- Dossier
Par Marc Vanel
Face aux défis en matière d’énergie, de pollution et de mobilité, les véhicules électriques semblent une évidence pour notre avenir. Une nouvelle conception de la ville à l’horizon 2030 ?
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Michaël De Koster, responsable Innovation e-Mobility de Engie Benelux |
Entre ces deux options, il y a bien sûr les voitures hybrides, électriques en ville et thermiques en dehors de celle-ci. Certaines se rechargent automatiquement lorsque le véhicule se déplace en agglomération – ce sont les mouvements d’accélération-décélération qui produisent de l’électricité, d’autres doivent être rechargées au bureau ou à la maison. De manière générale, il s’agit d’une solution de transition, mais c’est une excellente manière de s’initier à une autre mobilité et de rentrer dans la technologie.
Dieselgate
Tous les constructeurs automobiles se mettent à l’électrique : on annonce 50 nouveaux modèles dans les cinq ans, et, ce, pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, bien sûr, le poids de la législation qui impose des normes de plus en plus restrictives d’émissions de CO2, mais peut-être à cause du « dieselgate » qui a montré les limites du modèle de moteur à combustion. L’affaire Volkswagen ou dieselgate a éclaté en 2015. C’est, rappelons-le, un scandale industriel et sanitaire lié à l’utilisation par ce groupe automobile de différentes techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes (de NOx et de CO₂) de certains de ses moteurs diesel et essence lors des tests d’homologation. « Selon le groupe, peut-on lire sur Wikipédia, plus de 11 millions de véhicules de ses marques Volkswagen, Audi, Seat, Škoda et Porsche sont concernés à travers le monde. L’affaire, sans équivalent dans l’histoire automobile, a été révélée en septembre 2015 par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) et a entraîné la démission du président du directoire du groupe, Martin Winterkorn. Plusieurs pays enquêtent actuellement afin d’établir précisément les faits. »
« De plus en plus de villes, confirme Michael Dekoster, vont progressivement interdire leur accès aux véhicules diesel les plus polluants d’ici 2030 à 35. En Allemagne aussi, les normes sont de plus en plus contraignantes. L’hybride rechargeable est une technologie de transition et elle doit être adaptée aux besoins de son usager, elle est parfaite pour des petits trajets en ville mais sur route, on ne recharge plus et le véhicule redevient aussi polluant qu’un autre. La législation va évoluer et ce type de modèle sera bientôt beaucoup moins encouragé. Il est préférable de passer plus rapidement à un véhicule 100% électrique. D’ici 2025, il représentera près de 50% des nouveaux véhicules, puis la progression suivra son cours. Je pense que nous aurons près d’un million de véhicules électriques en 2030, puis cela s’accélérera. »
Partage
Le développement de la mobilité électrique va permettre le développement d’une autre mobilité urbaine, basée sur le partage. On prend un véhicule pour quelques minutes, quelques heures, n’importe où et à n’importe quelle heure, avec un badge ou un smartphone. L’expérience Cambio ou Zen Cars en est la parfaite illustration, d’autres vont dans le même sens.
La grande nouveauté des dix ou vingt prochaines années sera l’apparition des véhicules autonomes, sans chauffeur. Vous appelez une centrale via une application Smartphone, une voiture vient vous chercher et vous conduire à l’adresse souhaitée. Et pendant ce temps-là, comme dans un taxi avec chauffeur, vous lisez votre courrier ou soufflez un peu. Un des modèles commercialisés par Tesla permet déjà ce type de conduite mais uniquement sur autoroute. Vous lâchez le volant et la voiture conduit à votre place. Science-fiction ? Pas sûr ! à Paris, à La Défense, des minibus électriques déplacent déjà leurs clients sans chauffeur. Aux Etats-Unis, une expérience grandeur nature est menée dans une ville-fantôme. Google développe depuis 2010, via sa filiale Alphabet, la « Google Car », un véhicule électrique sans volant ni pédales d’accélérateur ou de freinage. Le pilotage automatique est assisté par des radars à 360° ainsi que des caméras vidéo et des GPS. Le projet a été modifié en 2016 pour devenir le projet Waymo 1. Sur sept voitures test qui ont parcouru plus de 3,2 millions de kilomètres, Google admet avoir eu 17 accidents mineurs en six ans d’activité.
Ces voitures dirigées par un logiciel permettent à ses passagers de voyager sans fatigue et en toute sécurité, la circulation étant par ailleurs fluidifiée, puisque gérée informatiquement. La Google Car a actuellement une autonomie de 130 km mais ne dépasse pas les 40 km/h. Un véhicule de ville donc.
Que nous réserve l’avenir ?
De nouveaux modèles électriques ont été présentés au 45e Salon de l’automobile de Tokyo, les surprises sont de taille.
- Poids lourd : le groupe Daimler a présenté en première mondiale un camion électrique de 23 tonnes avec une batterie d’une autonomie de 350 km.
- Voiture parlante : Honda a doté son coupé au look retro, Sports EV Concept, d’une calandre communicante diffusant des messages aux piétons et aux autres véhicules.
- Crossover : 320 kW de puissance et 600 km d’autonomie, le crossover (entre le SUV et la Berline) de Nissan frappe fort.
- Frigo : outre la version sportive de la nouvelle Leaf, Nissan a présenté une camionnette frigorifique dont le groupe froid est alimenté indépendamment par une batterie de 12 kWh.
- Autonomie : Lexus a présenté son dispositif de voiture autonome « Teammate » qui devrait être disponible à partir de 2020. Même perspective pour Toyota et son concept-i-Ride qui se positionne notamment comme une solution pour les systèmes d’autopartage. Enfin, toujours chez Toyota, l’i-Walk est un petit transporteur personnel capable de s’adapter automatiquement à la taille de l’utilisateur. Spécialement conçu pour les zones piétonnes, il offre 10 à 20 km d’autonomie.
Décidément, l’avenir nous réserve quelques surprises.
D’après Avere-France
Alimentation
Si les prévisions se confirment et que le nombre de voitures électriques explose, est-on en mesure de répondre à la demande. Chez le premier producteur d’énergie verte du pays, on ne s’inquiète pas et les chiffres surprennent même. « Alimenter un million de véhicules représente à peine 2% de la consommation générale d’électricité en Belgique, explique Michaël De Koster. Et alimenter 100% de véhicules électriques ne représenterait toujours que 12% de la consommation. En réalité, si l’on réfléchit bien, la majorité des voitures roule moins de 10% d’une journée et moins de deux heures. Le reste du temps, le véhicule est garé et peut donc être connecté au réseau pendant 70% de son temps. Avec nos partenaires wallons Powerdale et Laborelec, nous avons mis au point un système de bornes de recharge intelligentes et de gestion de l’énergie qui peut éventuellement être relié à des panneaux photovoltaïques. En 2016, nous avons également racheté la société EV-Box, une société néerlandaise qui est leader mondial en la matière et qui a déjà installé près de 50 000 bornes dans le monde. » EV-Box, peut-on lire sur le site du constructeur, « se place aussi parmi les leaders en termes de Smart Charging (contrôle intelligent de la puissance de charge). Ces qualités, couplées à une fiabilité inégalée, font d’EV-Box le partenaire idéal pour la mise en place de solutions de recharge, qu’il s’agisse de points de charge accélérée pour un usage public ou de bornes domestiques plus petites. Chaque gamme est communicante et s’appuie sur un système de supervision qui répond aux préoccupations des utilisateurs comme des exploitants. Ceci confère à l’entreprise une position de force en Europe, on constate par ailleurs un intérêt grandissant pour ses produits aux Etats-Unis et en Asie. »
Limiter la connexion
De nombreux exemples de conversion existent chez nous. À La Hulpe, par exemple, la société de réseaux interbancaires SWIFT a décidé de convertir sa flotte de voitures de fonction à l’électricité en acquérant une centaine de véhicules reliés par deux ou trois à une quarantaine de bornes gérées par un logiciel « Smatch» mis au point par Engie. À son arrivée, l’utilisateur programme son heure de départ ainsi que l’estimation des distances à parcourir ce jour-là. Et la recharge se fera en temps et en heure.
Le même système, avec un appareillage plus modeste peut être installé chez les particuliers avec une prise classique, et géré de la même manière. De façon à ne pas surcharger le réseau général. « Swift doit remplacer la moitié de son parc automobile (975 voitures de société) en 2017-18, analyse Caroline Ceustermans, Fleet Manager chez Swift. Je m’attends à une véritable ruée sur les voitures électriques et hybrides. J’espère une centaine de véhicules en plus. Car nous devons résolument nous engager sur cette voie pour sauver notre planète. »
Les Pays-Bas, un pays qui se veut ambitieux dans le déploiement de la mobilité électrique Rotterdam représente l’une des villes leaders de la mobilité électrique. Avec l’amélioration de la qualité de l’air dans les zones urbaines pour objectif, les villes de Rotterdam, la Haye et Gouda ont misé sur l’expansion des infrastructures de recharge pour encourager l’usage des véhicules électriques. En 2016, la ville de Rotterdam et 16 villes voisines ont ainsi déployé près de 4 000 points de recharge supplémentaires en partenariat avec EV-Box et Engie. Dans le même élan, Amsterdam entend atteindre 4 000 points de charge d’ici 2018, doublant ainsi le nombre d’infrastructures actuel. Comptant un total de 12 000 points de charge sur son territoire en 2015, les Pays-Bas soutiennent fortement la mobilité électrique. L’objectif des pouvoirs publics néerlandais est d’atteindre le million de véhicules électriques en circulation en 2025. Source : Avere-France, association nationale pour le développement de la mobilité électrique |
À la maison ou en déplacement
D’autres perspectives se dessinent. Car la batterie de votre voiture, lorsqu’elle est rechargée, peut stocker 30 à 60 kilowattheures (qui est, rappelons, l’unité de mesure de l’énergie). Lorsqu’elle arrive à son point de recharge, elle est rarement déchargée, au plus 50%. « Dans le futur, poursuit l’expert d’Engie, le véhicule électrique peut donc devenir une source d’énergie flexible que l’on peut intégrer dans le bâtiment. C’est donc aussi un moyen de stockage mobile qui peut faire baisser le coût du système. Il faut réfléchir à une intégration douce où le véhicule n’est plus considéré comme une contrainte abominable, mais comme source de flexibilité. »
Enfin, pas besoin de construire de nouvelles centrales classiques pour produire toute l’électricité nécessaire, la mobilité électrique est garantie 100% « verte » et belge avec, par exemple, les contrats Drive et Drive Pro d’Engie (Ores en Wallonie). Son électricité est fournie par l’éolien (notamment le long de la E40 à Orp), le photovoltaïque, la biomasse (une centrale de 80 MgW aux Awirs) ou l’hydraulique. Chaque producteur d’énergie doit d’ailleurs fournir des garanties pour chaque mégawattheure vert produit.
Les communes s’y mettent aussi Lentement mais sûrement, les communes se mettent à la voiture électrique. Mais les débuts ont été difficiles. En 2010, sous l’impulsion du ministre de l’environnement, cinquante communes wallonnes s’étaient équipées de voitures électriques pour leurs services. Mais ces premiers véhicules étaient peu fiables et ne disposaient pas du suivi technique adapté. Résultat ? La plupart de ces véhicules ont été rapidement hors service. Un fiasco qui a coûté 2 millions € et une mauvaise expérience qui a freiné l’enthousiasme des candidats à cette transition écologique. Aujourd’hui, les voitures électriques font un retour en douceur dans le parc automobile communal à la faveur de partenariats comme ceux que la société Ores a conclu avec 27 villes et communes. Thuin, Frameries ou Waterloo sont déjà équipées de bornes de recharge. Une commune comme Aiseau-Presles possède des voitures électriques dont une avec 7 places. Près de 40 % de sa flotte est électrique. On assiste donc à une évolution positive : le gouvernement wallon vient de décider que 50% des nouveaux véhicules des institutions publiques wallonnes seront hybrides-électriques. Et l’objectif est d’atteindre 100% en 2030. |
Alternatives
Cette mobilité électrique peut connaître d’autres usages. Un véhicule connecté permet de gérer les accès dans des zones avec contraintes de circulation, de diriger le conducteur vers une place libre dans un parking ou, pourquoi pas, planifier la mobilité urbaine. Sans compter qu’en ville, d’autres véhicules se déplacent de plus en plus à l’électricité. Les bus TEC commencent à s’équiper en modèles hybrides, de manière à limiter les émissions de CO2 en ville et rouler « normalement » hors de la ville. Onze bus hybrides « zéro émission » des TEC ont été inaugurés à Namur en janvier dernier. Ils vont permettre de réduire jusqu’à 70% la consommation de diesel et des émissions de gaz à effet de serre. Une commande de 298 véhicules hybrides supplémentaires est à délivrer en 2017, 18 et 19. Nonante bus pour les TEC Charleroi et Namur-Luxembourg, puis un deuxième lot de 208 bus pour les TEC Hainaut et Liège-Verviers.
Longues distances
Enfin, même si le prix de l’essence ou du diesel diminue, le « plein » d’une voiture électrique est moins élevé que pour un véhicule thermique. On compte environ 4 à 5€ les 100 km, contre 8 à 10 € pour une consommation moyenne de 6 l. Et le véhicule se recharge tout seul à la borne ou dans votre garage. Aux Pays-Bas, vous pouvez remplir une demande sur le site Internet de votre ville, pour demander à ce qu’une borne de recharge publique soit installée près de chez vous ou sur le trajet vers votre travail.
Au niveau européen se met en place le réseau IONITY, un réseau de rechargement haute puissance fondé, notamment, par le groupe BMW, Daimler AG, Ford Motor Company et le groupe Volkswagen (Audi et Porsche compris) à parts égales. Les autres constructeurs automobiles sont invités à apporter leur contribution pour étendre le réseau. Près de 400 stations de rechargement rapide seront installées sur certaines grands axes de circulation européens d’ici 2020, leur construction a déjà commencé. Ces stations se situeront tous les 120 km sur les principaux axes en Allemagne, en Norvège et en Autriche grâce à un partenariat avec Tank & Rast, Circle K et OMV. Le réseau sera étendu à plus de 100 stations dans le courant de l’année 2018. Des véhicules de marques différentes pourront être rechargés à la même borne. Espérons qu’il n’y ait pas trop de files…
Ze-Mo
Implantée à Andenne, par exemple, la société ZE-MO a « pour objet la mise en place d’un réseau de bornes de rechargement de véhicules électriques actif principalement en Wallonie, à Bruxelles et compatible avec le réseau de bornes en Flandres, aux Pays-Bas, en Allemagne et au Luxembourg et le développement de l’électro-mobilité en Wallonie » L’originalité de Ze-Mo est d’offrir plusieurs solutions pour le rechargement de véhicules électriques de plusieurs types : voitures électriques, voitures plug-in, vélos et scooters électriques à travers une gamme de 4 bornes. En novembre 2016, Ze-Mo a inauguré la première borne de rechargement de type ABB Supercharger placée en Wallonie sur le domaine public. Son site web propose une carte de toutes les bornes de rechargement disponibles en Wallonie.
Centre de montage Tesla |
Le prototype de voiture autonome préparé par Lexus (Toyota) |