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Par Thierry Desiraut
Un oiseau bizarre, aux pattes énormes, au vol gracieux pourtant va se poser sur l’eau tranquille du lac. Un spectacle banal au Canada. Beaucoup moins en Wallonie où les hydravions sont rares. Mais il va falloir s’y habituer : l’asbl Seaplane vient d’installer la première hydrobase de Belgique sur le lac de la Plate-Taille.
C’est avec deux autres pilotes, Laurent Gilson et Yves Cartillier, que Rodolphe Vanbellingen se jeta à l’eau avec ce projet en février 2016. « A la base, je suis pilote chez Brussels Airlines et instructeur en petite aviation. L’un de mes élèves venait de passer son brevet sur hydravion et j’ai trouvé ça génial. A mon tour, j’ai passé le brevet. Mais il a fallu attendre une occasion vraiment très particulière pour concrétiser le projet de créer une hydrobase en Belgique. Ce fut la « mission Pari Daiza » (voir encadré, ndlr). L’aventure a été telle que nous avons décidé de prolonger l’expérience en créant une hydrobase. C’est ainsi que naquit Seaplane, une asbl dont l’objectif est de créer et de gérer une hydrobase permanente aux Lacs de l’Eau d’Heure. »
L’idée est bonne car il n’existe que trois hydrobases en Europe, l’une en Italie (Lac de Côme), les deux autres en France (Biscarosse, près de Bordeaux, et l’étang de Berre, près de Marseille). En Belgique, l’hydravion n’est pas un réel besoin. En France ou en Espagne, en revanche, on l’utilise beaucoup dans la lutte contre les incendies avec les fameux Canadair. Et la Belgique a un accord avec la France qui, en cas de besoin, peut envoyer ses bombardiers d’eau s’approvisionner sur le lac du barrage de la Gileppe et celui du barrage d’Eupen. En échange, les avions français pourraient intervenir lors d’importants incendies de forêt en Wallonie. Jusqu’ici, cela ne s’est jamais produit.
Priorité aux planches à voile
Quand on pense hydravion, on pense Canada ou Alaska où il est omniprésent. Chez nous, c’est d’abord un loisir et une autre manière de voler avec des sensations différentes. « On est proche de la nature. On n’est pas condamné à aller sur une surface de béton ou d’herbe. Ça permet de mélanger l’eau, l’air et la terre parce que notre appareil permet d’aller aussi sur la terre, explique Rodolphe, qui poursuit avec enthousiasme : Ça fait rêver les pilotes à la recherche de nouvelles sensations. En vol, ce n’est pas vraiment différent d’un avion de tourisme classique, mais au décollage et à l’amerrissage, c’est beaucoup plus fort ! Le contact avec l’eau est toujours impressionnant et le décollage est plus complexe car il faut tenir compte de plus d’éléments. »
Si, en Belgique, on n’a pas besoin d’un brevet maritime tant qu’on reste sur une surface d’eau calme, il faut suivre un apprentissage de 8 heures pour maîtriser l’avion sur l’eau. Le programme comprend aussi un peu de navigation avec une formation aux bases du nautisme et au code maritime (à propos des termes, du balisage, des règles de priorité...). Ainsi, sur le lac de la Plate-Taille, les voiliers et les planches à voile ont la priorité sur les hydravions qui sont plus manœuvrables.
« Pour l’instant, il n’existe pas d’autres surfaces d’amerrissage reconnues, poursuit Rodolphe, mais nous essayons d’en développer de nouvelles. Il faut les recenser et puis convaincre les différents interlocuteurs. A commencer par la Direction Générale du Transport Aérien qui a très vite appuyé notre projet de base permanente. Les surfaces d’eau sont gérées par la Région wallonne, mais il faut aussi parvenir à convaincre les responsables communaux en raison des nuisances sonores. Heureusement, les contacts avec Cerfontaine et Froidchapelle, les deux communes qui se partagent les lacs de l’Eau d’Heure, ont été très positifs. »
Bientôt des vols avec passagers
Toute personne qui a une licence de pilote peut se former à l’hydravion mais ça n’a pas vraiment de sens en Belgique pour l’instant car il n’y a pas encore suffisamment de surfaces d’accueil. Pourtant, l’association propose déjà des formations aux pilotes professionnels. Ils peuvent obtenir leur qualification ou louer l’avion. Pour l’instant, Seaplane ne dispose que d’un seul appareil, un Lake LA-4-200 Buccaneer, hydravion à coque monomoteur amphibie. Racheté à un anglais résident à la Côte d’Azur, il a été adapté à ses nouvelles missions pour la formation et le loisir.
« Le but c’est d’abord de mieux faire connaître l’hydravion et de développer cette discipline chez nous. Cela passe par l’accueil et l’initiation du grand public. C’est pourquoi nous allons développer des « vols de découverte », car on ne peut plus parler de baptêmes de l’air ! Nous devons d’abord aménager un espace d’accueil au bord du lac avec un quai d’embarquement pour les passagers. Nous pourrons accueillir à bord soit deux adultes, soit un adulte et deux enfants, question de poids. »
Les premiers vols avec passagers devraient avoir lieu à la fin du printemps. Le début d’une nouvelle aventure…
De la Plate-Taille à Pairi Daiza
C’était un pari un peu fou, comme Eric Domb, le fondateur du parc Pairi Daiza aime les relever. Il lui fallait un hydravion, pour trôner sur le plan d’eau de la « Terre du froid », le huitième monde de son parc. Il a donc jeté son dévolu sur un Beech D18S, un appareil américain qui date de 1952. L’été 2015, au terme d’un périple qui l’a vu déjauger à Vancouver, traverser le Canada, puis faire escale au Groenland, en Islande et en Ecosse, l’hydravion a amerri sur le lac de la Plate-Taille d’où il a été amené par convoi exceptionnel jusqu’à Pairi Daiza. Si les deux premières étapes de ce voyage de 9.500 km ont été assurées par un pilote américain et un pilote canadien, la dernière étape a été menée par un pilote belge, Laurent Gilson. Celui-là même qui co-créa Seaplane...