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Un musée qui avance masqué

  • Patrimoine
Hainaut

Par Christian Sonon

Le musée international du carnaval et du masque comprend 30 000 pièces provenant des cinq continents. Il changera très bientôt de visage.

Dans quelle ville de Wallonie autre que Binche aurait-on pu voir naître et grandir un musée du carnaval et du masque, on vous le demande ? Son carnaval, qui anime la ville durant sept semaines – mais qui occupe toute l’année ses habitants à la préparation des costumes – et qui culmine au Mardi Gras, est un événement populaire, humain et social hors du commun dont la renommée a largement dépassé les frontières du pays. Figure centrale des festivités, le Gille fait la fierté des Binchois, qu’il arbore ramon et masque (le matin), porte un chapeau en plumes d’autruche et lance des oranges (l’après-midi) ou danse à la lueur des feux de Bengale (le soir). Issu d’un folklore lointain et confus (les Incas ?), le carnaval de Binche est à ce point spécifique qu’il a été inscrit – comme celui d’Alost – au Patrimoine culturel et immatériel de l’Humanité par l’UNESCO en 2003. Aujourd’hui encore, chaque pas du visiteur dans la petite ville hennuyère de quelque 33 000 (joyeuses) âmes lui rappelle l’attachement profond que celle-ci voue à sa tradition carnavalesque.

C’est en 1975 qu’un musée dédié au carnaval de Binche ouvre ses portes dans le centre-ville. Le bâtiment fait belle figure. C’est un ancien hôtel particulier transformé au XVIIIe siècle en collège des Augustins et situé à quelques jets d’orange de la Grand-Place où s’étirent traditionnellement les rondeaux. L’installation s’est cependant faite sans tambours (ni trompettes), l’objectif de son premier conservateur étant de rassembler des pièces ayant trait au folklore local provenant du musée d’archéologie de Binche créé au lendemain de la Première Guerre mondiale. Par la suite, les collections furent enrichies au gré des dons et d’une politique d’achats éclectique réalisée grâce à l’aide des pouvoirs publics. Si le carnaval de Binche y occupe toujours une place de choix – il a fallu veiller à ne pas couper le musée de ses racines locales et régionales –, le masque s’y est petit à petit taillé la part du lion. Il est aujourd’hui abordé tant dans sa multiplicité de formes que dans la pluralité de ses fonctions. Dans cette optique, l’institution – devenue le Musée international du carnaval et du masque ou MUM – propose au public un véritable tour d’horizon des usages du masque dans le monde.

« Le musée présente l’une des plus riches collections de masques et de costumes au monde et c’est cette diversité, ce caractère universel, qui en fait sa spécificité et lui vaut son rayonnement. »

 

Le masque dans tous ses états

« Le musée présente l’une des plus riches collections de masques et de costumes au monde et c’est cette diversité, ce caractère universel, qui en fait sa spécificité et lui vaut son rayonnement », explique Clémence Mathieu, la collaboratrice scientifique du MUM. « Son catalogue compte plus de 10 000 numéros, ce qui correspond à près de 30 000 objets (masques, costumes, marionnettes, accessoires, instruments de musique...), auxquels il convient d’ajouter les affiches, photographies, cartes postales, etc. Ils sont issus des cinq continents et illustrent le masque dans ses fonctions et ses formes les plus diverses. Ainsi, en Europe, le masque apparaît surtout aux carnavals, aux défilés organisés lors des changements de saison dans le but de célébrer la fertilité de la femme et de la terre. En Afrique, il accompagne les rituels dits de passage : à l’âge adulte, à la vie en couple, au royaume des morts, etc. En Asie, il est lié au théâtre et au maquillage. En Amérique, il est également rattaché aux coutumes de passage propres aux indigènes, tout en constituant, bien sûr, un pan de l’héritage des traditions importées par les colonies européennes. Enfin, si on le trouve parfois en Australie, la population lui préfère les peintures corporelles. »

« LE MONDE À L’ENVERS », DE MARSEILLE À BINCHE

Du 25 janvier au 28 juin prochain, dans le cadre de Mons 2015, le Musée international du carnaval et du masque accueillera une exposition exceptionnelle intitulée « Le Monde à l’envers. Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée ». Conçue à Marseille, en coproduction avec le Musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEm), à partir des fonds de ce musée mais également de quelque 200 pièces appartenant aux collections du MUM, elle proposera un regard neuf et inédit sur les mascarades rurales et les parades urbaines. Son parcours sera divisé en trois parties : les masques de l’hiver ou la refondation cyclique du monde, le pouvoir des masques et la refondation de l’ordre social, l’une des fonctions les plus importantes du carnaval. La mascarade du Boe et du Merdule (Ottana, Sardaigne) (photo ci-dessus) Cette mascarade rejoue la domestication des bovins, principalement la veille de la Saint Antoine et lors des Jours gras. Le costume en peau de brebis des deux personnages est assez semblable, mais le masque des « Boes » est surmonté de cornes tandis que celui des « Merdules » est noir et évoque les âmes des morts et les ancêtres. Durant le carnaval d’Ottana, les « Merdules », armés de fouets, de bâtons et d’une longue corde en cuir, poursuivent les « Boes », en tentant de les attraper et de les domestiquer. Après avoir parcouru le village, les « Boes » sont attrapés et succombent sous les coups de leurs maîtres ; ils renaissent ensuite pour reprendre le cours de la mascarade.

Un centre d’interprétation en 2016

Géographiquement, le musée, qui est équipé d’un centre de documentation et d’un auditorium de 120 places, est divisé en plusieurs sections. Le rez-de-chaussée et une partie du 1er étage sont consacrés aux expositions temporaires, dont la prochaine, centrée sur les carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, sera présentée dès janvier dans le cadre du partenariat avec Mons 2015 (voir ci-contre). Le 1er étage est consacré aux expositions permanentes : sur le carnaval de Binche, les carnavals de Wallonie et les masques d’Europe. Quant au deuxième, il sert la mission pédagogique du musée qui propose notamment des ateliers et des activités ludiques. « L’exposition consacrée aux masques d’Europe vient toutefois d’être remisée dans les cartons afin de faire de la place pour accueillir notre nouvelle exposition temporaire, explique Clémence Mathieu. Quant à l’exposition consacrée au carnaval de Binche, qui date de 1975, elle sera retirée l’été prochain et remplacée, en 2016, par un centre d’interprétation dédié à ce carnaval. L’auditorium sera également réaménagé. »

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