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Par Florence Thibaut
DES MASQUES TUEURS DE VIRUS
Spécialiste de la filtration de l’air basé à Fleurus, Deltrian International est venu à la rescousse de la Région wallonne pour produire des masques en quantité industrielle au début de la pandémie. La société a profité de cet élan pour diversifier ses activités.
© Deltrian International
Timothée De Greift
L’aventure de Deltrian débute à l’été 1967 dans la région de Charleroi. Fondée par Klaus Alexius, un industriel allemand, la PME se spécialise d’emblée dans la filtration-ventilation pour l’industrie. En 1996, son histoire prend un nouveau tour avec l’arrivée de la seconde génération dans l’entreprise. Elle se diversifie, lance sa propre gamme de filtres et s’internationalise. Au tournant des années 2000, l’entreprise familiale crée ainsi différentes implantations en France, en Slovaquie, en Italie, en Allemagne ou encore en Chine et au Maroc. Ces derniers mois, la crise sanitaire lui a permis d’utiliser ses technologies de pointe pour produire des masques filtrants et lancer de nouveaux produits, comme la gamme de colonnes de filtration Deltripur. Rencontre avec son jeune CEO, Timothée De Greift.
© Deltrian International
Vous êtes entré en fonction en janvier de cette année. Comment se sont passés vos premiers mois ?
J’ai eu l’occasion de rencontrer les équipes et de me rendre quelques fois à l’étranger, notamment en France, en Allemagne et en Espagne. Deltrian International est une PME qui connaît une croissance fulgurante. Je suis aujourd’hui au cœur de l’action et j’apprends énormément. Nous livrons de l’air propre au monde. C’est une magnifique raison d’être.
Qu’est ce qui vous a donné envie de rejoindre l’entreprise ?
J’ai passé presque toute ma carrière dans des grands groupes industriels, notamment dans l’automobile et la logistique. Alors que je faisais un MBA (une maîtrise en administration des affaires, ndlr) à Louvain-la-Neuve, Jürgen Alexius, le propriétaire, m’a proposé de rejoindre l’entreprise, à l’époque purement active dans la filtration. Ayant accumulé beaucoup d’expérience dans des structures internationales, j’avais envie d’autre chose. C’était l’occasion de contribuer à la vie d’une entreprise belge et d’acquérir une expérience métier passionnante.
Le Covid-19 a bouleversé vos activités. Vous avez notamment remporté l’appel d’offres de la Région wallonne fin mars 2020 pour produire des masques…
Le point de départ a été l’envie de l’ancien CEO de contribuer à l’effort de guerre. Il a fallu aller très vite et s’adapter, même si les matériaux de base étaient largement les mêmes. Nous avons trouvé des fournisseurs de polypropylène soufflé qui est la base de tous les filtres, nous sommes allés chercher deux machines en Allemagne et avons repensé nos process… La production a débuté en juin. Nous avons déménagé notre stock à Chatelet afin de créer de l’espace sur notre site de Fleurus. Au total, notre production a été répartie en trois endroits, ce qui a bien sûr eu des conséquences en termes de gestion d’équipe. En vitesse de croisière, nous produisions un million de masques par semaine.
Que vous a apporté ce nouveau business ?
Cette épopée transpire encore dans l’organisation. Elle nous a donné un formidable élan et a beaucoup stimulé la recherche. Nous avons mis en place pour la première fois une équipe R&D spécifique. La fabrication des masques a aussi beaucoup développé notre notoriété et nous a poussés à nous digitaliser et à créer notre webshop. Nos activités de filtration se sont poursuivies en parallèle. Elles ont même continué à croître.
Quel a été l’impact sur les équipes ?
Nous avons tous développé de nouvelles compétences. Nous avons recruté près de trente intérimaires, dont de nombreux opérateurs de production pour faire tourner les machines. Deux scientifiques ont également rejoint notre département R&D. En matière de cohésion, d’engagement et de défis communs, l’impact a été très positif pour chacun.
« En vitesse de croisière, nous produisions un million de masques par semaine. »
Vous reste-t-il beaucoup de masques à produire ?
C’est une activité, plutôt locale, qui diminue un peu. Nous avons répondu à d’autres appels d’offres pour des quantités plus réduites, mais nous devons nous battre face à des concurrents étrangers, moins chers. Si nous nous sommes lancés dans cette nouvelle production aux côtés du gouvernement, il n’y a plus vraiment de critères de soutien aux entreprises locales dans les commandes publiques, ce qui est vraiment dommage. Notre dernière grosse commande en cours est celle du gouvernement néerlandais qui a réparti ses besoins entre plusieurs fournisseurs.
Quels sont les types de masque que vous confectionnez ?
DeltriGex est notre masque citoyen réutilisable. Il peut être utilisé durant huit heures et est lavable vingt-cinq fois. Nous fabriquons également deux types de masques chirurgicaux, de type II et de type IIR. Plus récemment, nous avons collaboré avec la spin-off luxembourgeoise Molecular Plasma Group afin de créer des masques virucides qui désactivent le virus du Covid-19 à 99,9 %. Une molécule d’acide citrique s’accroche au masque pour attaquer le virus. L’acide citrique, qui est inoffensif pour l’être humain, ne le tue pas, mais le désactive, ce qui est une révolution. Nous avons lancé la production à la mi-mars. Nous espérons que cela devienne un standard dans les masques à destination du monde médical.
En chiffres
© Deltrian International
14 filiales dans le monde
450 travailleurs à Fleurus
50 collaborateurs dans le monde
Quels pourraient être les développements futurs ?
Nous avons testé ces nouveaux masques sur différents virus. Leur utilisation pourrait aider à lutter contre les contaminations croisées des maladies nosocomiales (contractées au cours d’un séjour dans un établissement de santé, ndlr). On pourrait également imaginer une application à des blouses, des gants… Ces innovations vont bien au-delà du Covid-19. En dehors des masques, nous avons créé d’autres nouveaux produits : gels désinfectants, lingettes pour lunettes qui suppriment instantanément la buée et sont efficaces un an, colonnes de filtration “plug and play” Deltripur… Faciles à installer dans des lieux publics, écoles, salles de théâtre ou de cinéma, ces dernières filtrent l’air d’une pièce et le purifient jusqu’à cinq fois par heure. La première vente s’est faite mi-avril.
Quelles seront vos priorités ces prochains mois ?
Dans son métier historique, Deltrian représente 5 % de parts de marché en Europe. Une de mes missions sera d’augmenter ce pourcentage et d’accompagner la croissance, tout en créant plus de liens entre nos filiales. Nous avons connu une vraie accélération cette année, il faut la gérer. Notre prochaine zone de croissance hors du continent sera sans doute l’Afrique du Nord. Le Maroc, où nous sommes implantés, développe beaucoup son industrie automobile et son secteur pharmaceutique. Nous serons les premiers à avoir une unité de production là-bas. Il y a un monde d’opportunités qui nous attend…
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« Faciles à installer dans des lieux publics, écoles, salles de théâtre ou de cinéma, les colonnes “plug and play” filtrent l’air d’une pièce et le purifient jusqu’à cinq fois par heure. »