- Patrimoine
Par Christian Sonon
On ne compte plus les chantiers dans la cité du Doudou. Un peu partout, de vieux bâtiments retrouvent un nouvel emploi. La ville est en pleine métamorphose.
Le Grand Hornu, à Boussu, et le Pass, à Frameries, avaient montré l’exemple en raccrochant au clou l’uniforme de mineur et en optant pour un habit et des pompes qui siéent mieux à une traversée du XXIe siècle. Depuis lors, d’autres sites ont, à leur tour, tourné la page. Des sites qui n’ont pas pour autant fait table rase d’un passé socio-économique qui coulera toujours dans les veines de la région et de ses habitants, mais qui ont compris que l’on pouvait s’appuyer sur le passé pour s’envoler vers le futur.
En 2015, le Centre Keramis, à La Louvière, va redessiner les faïences Boch. Le B.P.S.22, à Charleroi, va transformer un ancien bâtiment de verre et de fer en un espace de création contemporaine, et le Silex’s, le Centre d’interprétation des minières néolithiques de Spiennes (Mons), va envoyer les curieux sous terre pour mieux leur faire comprendre sur quoi ils sont assis.
Mais c’est Mons, et plus particulièrement son centre- ville, qui est en train de connaître le lifting le plus impressionnant. Yves Vasseur, le commissaire général de Mons 2015, le rappelle sans cesse : la métamorphose de la ville est au cœur de la programmation des festivités. Et, par métamorphose, il ne faut pas seulement comprendre que les rues vont s’animer et revêtir des habits de fête. Il s’agit ici d’une complète mutation, d’une reconversion de nombreux lieux socio-historiques de la ville.
Une dizaine de lieux métamorphosés
Si certains volent déjà de leurs nouvelles ailes, d’autres attendent le drapeau à damier de Mons 2015. Dans la foulée des aménagements du site des Abattoirs de Mons et du BAM (Beaux-Arts Mons), la ville s’apprête en effet à inaugurer cinq nouveaux musées interconnectés, dont quatre dans le centre-ville : le Mons Memorial Museum, l’Artothèque, le Musée du Doudou et le Beffroi. Avec les deux nouvelles salles de concert (Arsonic et Alhambra), l’extension du Mundaneum, l’aménagement du Carré des Arts et la rénovation de la Maison Losseau, la ville sera plus belle encore et sera fin prête pour organiser des centaines d’activités artistiques et culturelles. Le destin économique de la région reposera, lui, sur le futur centre de congrès, le MICX (Mons International Congress Xperience), qui accueillera dès le printemps prochain colloques, séminaires, fêtes du personnel et autres réceptions. Dessiné par l’architecte américain Daniel Libeskind – à qui l’on doit le master plan du nouveau site WTC à New York – il fera face à la nouvelle gare, autre bâtiment au design futuriste signé cette fois par Santiago Calatrava. Si des retards importants empêchent celle-ci d’accrocher le wagon de Mons 2015, elle en assurera l’héritage et fera office de passerelle entre la ville historique et la ville nouvelle, avec le Mons Expo, le MICX et le centre commercial Les Grands Prés. « Nous vivons une mutation unique en Europe, explique Yves Vasseur. Ces chantiers contribueront à embellir la ville, à la doter d’infrastructures modernes, cohérentes et durables, et à accueillir les visiteurs dans de bonnes conditions. Au final, tous les Montois seront fiers des transformations dans leur ville. »
« IN/OUT », LA RENCONTRE DE L’ARCHITECTURE ET DE LA PHOTOGRAPHIE
Musée de la Photographie de Charleroi
Depuis 2012, les photographes Maud Faivre, Pierre Liebaert et Zoé Van der Haegen, ainsi que le vidéaste Rino Noviello, sous la coordination de l’architecte Marc Mawet, parcourent les chantiers montois pour rendre compte des mutations urbanistiques, paysagères et architecturales de la ville.
Expo du 23 mai au 6 décembre 2015
MONS MÉMORIAL MUSEUM
Boulevard Dolez
Le Centre d’interprétation et d’Histoire Militaire occupera le site rénové de l’ancienne Machine à Eau qui fut érigée vers 1870 afin d’alimenter la ville en eau potable. Ce nouvel espace muséal de 3000 m2 a pour ambition de traduire toute l’histoire de Mons depuis le Moyen Âge. La Grande Guerre y occupera une place importante. Il sera aussi un lieu d’échanges intergénérationnels au cœur d’un territoire de mémoire.
Inauguration les 4 et 5 avril 2015
MUSÉE DU DOUDOU
Jardin du Mayeur, Grand’Place
Construit en 1625, solidement enraciné dans le Jardin du Mayeur, le bâtiment du Mont-de-piété abritait depuis 1932 le Musée du Cinquantenaire. D’importants travaux de rénovation vont le transformer en centre d’interprétation du folklore montois ou Musée du Doudou. Une belle vitrine pour la Ducasse, inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’UNESCO.
Inauguration les 4 et 5 avril 2015
L’ARTOTHÈQUE
Rue Claude de Bettignies, 3
C’est le cœur du Pôle muséal. Aménagé dans l’ancienne chapelle du couvent des Ursulines, ce musée abritera le patrimoine communal montois. À la fois centre de réserve, de recherche, de restauration et d’étude du patrimoine, il rassemblera en son sein les collections qui ne seront pas exposées de façon permanente dans les autres sites muséaux. Ces collections seront consultables sur support numérique.
Inauguration les 4 et 5 avril 2015
ARSONIC
Rue de Nimy, 138
C’est dans l’enceinte de cette ancienne caserne des pompiers que le rêve du violoncelliste et compositeur Jean-Paul Dessy, directeur artistique de l’ensemble Musiques Nouvelles, est devenu réalité. Ce pôle d’excellence européen réunira sur 2500 m2 une maison de l’écoute et d’émerveillement sonore, un lieu de concerts et d’enregistrement de haute technologie, des ateliers d’émerveillement, une salle de répétition et d’exposition, ainsi que des bureaux.
Inauguration le 3 avril 2015
LE MANÈGE DE SURY
Rue des Droits de l’Homme, 4
Cet ancien manège militaire de 1850 fut occupé jusqu’en 1995 par la Protection civile, avant d’être acquis en 2013 par l’Intercommunale de Développement Economique et d’Aménagement du territoire (IDEA) qui en a fait un hall-relais à l’attention des jeunes entreprises. Dans le cadre de Mons 2015, le site sera temporairement aménagé en lieu d’exposition d’art contemporain (« Atopolis, Ville métissée, ville idéale »), puis retrouvera sa vocation économique.
LE MUNDANEUM
Rue des Passages, 15
Centre d’archives de la Fédération Wallonie-Bruxelles (appelé aussi « Google de papier ») et espace d’exposition temporaire. Conçu dans les années 1930, ce bâtiment Art Déco fut l’un des premiers grands magasins de Belgique. Racheté par la Communauté française, il abrita à partir de 1993 les collections du Mundaneum stockées à Bruxelles et constituées, depuis la fin du XIXe siècle, par ses fondateurs Paul Otlet et Henri La Fontaine. En 1998, l’ensemble est rénové sur base d’une scénographie de François Schuiten et Benoît Peeters.
L’espace exposition réaménagé rouvrira le 11 juin 2015
LA MAISON LOSSEAU
Rue de Nimy, 37
Demeure de style néo-classique du XVIIIe siècle, rachetée par l’avocat montois Léon Losseau, et rénovée dans l’esprit de Victor Horta par l’architecte Paul Saintenoy, cette maison est un joyau de l’Art Nouveau. Fin 2011, la Province de Hainaut s’est lancée dans un ambitieux programme de travaux visant la restauration du n°37, mais également des n°39 et 41, afin de faire de l’ensemble de ces bâtiments le pôle littéraire de Mons. Les lieux rénovés serviront d’ateliers, d’espaces de rencontres et d’expositions, tout en servant d’écrins au centre d’interprétation des collections anciennes de la Maison Losseau et au centre de la littérature hainuyère.
Dès le 23 avril 2015, jour de l’inauguration, le jardin du n°37 se muera en guinguette littéraire
LE CARRÉ DES ARTS
Rue des Sœurs Noires, 4a
L’ancienne caserne Major Sabbe (XIXe siècle) a aujourd’hui pour locataires l’École supérieure des Arts de la Fédération Wallonie-Bruxelles, (Arts au carré - Arts2), la Télévision Mons Borinage (Télé MB) et le pôle administratif du théâtre Le Manège. La cour intérieure vient de subir un lifting important dont l’élément le plus visible est la bâche monumentale qui a été arrimée aux murs et qui servira désormais de toit au Festival au Carré.
L’ALHAMBRA 10 CADABRA !
À deux pas du célèbre petit singe montois, la discothèque Alhambra renaît de ses cendres et entend s’installer durablement dans le paysage de la scène musicale wallonne.
rapidement ses portes en 2012. Définitivement pensait-on, et puis, avec le titre de Capitale européenne de la Culture 2015, le constat est rapidement fait qu’il manque une salle digne de ce nom au cœur de la cité du Doudou. « Aucun lieu n’accueillait de manière permanente des artistes, des groupes, des collectifs issus de la scène pop-rock ou électro. Mons 2015 était une opportunité pour corriger cette anomalie », explique Pascal Goossens, programmateur et gérant de l’Alhambra.
Placer Mons sur la carte
Idéalement placée, avec de nombreux stationnements et commerces aux alentours, l’idée séduit rapidement et les travaux sont engagés en juillet 2013. La salle opère une mue impressionnante par l’intermédiaire de Vincent Glowinski, artiste issu du street-art, qui inonde littéralement l’espace avec une peinture monumentale, partant du sol jusqu’au plafond. Un fumoir est même prévu à l’étage afin d’éviter les nuisances éventuelles devant les portes de l’immeuble et en avril 2014, les premiers évènements inaugurent déjà le nouvel Alhambra. « On a choisi d’exister avant 2015 pour bien montrer que ce n’était pas une initiative temporaire, mais bien un lieu destiné à perdurer dans le paysage culturel montois. » Pascal Goossens, conscient des difficultés et des enjeux d’une telle démarche, se veut néanmoins confiant. « Après nos premiers mois de démarrage, on sent déjà un engouement pour le lieu qui fait la part belle à une scène pop/rock/électro un peu alternative. Le challenge, c’est évidemment de fidéliser différents publics, qui peuvent se retrouver dans notre programmation. On remarque que le bouche-à-oreille fonctionne déjà et permet d’attirer du monde en dehors des soirées où se produisent des têtes d’affiche. »
Car l’ambition est clairement de dépasser la logique des « coups » en attirant telle ou telle vedette, mais bien de gagner une certaine forme de reconnaissance sur la qualité du programme proposé tout au long de l’année avec l’envie que le public puisse venir ici les yeux, ou plutôt les oreilles fermées et qu’il repartira ravi de
sa soirée. « On imprime notre propre patte bien sûr, mais si on avait un exemple à suivre, ce serait celui du Botanique à Bruxelles, qui a réussi à fédérer un public autour de son projet et qui est devenu une vraie référence en la matière. » Ce genre de réputation s’acquiert avant tout avec le temps et l’équipe de l’Alhambra espère pouvoir en disposer suffisamment.
Puggy, Girls in Hawaii, Suarez ou encore Poni Hoax, parmi beaucoup d’autres, ont déjà étrenné la scène de ce nouveau temple de la nuit qui accueille également les groupes locaux. « Je reçois de nombreuses demandes de jeunes groupes qui démarrent ou de plus confirmés qui veulent percer ou faire des premières ou deuxièmes parties de soirée. On a déjà permis à pas mal de formations de monter sur scène et on compte bien continuer dans cette veine ! » Associé au Club PlaSMA (Plateforme des Scènes de Musiques Actuelles), le réseau de salles et d’organisateurs de concerts indépendants de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Alhambra tient particulièrement à offrir un espace d’expression pour les « petits » qui ne disposent pas encore d’un écho médiatique suffisant. De plus, avec une entrée moyenne qui tourne autour des 10 € et des consommations alignées sur les prix des cafés alentour, la proximité avec le public n’est pas uniquement due à l’aspect intime de la salle.
Pour les festivités liées à Mons 2015, la philosophie restera la même, avec une programmation éclectique mais aussi exigeante. Jean-Louis Murrat s’arrêtera d’ailleurs le 1er février à l’Alhambra pour présenter son dernier album Babel. Un petit évènement en soit, puisque l’Auvergnat, qui ne voyage pas beaucoup, n’a prévu que deux dates belges dans sa tournée...
L’Alhambra
Rue du Miroir, 4
B-7000 Mons