- Patrimoine
Par Joéllie Sprumont
2015 est une grande année. Dans le cadre de Mons Capitale européenne de la Culture, La Louvière accueillera un Centre d’art dédié à la céramique.
Le Centre d’art Keramis combine tous les ingrédients pour devenir un lieu culturel phare et emblématique de la ville de La Louvière. L’ambition ? Valoriser les témoignages de l’ancienne faïencerie Boch, soutenir les plasticiens contemporains en exposant leurs œuvres, mais également transmettre des savoir-faire aux futures générations.
Née dans les années 1990, l’idée a réellement commencé à se concrétiser suite au classement des parties historiques du site de Boch en 2003. La même année, le Musée Royal de Mariemont fait part de son intention de participer à la création de ce nouveau centre. Six ans plus tard, l’ASBL Keramis est créée autour de partenaires privés et publics, tels que la Ville de La Louvière, la Province de Hainaut, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne. Le maître d’ouvrage n’est autre que l’Institut du Patrimoine Wallon.
BOCH, UNE INDUSTRIE PROSPÈRE
C’est en 1841 que Jean- François et Eugène Boch, son fils, trouvent une petite poterie à vendre dans le hameau de Saint-Vaast dans le Hainaut. L’endroit est stratégique : charbon à volonté, le canal Charleroi-Bruxelles et le chemin de fer à proximité. Boch Frères, plus tard appelé Keramis, est mis en activité en 1844. Vaisselle de table, carrelages puis articles sanitaires sont alors fabriqués à La Louvière.
En 1896, l’industrie faïencière employait un peu moins de 1000 personnes contre 250 en 1858. Dans les années 1960, la production aurait atteint près de 9000 tonnes annuelles pour devenir la plus grande industrie de céramique en Belgique.
Après un siècle et demi de prospérité survient le déclin de tout le bassin industriel wallon. Rationalisations, restructurations et aides de l’État et de la Région wallonne se suivent. La situation de la société continue toutefois de se dégrader. Celle-ci est mise en liquidation en 1985. Deux nouvelles sociétés voient le jour cette même année : Novoboch et MRL Boch. La première passe sous le giron hollandais et ferme en 1998 malgré de larges sommes investies. La seconde ne survit pas et fait faillite en 1988, malgré les aides apportées par la Région wallonne. Les stocks sont vendus et les trois fours sont acquis par l’Institut du Patrimoine Wallon en 2003.
Un plan communal d’aménagement pour la réhabilitation du site industriel est mis sur place et prévoit l’ouverture du Centre d’art Keramis en mai 2015. C’est notamment grâce à celui-ci que les céramiques produites par l’industrie Boch sont devenues patrimoines historiques, témoins d’un passé industriel glorieux dans le Borinage.
Sur les cendres de feu Boch
L’ouverture de Keramis est prévue le 9 mai 2015 pour le grand public. Pour le moment, le visiteur peut observer un vaste chantier de construction de ce que sera cet imposant Centre d’art situé entre la place communale et la gare de la cité de la Louve. Dans une dynamique de réhabilitation du site de l’ancienne faïencerie Boch, les 16 ha seront reconvertis en lieux de culture, mais également en centre commercial.
Du site de production des Frères Boch, il ne reste actuellement qu’un bâtiment abritant en son sein trois fours-bouteilles de 8 m de diamètre, derniers du genre en Belgique. Alimentée au charbon par douze foyers, la chaleur pouvait monter jusqu’à 1300 degrés. À l’origine, il y avait douze fours de la sorte, mais ils auraient été démontés à la fin des années 1990. Aujourd’hui, ces trois fours-bouteilles ont été restaurés quasiment à l’identique.
L’architecture épouse les formes de la céramique
Sur l’une des façades de la nouvelle institution, on peut apercevoir un effet de faïençage, un jeu de textures et d’enduits, réalisé par l’artiste Jean Glibert. « L’architecture du centre Keramis évoque dans ses formes le faïençage et le craquelage de la céramique. Il y a des puits de lumière faisant échos aux failles de la terre. Les courbes des bâtiments sont directement inspirées de la céramique. Cela rappelle la malléabilité de la matière », explique Ludovic Recchia, directeur artistique du projet Keramis et conservateur des céramiques européennes au Musée Royal de Mariemont. « La première exposition ‘On Fire : arts et symboliques du feu’ sera d’ailleurs consacrée à la thématique du feu, élément indispensable dans la cuisson de la céramique. »
De ce qui sera prochainement le hall d’accueil et le bookshop, on peut directement apercevoir la salle où se trouvent les fours-bouteilles, utilisée comme « forum et témoin intemporel ». De l’autre côté du bâtiment, on accède à la future salle de scénographie. Les objets présentés seront offerts au regard dans de spacieuses vitrines avec des images explicatives. Toujours au rez-dechaussée se trouvent deux grandes salles de 70 et 400 m2 dans lesquelles les visiteurs retrouveront des créations contemporaines et la collection du ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles après la Seconde Guerre mondiale. « C’est une collection composée de 450 pièces dont une centaine seront montrées en même temps. Cela n’a jamais été dévoilé, c’est une exclusivité. Par exemple, on peut citer des œuvres d’Antonio Lampecco. »
En continuant la visite, on se retrouve à la cafétéria. Ses fenêtres de verre donnent sur la cour intérieure d’où l’on peut apercevoir l’ancien bâtiment autour des fours. C’est dans cette petite cour que sera d’ailleurs exposée une sculpture du céramiste Émile Desmedt dans le cadre de Mons 2015. Pour le moment, ce n’est qu’une structure métallique en forme d’œuf. Mais bientôt, l’œuvre d’art naîtra du feu.
L’ancien rencontre le moderne
Deux grandes salles seront consacrées à des expositions temporaires et à la collection de la faïencerie Boch. Composées de pas moins de 2000 pièces, pour le moment entreposées au Centre Daily-Bul, à quelques rues du site, 150 d’entre elles seront montrées au public. De la vaisselle de table et des pièces artistiques de l’atelier d’art de l’ancienne entreprise constituent notamment cette collection historique unique mettant à l’honneur de grands noms de la céramique comme Charles Catteau ou Raymond Chevalier.
On trouvera également à l’étage une partie administrative avec une salle de cours isolée acoustiquement et un espace pour huit bureaux avec salle de réunion. Une zone « éducation » est prévue avec une partie pour les enfants, dont un espace adapté aux touts petits qui pourront découvrir le travail de la poterie.
De l’autre côté, un atelier destiné à un artiste qui ferait une retraite ou viendrait passer quelques jours au Centre. Un espace de cuisson est prévu avec un four à gaz et un autre, électrique, pour les enfants en stage et les visiteurs. Un appartement de 40 m2 se situera au troisième étage pour les créateurs et conférenciers. « L’idée ici est vraiment de préserver et valoriser les compétences des acteurs actuels de la céramique. Nous avons également gardé des contacts avec d’anciens travailleurs de Boch, comme Luigi Restaino, le dernier modeleur de l’entreprise », explique Ludovic Recchia. Ce dernier confie également que la production au Centre sera plus « expérimentale » avec des œuvres uniques et des ateliers « où l’on combine l’ancien et le nouveau ».
Keramis / Centre de la Céramique
Place des Fours Bouteilles, 1
B-7100 La Louvière
+32 (0)64 27 37 75
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