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Le maître des légumes

  • Dossier

Par Michel Jonet

Né à Rocourt en 1971, sous le signe du bélier – c’est dire s’il a du tempérament – Philippe Fauchet est un Chef relativement fonceur et frondeur, qui affirme son identité wallonne avec panache dans ses réalisations culinaires.

Voilà désormais 18 ans que Sylvia et Philippe Fauchet ont investi un corps de ferme du XVIIIe siècle donnant sur la campagne mosane. Ce dernier nous livre son parcours, l’histoire d’un cuisinier sans histoires mais qui affirme un talent que l’on retrouvera toujours chez les grands de demain. Sa nomination de meilleur « Chef légumes » en 2012 et sa note de 16/20 au Gault et Millau Benelux en témoignent.

Comment vous est venue la vocation de la cuisine ?

philippe fauchet — C’est venu un peu tout seul. Nous étions six enfants à la maison, et tout naturellement, j’ai aidé ma maman à réaliser les repas pour mes frères et sœurs. J’aimais ça, j’avais aussi la passion du foot, je jouais en réserve de première division. J’aurais pu aussi devenir ébéniste, mais j’ai choisi la cuisine par passion. J’ai rencontré ma femme la veille de mon départ au service militaire en tant que cuistot, à Vielsalm. Et si j’ai persévéré et bien progressé dans le métier depuis plus de 20 ans, c’est, je pense, grâce à elle.

Ce n’était pas facile au départ. Ensemble, on est plus fort, elle, en salle et moi, en cuisine. On a la chance de partager les mêmes passions, on fait beaucoup de choses ensemble. J’ai toujours voulu ouvrir un restaurant le plus tôt possible pour avoir mon indépendance. Lors d’une ballade à Saint-Georges, nous avons eu un gros coup de cœur pour une petite fermette nichée dans les campagnes. Nous y sommes allés en quelque sorte « la fleur au fusil » et, par miracle, en quelques semaines, l’affaire s’est réalisée. Ce restaurant, on le voulait. On a raclé les fonds de tiroir et les propriétaires, le notaire et le banquier ont été formidables. Ils nous ont bien aidés pour démarrer l’aventure. Nous avons ouvert du jour au lendemain sans nous poser trop de questions. Notre restaurant était notre projet de vie sur la longue durée. Nous sommes parvenus à toucher une clientèle fidèle, sans aucun plan marketing. Pour un restaurant, c’est par définition la plus belle des clientèles : des convives qui nous font confiance et se laissent guider selon l’arrivage des produits, qui respectent le fait que nos préparations soient toujours en évolution selon les récoltes et les envies. En fait, ce qui m’intéresse dans un plat, c’est l’équilibre des goûts, y mettre de la fraîcheur, de l’acidité, du croquant et aussi respecter le moelleux, voire une « douce amertume ».

Comment décririez-vous la « gourmandise » wallonne ?

ph.f. — Nous mangeons plus de 100 000 fois pendant notre vie. C’est évident que chaque peuple se définit selon ses propres pratiques alimentaires, et le Wallon est reconnu dans le monde pour son ouverture d’esprit, sa curiosité envers la culture de l’autre. Mais je dirais a fortiori que le Wallon est un véritable épicurien, dans le bon sens du terme. Chez nous, au quotidien, les rites de l’hospitalité et de la convivialité ont une réelle importance. Je pense que cela se vérifie particulièrement en Province de Liège. L’invité ou le touriste est intégré assez facilement et très simplement. Les raisons de cet état d’esprit sont sans doute multiples. Proche de la Flandre, des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la France, Liège, tout comme la Wallonie en général, fut souvent une terre de passage. Ce qui a permis de nombreux contacts pour tracer culturellement les cheminements de notre gourmandise.

Quels sont vos produits privilégiés ? ph.f. — Je suis toujours à la recherche de produits d’exception et de producteurs passionnés de notre pays et de notre région : de bons légumes en direct du potager, certains parfois oubliés, comme les Jardins de la Dîme à Écaussinnes. J’apprécie particulièrement les bières artisanales liégeoises comme la Curtius. À la carte du restaurant, on trouve du rizotto végétal et de nombreuses céréales, des asperges.

Quelle est votre philosophie de travail ? ph.f. — La difficulté dans ce métier, c’est de rester simple. Mettre trois produits bien en évidence dans l’assiette, c’est sou- vent plus difficile car on ne peut pas se tromper. Il faut un respect des goûts et il faut aussi jouer sur différents registres : l’amer comme le piquant. Ici, le turbot parle de lui-même, on le respecte dans son essence et sa texture. Ici, point trop d’émulsions, de garnitures fantaisistes. Il faut se méfier de la technique, des décorations d’assiettes qui peuvent prendre facilement le pas sur l’émotion, la vraie nature du produit. Pour parler vrai, je reste persuadé que pour durer dans notre métier, la qualité du produit, un travail engagé journalier et une remise en question permanente restent les clefs de la réussite dans un métier de plus en plus bling-bling où l’on surfe sur des effets de mode et de tendances parfois plus qu’éphémères.

Restaurant Philippe Fauchet

Rue de Warfée, 62

B-4470 Saint-Georges-sur-Meuse

+32 (0)4 259 59 39

philippe.fauchet@skynet.be

www.philippefauchet.be

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