresoft, il a fusionné fin 2013 avec ACM Group, histoire d’associer ses compétences en software sur mesure avec la maîtrise de l’acier et de l’inox. Aujourd’hui, Apkiosk propose des projets interactifs sur mesure à divers secteurs professionnels, comme la construction, l’industrie et les établissements scolaires. La société a ses ateliers de fabrication à Tubize, alors que l’informatique et le développement sont ancrés à Nivelles.
Des bornes pour les chantiers et les écoles
« Un autre élément qui favorise l’innovation, c’est l’arrivée de nouvelles lois, explique Alain Préat. Depuis 2014, la loi exige que les travailleurs opérant sur des chantiers immobiliers de plus de 800 000 € soient identifiés et enregistrés dès leur accès sur le site. L’ONSS a certes mis en place un système en ligne, mais il manquait un outil pour qu’elle puisse effectuer ce contrôle en temps direct. Nous avons donc conçu des bornes-pointeuses connectées qui ont ensuite trouvé de nombreuses déclinaisons. »
Un autre exemple ? En 2006, afin de répondre à une législation sur le contrôle des dépenses dans les établissements scolaires et diminuer le flux d’argent liquide, l’entrepreneur a conçu une borne interactive pour une école de Ciney. Fin 2014, des demandes similaires ont afflué d’autres écoles. Aujourd’hui, elles sont 52 en Wallonie à disposer de cette borne qui permet aux enfants d’effectuer leur paiement en toute visibilité, tandis que les parents peuvent vérifier leurs dépenses et recharger leurs cartes via une plate-forme internet.
L’idée ne serait pourtant rien si elle n’était suivie d’une étude approfondie du terrain sur lequel on veut s’avancer. Pour son livre d’or déjà, Alain Préat était allé trouver les conseillers d’InnovaTech. « Ils ont d’abord regardé s’il y avait de la concurrence, puis ils ont examiné si j’avais les moyens financiers, mais aussi les forces commerciales et techniques pour lancer le projet. Quand on arrive chez eux, on nous met tout de suite en mode "innovation". On ne peut être que stimulé ! »