- Portrait
Par Laurence Cordonnier
Avec ses 150 sélections pour le Standard de Liège et sa passion pour la tarte au riz, Paul-José Mpoku, dit « Polo », est probablement le plus belge des joueurs de l’équipe nationale congolaise. Et le plus grand ambassadeur de Verviers, sa ville natale.
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Verviétois un jour, Verviétois toujours. Celle que Victor Hugo qualifiait de « ville insignifiante » est le bastion du joueur. C’est en effet dans la cité lainière, aujourd’hui capitale wallonne de l’eau, qu’il est né et a tapé ses premières balles. Avec des plus grands. C’est d’ailleurs probablement cela qui lui a permis de transiter par quelques clubs de prestige. De retour au pays, le médian du Standard nous reçoit chez lui, en toute simplicité et en toute gentillesse, pour un entretien sans tabou. Pour parler de sa ville, de ses coups de cœur, de son épouse, de sa foi…
Le Pays des tartes
S’il devait prévoir une activité hors de ses pénates, après avoir réfléchi quelques longues secondes, il concède aux liégeois que la Foire d’octobre aux saveurs de lacquemants et de croustillons possède bien quelques atouts ! Cependant, en matière de gastronomie locale, rien ne vaut, selon lui, une bonne tarte au riz. « Un Verviétois reconnaît une bonne tarte au riz rien qu’en la regardant. » Paul-José Mpoku évoque alors avec affection le commerce de celui qu’on appelle dans le quartier « Tonton Hugo ». « Pour moi, la meilleure tarte au riz est celle du Pays des tartes ». Justement, comment reconnaît-on une bonne tarte au riz ? « Si la texture est coulante, c’est parfait, c’est signe de maturité. Si le riz est fermé, dur, emprisonné dans une texture pas assez liquide, ça ne sera pas bon. L’important, c’est de savoir où aller la chercher. » Et pour un sportif de haut niveau, la passion pour la tarte au riz, ça se gère comment ? « Souvent mes parents vont en chercher quand ils savent que vais passer. Ce n’est pas idéal pour un sportif, mais une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal ! ». A ce moment, son visage s’éclaire. N’y a-t-il pas une part de tarte au riz qui traîne dans son frigo ?
La Boucherie Ceylan
Etablissement familial, cette boucherie comble les envies carnivores du « tout Verviers ». « Souvent, on y croise des connaissances que l’on n’a pas vues depuis un moment. On y est par ailleurs toujours bien servi, avec beaucoup d’amabilité. » Mais la famille Ceylan ne mature pas que de bonnes viandes. Les bouchers sont les parents de Mucahid Ceylan, également footballeur professionnel, ainsi que les oncle et tante d’Enes Saglik, qui évolue en D1, à Charleroi. Mucahid, Enes et Paul-José tapaient le cuir durant l’enfance et nourrissent depuis lors une grande amitié.
L’Atlas
Terrasse ensoleillée, four à pizza traditionnel au bois, le restaurant a été repris depuis peu par des amis de Paul-José. « J’apprécie la diversité de la carte : pizzas, grillades, mais aussi cuisine afghane ».
L’Hôtel de Verviers
Doté d’une centaine de chambre, l’hôtel vit l’effervescence lors des Grands Prix de F1 à Francorchamps. Il est également pris d’assaut lorsque des événements d’envergure se déroulent du côté de Spa ou de Theux. « Pour une si petite ville, c’est surprenant et positif de disposer d’un tel établissement. On y trouve aussi une très bonne brasserie avec des moules et des boulettes-frites qui valent le détour. »
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Le quartier Prés-Javais
« C’est le quartier où j’ai grandi, où j’ai commencé à jouer au foot dans la rue. J’étais l’un des plus petits et je jouais avec les grands. Aujourd’hui, ils vont rénover le terrain sur lequel j’ai commencé le football. J’ai d’ailleurs appuyé la demande de rénovation auprès de la commune et je soutiens financièrement le projet. Cela me semble normal, ce quartier compte toujours beaucoup pour moi. J’y ai appris certaines règles de vie : ne jamais lâcher, le vivre ensemble. C’est un quartier multiculturel : Africains, Belges, Albanais, chrétiens, musulmans… Parfois, ça donne lieu à des débats mais, au fond de nous-mêmes, nous ne sommes pas différents. Enfants, nous donnions à notre équipe le nom du quartier: Prés-Javais contre Linaigrette, Abattoir contre Hodimont… Et même si le terrain n’est pas encore refait, tout le monde vient jouer chez nous, ça a d’ailleurs toujours été comme ça. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Quand le terrain sera rénové, ça sera encore plus fort ! »
Saint-Remacle
C’est à l’Eglise Saint-Remacle de Verviers que Paul-José Mpoku a découvert la religion. Jusqu’à l’adolescence, il fréquentait la paroisse avec ses parents. Il a aussi chanté dans la chorale. Ouverte au public pour les grandes manifestations religieuses, l’église date du XIXe siècle et reflète la prospérité de l’époque, liée au travail de la laine.
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L’engagement caritatif Verviers-Bruxelles
Depuis quelques années, précisément depuis une plaisanterie dans les vestiaires du Standard entre Geoffrey Bia et Polo Mpoku qui se chambraient à propos des talents de leurs cités natales respectives, une tradition s’est installée. Chaque été, Verviers et Bruxelles s’affrontent balle au pied, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Au fil des années, le concept prend de l’ampleur. La dernière édition a réuni plus de 3 000 personnes au stade de Bielmont à Verviers. Sur le terrain, on retrouve notamment Dolly Menga, Luis Pedro Cavanda, Clinton Mata, Mehdi Carcela et, évidemment, Polo Mpoku pour le « team Verviers ». Geoffrey Bia, Anthony Vandenborre ou encore Michy Batshuayi représentent les couleurs de la capitale. Ce ne sont pas moins de soixante footballeurs pro au grand cœur qui s’amusent ensemble pour la bonne cause. Les bénéfices de ces matches de gala sont versés à des associations de soutien à la jeunesse bruxelloise, à des orphelinats en Afrique ou encore à la Fondation Junior Malanda, créée en hommage au capitaine de la sélection espoir belge décédé accidentellement en 2015.
L’entrepreneuriat
« A Verviers, je vois de plus en plus de commerces fleurir. Les gens osent se lancer, ils ont des projets. Même si ce n’est pas toujours facile, ils essaient. Tout le monde n’est pas appelé à être médecin ou footballeur, chacun fait son chemin de son côté, chacun sa voie. J’aime soutenir l’élan des entrepreneurs. Et quand je vois quelqu’un qui réussit dans un autre domaine, cela me fait plaisir. Pour parvenir au succès, il faut oser et essayer à plusieurs reprises. Personne n’a jamais réussi sans subir quelques revers. L’échec est sur le chemin de la réussite. »
Le terrorisme
« Je connais certaines personnes qui sont parties, des gens du quartier. Quand on discute un peu, on se rend compte que le travail manque et que les promesses d’argent et de femme influencent certains. La ville essaye maintenant d’aider tous ces jeunes. On devrait encore faire plus, aider toutes ces communautés étrangères à mieux vivre en Europe, en Belgique, à s’intégrer. Au départ, Verviers, c’est une petite ville bien sympa. C’est dommage qu’elle soit connue pour ça. »
Melissa, son épouse
Sur son compte Instagram, entre exploits sportifs et copains du foot, on reconnaît la femme de sa vie, Melissa. C’est d’ailleurs sur le cliché de leur couple souriant que s’ouvre le compte du joueur, reflet de ses priorités. Celle qui était avant tout sa meilleure amie est devenue son épouse il y a 5 ans. A l’époque, il avait 20 ans et elle 18. « J’ai toujours fait passer ma foi, ma famille et ma femme en premier. Aujourd’hui, ma femme, c’est ma première famille. Si je peux donner un conseil, je dirais qu’il faut faire de sa femme « son meilleur ami ». Elle a une importance énorme pour moi au quotidien, quand je suis sur le terrain ou dans la vie. Elle est là, elle me soutient. Elle me laisse faire mes choix même si elle donne son avis. Ca va faire six ans que nous sommes mariés. Et heureux. »
Sa foi
« Ma foi est avant tout une démarche personnelle que j’ai commencé à vivre pleinement lorsque j’ai rencontré Dieu, vers l’âge de 15 ans. Le fait d’avoir été baigné dans la religion m’a aidé à Le reconnaître. D’autres personnes peuvent rencontrer Dieu sans nécessairement avoir fréquenté l’église durant l’enfance. »
Bio Express
1992 : Naissance à Verviers
2004 : Début de sa formation au Standard de Liège
2008 : Il rejoint le centre de formation de Tottenham, au nord de Londres
2011 : Il signe un contrat de 4 ans au Standard de Liège
2015 : Il s’engage avec un club qatari qui le prête en Italie, au Cagliari Calcio, puis au Chievo Verona. Il est ensuite transféré en Grèce, dans le mythique club de Panathinaïkos
2017 : Retour de « Polo » en Belgique, à Sclessin.
Une ville en plein renouveau
Verviers est aujourd’hui la capitale wallonne de l’eau. Autrefois, le travail de la laine constituait l’activité économique majeure de la ville. C’est d’ailleurs le père de John Cockerill, William, qui a initié la prospérité en important son savoir-faire en matière de mécanisation dans le travail du textile, vers la fin du XVIIIe siècle.
Après avoir connu des années de vache maigre et de stagnation économique, Verviers aspire à présent au renouveau. Les initiatives se conjuguent pour entraîner la ville dans une spirale positive : efforts de la commune pour rénover ses infrastructures et mobilisation des habitants. Au printemps dernier, le réalisateur amateur verviétois Mourad Touati présentait son reportage « Verviers vers le renouveau », mettant en lumière les initiatives citoyennes novatrices : projet de monnaie locale, rencontres d’artistes et d’artisans, initiatives culturelles, start-ups… On retrouve même à Verviers un hub créatif, un écosystème d’acteurs du monde économique, de la recherche et de la culture qui abordent, sous un nouvel angle, les enjeux socio-économiques de la région verviétoise : la revitalisation urbaine et le développement d’une économie créative.