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Le cœur à l’ouvrage

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Liège  / Liège

Par Charline Cauchie

Mitral Technologies

Sur le site du Val Benoît, Mitral Technologies vient de souffler sa première bougie. L’entreprise, qui effectue des recherches sur une valve cardiaque – la valve mitrale – a choisi Liège pour développer une nouvelle technologie unique au monde. Et tout semble baigner…

 

L’aventure de cette start-up spécialisée en technologies médicales a commencé en décembre 2017 avec une levée de fonds de plus de 3,2 millions d’euros. Alors que les tests du futur dispositif  pourront commencer d’ici quelques mois, rencontre avec Jean-Paul Rasschaert, le serial entrepreneur qui, avec Mitral, fait son grand retour en terres wallonnes, après plus de vingt ans de success stories américaines.

« Nous sommes très bien installés au Val Benoît. Mes start-ups n’ont jamais été dans un site architectural aussi beau, lâche d’emblée le créateur de Mitral Technologies, qui semble surpris de n’avoir rencontré aucun problème jusqu’à présent. Après un an, les choses se passent très bien. Aucun retard, ni coût revu à la hausse… Dans une start-up, on sait où l’on va, mais on ne sait pas comment y arriver, nous sommes des défricheurs. Ici, notre procédure se déroule parfaitement. Ce n’est pas forcément grâce à moi, mais nous avons dépensé moins que prévu et nous sommes dans les temps. »

« Défricheurs », c’est peu dire. Mitral Technologies, comme son nom l’indique, effectue des recherches sur la valve mitrale, située dans le cœur. « Dans le monde, on doit être maximum 200 chercheurs dont trois en Belgique : deux de mes collaborateurs et moi ! »Ces recherches devraient aboutir à la mise sur le marché d’un nouveau dispositif médical destiné au traitement de la régurgitation mitrale par voie minimale invasive. « Nous inventons quelque chose qui peut aider potentiellement deux millions de personnes », explique Jean-Paul Rasschaert. En effet, dans le monde, quatre millions de patients souffrent de régurgitation de la valve mitrale. Deux millions d’entre eux peuvent être opérés par remplacement de la valve. Mais les deux autres millions ne sont pas « opérables » à cause de l’invasivité de l’opération chirurgicale « et ces gens-là ont des conditions de survie misérables. On ne peut rien pour eux actuellement. C’est à ces malades que l’on s’adresse ».

Med Tech : un secteur de bricoleurs 

Quatre personnes composent actuellement l’équipe située sur le site du Val Benoît. Ce sont des « bricoleurs », comme les décrit le patron. « Nous sommes à la fois des chercheurs et des faiseurs. C’est ce qui distingue les start-ups Med Tech des Bio Tech. Notre travail se fait de l’ordinateur à nos outils. Cela va plus vite (5-7 ans), ce qui signifie moins d’argent et des équipes plus réduites par rapport aux Bio Tech. A terme, nous serons une quinzaine pour s’occuper de la Recherche & Développement, de l’écriture des réglementations et des brevets ».

Il y aura des retombées indirectes aussi, même si elles sont difficiles à calculer. « Nous allons, par exemple, travailler avec des équipes de médecins et vétérinaires du CHU de Liège pour les essais et avec la société Sirris qui fait des travaux sur les fils de suture. D’ici 5-6 mois, nous aurons une idée à 85-90% de ce que sera le produit. C’est une étape importante. Après, nous ferons les tests chroniques afin de voir comment l’animal réagit au produit. Puis, nous pourrons passer aux tests précliniques et cliniques (c’est-à-dire sur les humains, ndlr). »

Dans 4 ou 5 ans, la fabrication du produit pourra commencer : « D’ici là, nous sommes, nous devons nous mettre ensemble pour imaginer les solutions, un peu comme l’a fait l’équipage d’Apollo 13 afin de revenir sain et sauf sur la Terre. Un de mes employés vient d’ailleurs du secteur aéronautique. Au final, c’est beaucoup de similarités, au niveau de la difficulté des tests notamment », décrypte l’explorateur en chef.

Entre les Etats-Unis et Liège, le parcours d’un défricheur

Si Jean-Paul Rasschaert sait si bien où il va, c’est parce qu’il n’en est pas à son coup d’essai. Durant ces vingt dernières années, ce Belge qui a acquis la nationalité américaine a lancé neuf start-ups, toutes dans les Med Tech, se concentrant plus particulièrement sur les innovations en cardiologie interventionnelle (c’est-à-dire, la cardiologie complémentaire ou en remplacement de la chirurgie lourde). 

« Je suis parti aux Etats-Unis en 1998. Je travaillais à l’époque pour la société leader mondiale de l’appareillage médical. Je m’occupais de stimulation cardiaque. En 1992, j’ai été approché par un groupe israélo-américain qui m’a proposé de lancer une start-up avec eux. Je ne savais pas alors ce que c’était mais j’ai trouvé ça excitant ! J’ai quitté mon employeur et je ne l’ai jamais regretté. »

Jean-Paul Rasschaert a ainsi acquis la mentalité du « défricheur », un rôle qui consiste aussi, à un moment donné, à passer la main. « En général, on n’a pas soi-même les moyens financiers de lancer le produit. Donc on passe des accords stratégiques avec un partenaire plus important ou on vend ». C’est ce qui s’appelle la recherche d’une exit (sortie, en français) et, en 1996, cela a bien fonctionné pour Jean-Paul Rasschaert quand il a revendu sa première start-up.

The come-back avec l’Awex

L’entrepreneur cherche alors à monter une société en Europe, mais à l’époque, le contexte n’est pas idéal. « Il n’y avait pas d’argent, pas d’investisseurs prêts à prendre de gros risques. Aux Etats-Unis, c’était différent… » Il faudra vingt ans pour que l’entrepreneur trouve des opportunités en Belgique. C’est via la consule honoraire au Minnesota qu’il entend parler de l’Awex. « J’avoue que je suis allé les voir avec des préjugés et, en fait, je me suis retrouvé face à une dizaine de collaborateurs parfaitement renseignés. C’était remarquable et, de fil en aiguille, j’ai levé de l’argent en Belgique, essentiellement sous forme de subsides. » Un contexte très différent de celui des Etats-Unis où les subsides n’existent pas.

« En Wallonie, il faut attirer, créer un environnement propice. Avec Miracor (une autre start-up dans la cardiologie interventionnelle installée à Liège, ndlr) et nous, cela commence à bouger. La Wallonie a bien réussi en Bio Tech, elle doit encore se faire une place en Med Tech. »

Pourquoi pas un cœur artificiel ?

Pour y contribuer, Jean-Paul Rasschaert a plus d’une idée dans sa manche. Après Mitral Technologies et les recherches sur la valve mitrale, il se pourrait bien que cet infatigable lanceur de start-up s’attaque à dans un défi plus important encore : celui du développement du cœur artificiel ! « Ce serait une première. Mais pourquoi pas, tant qu’on y est ? Si j’arrive à implanter le projet en Région wallonne, ce sera un gros truc », sourit-il, alors qu’il discute en ce moment avec les pouvoirs publics de la faisabilité du projet. Une chose est sûre : on a hâte de réentendre parler de Jean-Paul Rasschaert.

 De quoi parle-t-on ?

• Les Bio Tech regroupent toutes les entreprises engagées dans des recherches sur les molécules, la chimie et la biologie. Elles aboutissent généralement à la mise sur le marché de nouveaux médicaments via le secteur pharmaceutique.

• Les Med Tech se concentrent sur l’ingénierie et cherchent à inventer de nouveaux dispositifs médicaux pour opérer ou réparer le corps du patient. 

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