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Les Jardins d’OO

  • Business
Namur  / Fernelmont

Par Catherine Moreau

LE ROYAUME DES MANGEURS DE LÉGUMES BIOPOSITIFS

Les Jardins d’OO, projet lancé par Xavier Anciaux voici sept ans à Fernelmont, ont fructifié en une communauté de mangeurs de légumes qui soutiennent la production d’une alimentation locale de qualité, sur un lopin de terre de trois hectares.

 


Xavier Anciaux (à gauche) travaille avec Christophe Henry, un informaticien reconverti dans le maraîchage.

Salades, tomates, pois, haricots et autres courgettes grandissent dans de grandes serres bâchées à deux pas de la route menant au centre du village de Noville-les-Bois. Pas de barrière, juste une enseigne qui annonce : « Ici, nous prenons soin de la vie ».

Bon sang ne saurait mentir. Adolescent, Xavier Anciaux secondait son père qui proposait aux clients de venir cueillir des légumes sur le champ familial, à Loupoigne, dans le Brabant wallon. Il deviendra pourtant délégué commercial après un graduat en relations internationales et en commerce extérieur. Plus tard, soucieux de construire un avenir à son fils handicapé, il fonde l’asbl Plain Pied, bureau d’études qui veut améliorer l’autonomie des personnes à mobilité réduite.

Poursuivant son cheminement, il s’intéresse à l’organisation organique, type de management basé sur les compétences partagées et les interactions, inspiré par la nature où tous les éléments communiquent. Et il s’inscrit aussi à un stage de débardage dans la région de Libramont d’où, séduit, il ramène Billy, un robuste cheval de trait.

Que faire de Billy ? A Noville-les-Bois, son village d’adoption, Xavier Anciaux cherche un terrain où, renouant avec une pratique agricole ancienne, il attelle son robuste laboureur à une herse. « Cette technique qui n’utilise pas d’énergies fossiles limite le tassement du sol. Cela permet une meilleure pénétration de l’air qui augmente la vie bactérienne et animale dans le sol », explique-t-il.

En 2014, la commune de Fernelmont met à sa disposition un terrain inoccupé de trente ares, jouxtant des terrains agricoles au lieu-dit La Tige Cointinne. Renouant avec la tradition familiale, Xavier Anciaux y proposera la cueillette d’une trentaine de légumes. Les Jardins d’OO (comme organisation organique) ont vu le jour. Titillés par la curiosité sans doute, une trentaine d’habitants, voisins, passants… poussent la porte lors d’une première réunion d’information.

Manger en donnant plus de vie

Quatre ans plus tard, les Jardins d’OO sont devenus l’une des facettes de la Coof, pour “coopérative des mangeurs de légumes biopositifs de la Tige Cointinne à Fernelmont ”. Biopositifs ? « Cela veut dire donner plus de vie, détaille le maraîcherLe sol est un être vivant qui nous donne des légumes nécessaires pour nous maintenir en santé et nous donner de la joie de vivre. L’agriculture biopositive veut produire, non seulement sans nuire à notre milieu de vie, mais aussi pour augmenter la biodiversité, donc en régénérant la biosphère en se basant sur l’équilibre et l’interdépendance entre toutes les espèces, nous y compris. Les mangeurs des Jardins d’OO font partie du cycle naturel de la terre. Sans eux le cycle ne pourrait pas se faire. L’auto-cueillette facilite le processus et sensibilise le mangeur ! »

Au sein de la Coof, quelque 186 familles des villages de Fernelmont, mais aussi d’Andenne, de Namur… ont acheté des parts (260 euros la part) pour un total de 65.000 euros. L’association a ainsi pu acquérir une parcelle agricole de quatre-vingt-cinq ares nécessaires à l’élargissement du projet. Elle loue aussi au CPAS de Fernelmont des terres agricoles adjacentes, ce qui permet à l’exploitation de s’étendre désormais sur plus de trois hectares.

A Noville-les-Bois, son village d’adoption, Xavier Anciaux cherche un terrain où, renouant avec une pratique agricole ancienne, il attelle son robuste laboureur à une herse.

 

Développer la biodiversité

Les objectifs de la Coof ? D’abord développer la biodiversité dans les Jardins d’OO. Entourées d’espaces boisés et d’habitations, ces terres sont aujourd’hui cultivées sans produits chimiques et sans utiliser des engins agricoles lourds. Sur les trois hectares, six-cents mètres de haies ont été plantés à la fin du mois de février dernier et, l’an prochain si tout va bien, d’autres projets verront le jour : un verger hautes tiges, une prairie peuplée de moutons, un poulailler, une zone humide (dotée d’un subside communal) … Un autre subside sera consacré à l’aménagement d’un parcours pédagogique. « Nous y expliquerons notre projet, comment nous travaillons le sol, ce qu’est la biodiversité… Des panneaux explicatifs pourraient accompagner chaque légume cultivé, expliquant par exemple que beaucoup d’entre eux sont des immigrés. Tomates, haricots et pommes de terre viennent en effet d’Amérique du Sud, oignons, carottes et choux fleurs, d’Asie. »

Une confiance réciproque

Aujourd’hui, Xavier Anciaux travaille avec Christophe Henry, un informaticien reconverti dans le maraîchage. Celui-ci s’est intéressé à la culture bio intensive – dont l’objectif est de produire un maximum sur une surface réduite – qui autorise l’utilisation de machines agricoles légères.

Un autre objectif, c’est de produire des aliments sains et savoureux. Plusieurs voies conduisent les légumes des jardins d’OO vers les assiettes des mangeurs. Ceux-ci peuvent commander des légumes en ligne et venir chercher leur panier le samedi matin lors du marché artisanal qui accueille aussi d’autres producteurs locaux (de pain, de fromage de chèvre, de savons…). Une dizaine de dames y tiennent même une petite épicerie. Et puis, tous les jours et à toute heure, les mangeurs peuvent venir cueillir eux-mêmes sur le terrain ; les prix – affichés à l’entrée du terrain – sont calculés selon le volume de la récolte et le montant est déposé dans une tirelire. « Il n’y a pas de contrôle, tout se base sur la confiance réciproque, explique Xavier Anciaux. La plupart du temps, il y a davantage que prévu dans la tirelire. L’an dernier, le bilan de la Coof s’est soldé sur un chiffre d’affaires de 300.000 euros qui inclut la production maraîchère et l’achat revente des légumes et fruits bio, l’épicerie de la Coof, ainsi que toutes les ventes des producteurs locaux qui utilisent notre site internet de vente en ligne et sur lesquelles nous ne prenons aucune marge ! »

Cette confiance réciproque s’inscrit dans l’organisation organique, basée sur l’entraide et la coopération, qui sous-tend le projet. Xavier Anciaux le souligne : « Au sein de l’assemblée générale, les décisions ne sont pas prises de manière démocratique, mais bien de manière sociocratique. Nous prenons le temps d’expliquer un projet avant de le valider ou non. Dans ce dernier cas, nous réfléchissons à la façon de l’améliorer en tenant compte des remarques des personnes réticentes jusqu’à ce que nous parvenions à un consensus ». C’est le même processus qui sera mis en œuvre dans l’assemblée générale Kids (enfants et jeunes) en gestation.

Une communauté de “volonterres”

Enfin, la coopérative entend faire communauté”. Les mangeurs ne sont pas seulement des cueilleurs et des donateurs. Beaucoup sont aussi des “volonterres” qui viennent donner un coup de main pour planter, entretenir les plantations, gérer le marché artisanal, construire des nichoirs avec les enfants…

« Même confinés, nous avons fait communauté, ajoute Xavier Anciaux. En mars 2020, à cause du confinement, le marché artisanal ne pouvait plus être organisé. Pour aider les producteurs, nous avons mis sur pied, en cinq jours, un système de livraison à domicile. Des “volonterres” ont créé un site de commande en ligne, d’autres se sont occupés du routage et chaque samedi une vingtaine de chauffeurs ont livré les commandes à cent trente familles. Il était aussi possible de faire un don en achetant des “paniers suspendus”, ce qui a permis de récolter quelque 2.000 euros que le CPAS a remis à des personnes en difficulté sous la forme de bons d’achat. »

D’autres projets se pointent encore, comme la reprise des formations en maraîchage biopositif, en traction chevaline, en sociocratie… Et la construction d’un bâtiment pour accueillir dans de meilleures conditions les stagiaires et le marché du samedi. « Mais aussi, ajoutent les deux maraîchers, pour se rencontrer et faire la fête ! »

Les mangeurs ne sont pas seulement des cueilleurs et des donateurs. Beaucoup sont aussi des “volonterres” qui viennent donner un coup de main pour planter, entretenir les plantations, gérer le marché artisanal, construire des nichoirs avec les enfants...


www.coof.be

 

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