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Par Laurence Cordonnier
un cercle pour entrepreneures
En matière d’entrepreneuriat, la Province de Luxembourg n’est pas en reste. Les femmes y sont particulièrement actives ! Il faut dire que la Chambre de commerce et d’industrie du Luxembourg belge donne clairement le ton avec, à sa tête depuis 12 ans, une femme : Bernadette Thény.
Cheveux courts, les pieds solidement ancrés dans son terroir, le regard déterminé, la directrice générale de la CCILB fait partie de ces pionnières qui, depuis 40 ans, œuvrent à donner aux femmes le capital confiance pour se lancer dans le bain de l’entrepreneuriat. Fin 2018, elle a créé le cercle « Demain au Féminin » car, pour elle, les femmes ont autant de potentiel que les hommes pour entreprendre, quel que soit leur parcours familial ou professionnel.
« L’entrepreneuriat n’est pas l’apanage d’un genre. Ce qui compte, c’est la passion, l’engagement et la ténacité. Une femme est donc parfaitement capable d’être une excellente entrepreneure, il faut le lui dire ! », clame-t-elle.
Le parcours personnel de Bernadette Thény est d’ailleurs une preuve qu’une femme peut gravir les échelons et gérer une entreprise tout en n’ayant pas forcément reçu les meilleures cartes au départ.
Une « blessure » motivante
« Dans les années 60 et 70, il n’était pas courant pour des familles ouvrières de pousser leurs enfants à faire de longues études. Au contraire de mes jeunes frères et sœurs, et bien que mes professeurs me voyaient poursuivre mon cursus sur les bancs d’une faculté, je n’ai pas eu l’opportunité de fréquenter l’université. Je n’en ai jamais tenu rigueur à mes parents mais, avec le temps, cela demeure une frustration. De cette ‘blessure’ est née une envie de défendre la cause des femmes entrepreneures. Je suis entrée très jeune à la Chambre de commerce et d’industrie du Luxembourg belge en tant que secrétaire de direction. J’avais deux enfants à charge et j’ai patiemment gravi les échelons jusqu’à prendre les rênes de l’institution. C’était il y a 12 ans. »
Depuis 40 ans, Bernadette Thény mène avec la CCILB des actions quotidiennes, au service de l’entrepreneuriat : création d’entreprise, croissance, transmission, exportation, emploi… Et la thématique de l’entrepreneuriat féminin fait, bien entendu, également partie des préoccupations de l’institution.
Forte et déterminée, Bernadette Thény n’en est pas moins douce et bienveillante : « Il m’arrive de percevoir le mal-être de certains collaborateurs, pour des raisons privées ou professionnelles, peu importe. Je m’efforce toujours de tenir compte des besoins des équipiers. Même si parfois cela signifie ne pas toujours tenir compte des miens. »
« Demain au féminin »
Fin 2018, Bernadette Thény a rassemblé autour d’elle une vingtaine de cheffes d’entreprise, exemples de l’audace entrepreneuriale au féminin et issues de tous secteurs : droit, construction, horeca, marketing, tourisme, RH… En créant le cercle « Demain au Féminin », Bernadette Thény a su s’entourer d’ambassadrices lumineuses, qui donne à l’entrepreneuriat au féminin ses lettres de noblesse.
Le cercle propose des conférences destinées à mettre en lumière les talents féminins dans le business. Ces rendez-vous sont gratuits et ont lieu dans différents endroits en Province de Luxembourg. L’objectif : conscientiser les femmes et leur montrer que l’on peut se lancer, s’investir, réussir aussi bien, sinon parfois mieux, que les hommes !
Pour les participantes, les rendez-vous du cercle sont l’occasion de se sentir moins seules dans leurs aventures entrepreneuriales et de bénéficier de l’expérience d’autres femmes qui ont un parcours similaire ou complémentaire. Le cercle vise également à inspirer les femmes qui n’osent pas encore franchir le cap. « Tout le monde a le droit de tenter l’aventure entrepreneuriale. Osez, soyez dans l’action. Rester immobile ne porte aucun fruit », aime lancer Bernadette Thény.
Entreprendre au féminin ?
De nos jours, certains considèrent l’entrepreneuriat au féminin comme de l’entrepreneuriat « tout court ». Il est vrai que grâce à la ténacité des premières audacieuses à avoir tenté l’aventure entrepreneuriale et revendiqué l’équité dans ce domaine, le parcours des femmes entrepreneures est probablement plus doux aujourd’hui qu’hier. Dès lors, en quoi « entreprendre au féminin » en 2020 est-il encore différent d’entreprendre « tout court » ? Concrètement, quelle différence existe-t-il entre l’entreprise d’une femme et celle d’un homme ? Et quelles sont les difficultés spécifiques rencontrées par la gent féminine lorsqu’il est question de faire du commerce ? Nous avons interrogé à ce sujet quelques femmes entrepreneures qui se sont rassemblées autour de Bernadette Thény pour créer le cercle « Demain au Féminin ».
Témoignages d'entrepreneures du cercle « Demain au Féminin ».
Gretel Schrijvers, présidente du cercle « Demain au féminin » et directrice générale de Mensura
« En tant que femme, je n’ai jamais rencontré de difficultés à évoluer dans mon parcours professionnel. Cependant, il y a toujours trop peu de femmes qui osent se lancer! Pourtant, les études démontrent que l’entreprise a tout à gagner s’il y a au moins un tiers de femmes dans un comité de direction ou dans un conseil d’administration. Il y a un impact direct sur le chiffre d’affaire et la croissance d’une entreprise. »
Sophie Samray, administrateur d’Emploi Mode d’Emploi
« Ce qui me surprend le plus dans l’entrepreneuriat au féminin, ce sont ces femmes de la nouvelle génération qui arrivent à croire possible de concilier leurs vies de femmes, de maman et d’entrepreneuse. Leur créativité est à la hauteur de leurs rêves.»
Laëticia Toldo, fondatrice de Digital Marketing
« Ce qui m’étonne toujours, c’est qu’on parle encore « d’entreprenariat au féminin ». Même si je suis d’accord qu’on fasse une distinction puisque des différences existent toujours, j’espère que, rapidement, on parlera d’entreprenariat tout court. Ce que je constate aussi, c’est qu’il faut encore beaucoup lutter au quotidien contre les choses qui paraissent, pour tous (ou pour beaucoup en tout cas), tomber sous le sens : la charge mentale de la vie de famille repose toujours sur les épaules de la femme, dans beaucoup de cas (dans le mien en tout cas). »
Mathilde Rutot-Pirlet, directrice financière de Hanin Glass Center
« En tant que femme, nous devons en montrer deux fois plus que les hommes et n’avons pas droit à l’erreur. Et les termes « pétroleuse » et « bulldozer » se font trops souvent entendre lorsqu’une femme est au poste de dirigeante. Pourtant, le management des femmes mise plus sur l’intelligence relationnelle et la bienveillance. Seules, nous sommes invisibles, ensemble nous sommes invincibles. »
Aude Piette, fondatrice du coworking GARE ! et co-gérente de l’hôtel « Le Val de Poix » et du restaurant « Les Gamines ».
« Ce que j’adore, dans l’entrepreneuriat féminin, c’est la force de caractère, l’optimisme, l’indépendance, la créativité, l’assertivité et l’intelligence stratégique qui caractérisent souvent les femmes qui entreprennent et que je rencontre. J’ajoute que si je n’ai pas expérimenté de freins majeurs en tant que femme, j’ai néanmoins vécu pas mal de moments inconfortables, notamment face à des comportements, attitudes ou façons de parler de certains hommes qui laissent penser, encore trop souvent, que nous ne sommes pas crédibles pour parler chiffres, développement, projets, vision, notamment en entreprise. C’est fatiguant.»