Waw magazine

Waw magazine

Menu
© Stéphanie Carlier

Sur la route
avec Charline Van Snick

  • Culture
  • / Talents
Liège  / Liège

Par Christian Sonon

Depuis l’été 2012, le nom de Charline Van Snick est définitivement pendu à une médaille olympique. À 22 ans, la route de la judokate, qui vient d’emménager près du centre de Liège, est pourtant encore longue. Au propre comme au figuré…

Le 28 juillet 2012 restera à jamais marqué dans la mémoire de la famille Van Snick. Ce samedi-là, en début d’après-midi, sur les tatamis de l’Excel Exhibition Centre de Londres, Charline est en repêchage dans la catégorie des moins de 48 kg contre l’Argentine Paula Pareto. Après deux victoires suivies d’une défaite, la Liégeoise n’a plus droit à l’erreur. Elle jette ses dernières forces dans la bataille, bénéficie d’un Yuko en fin de combat et, après un temps qui lui a semblé interminable, elle voit l’arbitre de sa petite finale lever le bras dans sa direction. C’est l’explosion de joie dans le camp belge avec lequel elle fêtera cette médaille de bronze à la Belgium House. Ses parents, Marc et Anne, sont émus et fiers de leur fille qu’ils ont poussée sur les tatamis de Blegny dès l’âge de six ans. Dame ! Dans la famille Van Snick, le judo et le jiu-jitsu sont une école de vie. On y apprend à se battre, à souffrir et à triompher !

La liesse continuera quelque temps. Le 14 août, au Hall omnisports de Saive, le village familial, tous ses supporters et les membres de son club – le Bushido Saive dirigé par son père – sont présents pour lui faire un triomphe. Le 13 septembre, les autorités wallonnes lui décernent le titre de Cheval ière du Mér ite wal lon, et le 4 décembre, elle reçoit pour la troisième fois le Mérite sportif de la Fédération Wallonie- Bruxelles. Le bilan de la n°4 mondiale est remarquable. Outre son exploit olympique, elle a brillé au Championnat d’Europe (2e), a remporté le Grand Prix de Düsseldorf et s’est classée troisième au tournoi Grand Chelem de Moscou.

Les films de Tarantino

« Une médaille olympique, ça change toute une vie ! », a-t-on souvent entendu dire dans le monde sportif. Oui, mais… peut-être pas tout de suite. En ce qui concerne Charline, le seul changement notoire, c’est qu’elle a décidé de quitter la maison familiale en septembre dernier, à 22 ans, pour s’installer dans un petit appartement du quartier Saint- Léonard, à Liège. Histoire d’acquérir son autonomie. C’est là que nous l’avons rencontrée, début février, ainsi que son compagnon, le judoka français Anthony Cueillette – « un mec génial », susurre-t-elle, en le couvant des yeux –, qui fait régulièrement le déplacement depuis Paris. On débouche dans l’appartement après avoir traversé un long couloir. Il est de petite taille mais moderne. Dans un coin du salon, un gros lapin s’agite à notre entrée – « il s’appelle Navis, il adore jouer avec moi ». Sur le mur, une photo de nuit de Tokyo – « c’est moi qui l’ai prise, c’est l’un de mes hobbies », annonce-t-elle, avant de se soumettre au jeu des questions.

Le bilan de la n°4 mondiale est remarquable. Outre son exploit olympique, elle a brillé au Championnat d’Europe (2e), a remporté le Grand Prix de Düsseldorf et s’est classée troisième au tournoi Grand Chelem de Moscou.


Pourquoi le quartier Saint-Léonard ? Venant d’une Liégeoise de souche, la réponse ne surprend pas. « Je suis près du centre-ville. Pour sortir, c’est facile. J’adore déambuler dans les rues avec des amis, il y a plein de magasins, des brasseries, des animations… » Et les cinémas ? « Oui, mais je préfère aller au complexe de Rocourt ». Son dernier film ? « “Django Unchained”. J’adore Tarantino. Je regarde aussi des DVD. Surtout les séries policières. Ma préférée est “Esprits criminels”. J’aime les gens qui ont une forte personnalité… » Elle est interrompue par la sonnerie de son téléphone portable. Au ton de sa voix, on la sent quelque peu contrariée. « Ma voiture est en panne, mon sponsor m’en a donné une autre, mais ce n’est pas évident. J’en ai besoin tous les jours pour aller m’entraîner ! »

Et Charline d’énumérer ses aller-retour hebdomadaires afin de participer aux entraînements de la fédération donnés par Cédric Taymans et Damiano Martinuzzi. « Le lundi, ceux-ci ont lieu à Wavre, le matin en petit groupe et le soir à l’attention de tous ; les mardis et jeudi, ils ont pour cadre l’ULB , à Bruxelles ; enfin, le mercredi soir, je prends part à l’entraînement national à Etterbeek. En plus de cela – mais ça, c’est un choix personnel –, je me rends deux ou trois fois par semaine au Spiroudôme, à Charleroi, pour ma préparation physique. Enfin, je fais de la musculation dans une salle à Fléron et, de temps en temps, du jogging, du squash et de la natation au Sart Tilman. »

Vingt heures par semaine au volant !

C’est là que l’on comprend pourquoi, aux yeux de la judokate liégeoise, la situation n’a guère évolué depuis sa médaille. « J’avais espéré avoir quelques facilités ou avantages, mais cela n’est pas le cas », constate celle qui a brillamment obtenu un baccalauréat en marketing à la Haute École de la Province de Liège et est sous contrat à l’Adeps avec le statut de fonctionnaire administratif. Ces déplacements, surtout, sont fastidieux. « Comme d’autres, j’attendais beaucoup du projet de centre de haut niveau que la Région wallonne voulait mettre sur rails. C’eût été génial s’il avait pu voir le jour au Sart Tilman, mais le dossier n’a pas abouti – NDLR Le projet de dojo fédéral pour le judo francophone est toujours en discussion. Toutefois, le centre de haut niveau va se développer à Louvain-la-Neuve… en commençant par l’athlétisme. Donc, je dépense beaucoup d’énergie sur les routes. Je m’entraîne entre 15 et 20 heures par semaine et je passe 20 heures au volant ! » « Tu devrais changer de sport, tu ferais une excellente pilote ! », intervient Anthony. Celui-ci ne connaît pas ce problème. À Paris, toutes les disciplines, ainsi que le staff médical, sont concentrées à l’Institut National du Sport, de l’Expérience et de la Performance ( INSEP ), situé au coeur du bois de Vincennes, à deux pas de son logement.

Charline sourit à la boutade. Mais elle a un autre souci. Depuis l’automne, elle doit composer avec une entorse à la cheville qui l’a tenue de longues semaines à l’écart des tatamis. Son début de saison a donc été postposé. Elle a ainsi été contrainte de renoncer à l’Open de Paris-Bercy, ainsi qu’au Grand Prix de Düsseldorf. « Mais mon objectif n’a pas changé : je veux devenir championne d’Europe, en avril, en Hongrie, et me hisser à la première place mondiale ! »

La pression ne risque-t-elle pas d’être trop forte ? La Liégeoise a appris à la gérer. De plus, c’est une battante. À l’image de Justine Henin, qui est venue l’interviewer à Jodoigne avant son départ à Londres, elle n’abdique jamais, quel que soit l’adversaire. « Ce que Justine a réussi est exceptionnel, mais je n’en fais pas un modèle. Je n’en ai d’ailleurs pas. Je trace ma route, c’est tout ! », tranche-t-elle. Cela, on l’avait bien compris.

 

Le talent pour devenir n° 1

Vice-champion du monde en 2001, directeur technique de la Ligue francophone belge de judo et entraîneur de nombreux athlètes de haut niveau dont Charline Van Snick, Cédric Taymans ne se fait pas trop de souci pour sa protégée à l’aube d’une saison que la Liégeoise aborde avec un capital confiance quelque peu entaillé par sa blessure.

Cédric Taymans — Comme elle vise le Championnat d’Europe fin avril, il faudra absolument qu’elle puisse prendre part à un tournoi avant cette date, explique-t-il. On y verra plus clair alors sur sa forme, mais c’est une battante. C’est d’ailleurs sa principale force. Elle a le talent pour atteindre son objectif, devenir la n° 1 dans sa catégorie.

Et ses principaux défauts ?
C.T. —
E lle est trop fougueuse, elle a des difficultés à se plier à certaines règles de base. Mais elle est encore jeune…

 

Bio & palmarès

1990 : Naissance à Liège.
1996 : Commence le judo à 6 ans au JC Olympic Blegny, dans sa commune.
1998 : Le jour même de ses 8 ans, ses parents créent le Bushido Saive, son club actuel.
2004 : Premier podium international en Roumanie (cat. Espoir).
2009 : championne d’Europe (cat. Junior). La Fédération Wallonie-Bruxelles lui attribue le Mérite sportif pour la première fois.
2010 : première médaille d’or en Coupe du Monde à Sofia (cat. Senior) et médaille de bronze au Championnat d’Europe. Elle entre dans le top 10 mondial.
2011 : 5e au Championnat du monde.
2012 : vice-championne d’Europe et médaille de bronze aux JO de Londres (4e mondiale).

À lire aussi

La Newsletter

Your opinion counts