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Par Carole Depasse
la vie gagnante
Après des siècles voués au labeur industriel, Tubize accueille un nouveau projet de vie, le Quartier des Confluents, qui se dressera sur le site des anciennes Forges de Clabecq. La première pierre posée ce 5 mars scelle l’amorce d’un redéploiement économique attendu.
C’est un quartier neuf qui s’étalera sur 11,5 ha de terres réhabilitées et se déploiera au pied du pont de Clabecq, le long du canal Charleroi-Bruxelles. Le projet immobilier, développé par la société DCI Monaco et porté par Sampace (groupe Samfi Invest France), est ambitieux car conscient qu’il porte en lui les espoirs d’une population en recherche d’une identité. « Les Tubiziens ont directement adhéré au projet car il offre une alternative positive et de long terme et répond à des manquements », explique Michel Januth, le bourgmestre de Tubize. De son côté, Pascal Seret, d’origine huttoise, associé gérant à DCI Monaco, raconte qu’en 2004, il avait déjà visité le site à l’arrêt et proposé à l’époque d’y construire un village de marques. « On m’a écouté mais ce n’était pas encore le moment. En 2013, j’ai représenté l’idée à Michel Januth, nouvel élu et, cette fois, elle est bien passée ». La preuve qu’il faut partir à point et que les Tubiziens ont surmonté leur deuil. Aujourd’hui, c’est parti ! Logements mixtes, commerces de proximité, bureaux, restaurants et cafés, mais aussi une crèche, une maison médicale, une salle dédiée aux loisirs sportifs, un office du tourisme, des œuvres d’art distribuées dans l’espace publique… le Quartier des Confluents commence à pousser.
Shopping haut de gamme
Créer un nouveau quartier, c’est répondre de manière efficace à une multiplicité de critères dont ceux du vivre ensemble. Un quartier est dynamique et retient sa population, voire l’augmente avec le temps, s’il répond aux besoins de ses habitants. « Mixité sociale et générationnelle, architecture durable, possibilités d’emploi, espaces verts, loisirs, connectivité, mobilité... tout doit être pensé en amont », indique Pascal Seret. L’attractivité du quartier est aussi essentielle. C’est dans cet esprit que le Tubize Outlet Mall (TOM), pilier économique, offre 13.000 m2 de surfaces commerciales, dont 80 boutiques dédiées aux marques vendues à des prix défiant la concurrence. « TOM s’intègre dans la ville, son architecture est contemporaine et soignée. Le temps des centres commerciaux perdus dans la campagne, entourés de parking qui imperméabilisent le sol, est révolu ». Avec un flux d’environ un million de personnes par an, la problématique des voiries ainsi que des aires de stationnement s’est imposée dès les prémices du projet. Pour les parkings, ce fut relativement simple. Par chance, les architectes profitent du dénivelé naturel du terrain pour poser une dalle, ne rien enterrer et toutefois cacher les zones de parcage. La mobilité est une affaire plus complexe qui va se résoudre avec le contournement Nord de Tubize et la nouvelle entrée de ville qui sera structurée différemment. En effet, en lieu et place du passage à niveau, Tubize va bénéficier d’un ouvrage d’art qui enjambera la ligne de chemin de fer. En parallèle, des négociations sont en cours pour réactiver la gare de Clabecq. En attendant, afin de véhiculer les visiteurs de la gare de Tubize vers le Quartier des Confluents et inversement, la Ville mettra à disposition des vélos et des voitures électriques ainsi que des navettes.
Tubize Outlet Mall (TOM), 13.000 m2 de surfaces commerciales. « TOM s’intègre dans la ville, son architecture est contemporaine et soignée. Le temps des centres commerciaux perdus dans la campagne, entourés de parking qui imperméabilisent le sol, est révolu ».
Logements mixtes, commerces de proximité, bureaux, restaurants et cafés, mais aussi une crèche, une maison médicale, une salle dédiée aux loisirs sportifs, un office du tourisme, des œuvres d’art distribuées dans l’espace publique… le Quartier des Confluents commence à pousser.
« Terre de Tubize » ou l’agriculture urbaine
La toiture de TOM a fait l’objet de toutes les attentions. Destinée à devenir verte de 8.000 m2 de cultures maraichères organisées dans le respect de la permaculture, elle est un point majeur du projet. Un concept mis au point avec la fertile collaboration de Jessica Sbaraglia (voir par ailleurs). « C’est unique en Belgique, nous sommes les premiers à concevoir des jardins de cette dimension sur un toit. De vrais jardins, avec de la vraie terre, du 100 % bio, sans aucun apport chimique puisque nous démarrons d’un sol vierge. Et ce n’est pas un effet d’annonce ! On va le faire malgré le supplément d’investissement de deux millions d’euros. Un toit sans ou avec Jessica, ce n’est pas le même toit ! », sourit Pascal Seret. « Nous souhaitons que le centre commercial fonctionne avec du photovoltaïque. Les panneaux ne seront pas posés sur le toit mais sur une façade verticale. On m’a proposé de remplacer le maraîchage par des panneaux car ça coûte moins cher et ça rapporte plus. C’est non, on a vendu un projet d’agriculture urbaine aux citoyens, on ne va pas faire autre chose ». Quant à la production maraîchère, tout sera vendu localement, soit aux habitants, soit aux restaurants dont, en priorité, celui qui trouvera refuge en hauteur au milieu des cultures, des haies gourmandes, des poules et des ruches. Un restaurant avec un chef étoilé aux commandes où pourront être dégustées les préparations à base de fruits, de légumes, de fleurs comestibles cultivés sur place. « Nous prévoyons 2.000 m2 de serres chauffées par récupération de la chaleur des logements et 1.000 m2 dédiés à la pédagogie ». Belgique oblige, du houblon sera également mis en culture sur le toit de TOM . Une future micro-brasserie ?
Le Quartier des Confluents en chiffres
671 logements
1 542 m² de surface Horeca, dont 1.229 accessible au public
12 128 m² de surface commerciale logée au sein de TOM
2 616m² de surface dédiée aux commerces de proximité
Un parc d’escalade et d’aventure de 3.170 m²
Un karting électrique indoor de 2.593 m²
Une crèche de 42 berceaux
50 logements en résidence services et 48 logements en flats services
Terre de Monaco, la grande sœur
Jessica Sbaraglia, fondatrice de « Terre de Monaco », un concept d’agriculture urbaine sur les toits de la Principauté, nous a fixé rendez-vous au Monte-Carlo Bay Hôtel, un complexe hôtelier quadruplement étoilé. Non, la jeune femme ne se vautre pas dans le luxe bien que sa précédente vie l’y ait fortement incitée. Jessica a lâché un monde d’argent pour se tourner vers les vers de terre, les poules, les abeilles, les courgettes et les fleurs comestibles. Dans son cas, nous ne parlerons pas de reconversion, mais d’équilibre existentiel et de retour aux sources.
Imprégnée de sa Suisse natale et de la cuisine familiale dont les ingrédients provenaient essentiellement d’un potager bio, la jeune trentenaire développe, en 2016, après une formation qualifiante en maraîchage, un projet qui ne serait pas si surprenant s’il n’était implanté à Monaco. « Mon idée de départ était double : réintroduire l’agriculture, disparue depuis un siècle, sur un territoire de 2 km2 bétonné à 80% et, pour ce faire, utiliser les toits plats des tours de la principauté ou les minuscules espaces urbains encore vacants », explique Jessica. Un exploit à Monaco, la ville la plus dense du monde !
« Quand je suis allée frapper aux portes pour exposer mon projet et obtenir des autorisations, personne ne m’a prise au sérieux d’autant que j’étais fermement opposée à l’hydroponie, une agriculture hors-sol. En plus, j’étais une femme, jeune et blonde de surcroît », s’amuse-t-elle, alors qu’aujourd’hui « Terre de Monaco » est un écosystème à succès (1.600 m2 d’exploitation agricole biologique, non mécanisée, 7.556 kg de fruits et légumes produits, 3.650 œufs pondus par 50 poules) qui s’exporte dans d’autres villes françaises, en Suisse et en Belgique (comme « Terre de Tubize »).
« Mon bonheur est de travailler avec les écoles, conclut Jessica. J’enseigne aux enfants les saisons, la permaculture, les gestes du maraîcher, la patience, l’observation, le bien-être et le goût des produits de qualité. La transmission est une chose importante, surtout dans les villes ».
« Terre de Monaco » est un écosystème à succès qui s’exporte dans d’autres villes françaises, en Suisse et en Belgique (comme « Terre de Tubize »).
www.dci-monaco.com
www.terredemonaco.com
Une page est tournée
Les tentatives pour réanimer son cœur de fer furent vaines. Le 31 décembre 2001, les Forges de Clabecq s’éteignaient définitivement. En 2010, une convention est passée entre la Région wallonne, la commune de Tubize et Duferco Développement pour l’élaboration d’un Master Plan. Deux objectifs : décider de la reconversion du site et mettre en place un processus participatif et de concertation qui rassemble les acteurs concernés par l’avenir de Tubize dont, au premier rang, sa population. La réhabilitation de la friche industrielle de 87 ha est, en effet, un sujet sensible parce qu’empreint de la mémoire industrielle et sociale locale. Le site des anciennes forges est aussi la porte d’entrée de la ville et le trait d’union avec l’entité-soeur, Clabecq. Il n’est donc pas question d’y faire n’importe quoi. « En 2013, le Conseil communal a voté, à l’unanimité, le Master Plan pour le développement du site. L’aménagement du Quartier des Confluents en est l’amorce », précise Michel Januth.
Précisons qu’à l’heure de commencer les travaux, quelques éléments patrimoniaux ont été épargnés et tiennent encore miraculeusement debout. Parmi ceux-ci, le HF2, un haut fourneau de petite taille dont la mise à feu remonte à 1912. On ne sait pas encore s’il sera épargné.
Les Forges de Clabecq en quelques dates
- 1781 Naissance des Forges de Clabecq : construction d’un moulin à battre le fer
- 1810 Construction d’un premier haut fourneau
- 1827 Construction du canal Charleroi-Bruxelles
- 1850 Construction d’un laminoir à fer
- 1857 Construction d’un laminoir à tôles
- 1861-1887 Essor des Forges qui s’étendent sur presque 3 ha
- 1888 Naissance de la S.A. Forges de Clabecq
- 1910-1972 Mise à feu de six hauts fourneaux successifs
- 1996 Faillite des Forges de Clabecq
- 1997 Constitution de la S.A Duferco-Clabecq
- 1998 Remise en route de l’usine
- 2002 Les activités sidérurgiques sont définitivement arrêtées
- 2006 Dépollution du site
- 2010 Élaboration du Master Plan pour la reconversion des Forges de Clabecq
- Mars 2020 Première pierre du Quartier des Confluents (phase I)