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Par Perrine Mertens / CompanyWriters
UN FIL SOLIDE ENTRE LA WALLONIE ET L’ORIENT
Bausol, c’est une entreprise familiale qui réalise des tapis de prestige, sur mesure et faits main par les meilleurs tisserands d’Inde, du Népal et de Chine. Située à Blégny, elle s’associe à des designers et artistes wallons afin de proposer des collections exclusives et originales.
Diplômé en administration des affaires et officier de réserve dans l’armée belge, Robert Schinckus a intégré, en 1974, l’entreprise familiale créée par son père une vingtaine d’années auparavant. Rencontre avec le CEO de Bausol qui, du tapis d’Orient au tapis d’exception, a su tisser des liens serrés entre l’Europe et l’Asie.
Pourquoi vous êtes-vous tourné vers l’Orient ?
Dès la fin de mes études universitaires, l’appel du voyage a résonné en moi et je suis parti en stop vers l’Orient, pour atterrir à Katmandu. Pendant trois mois, j’y ai découvert un peuple paisible, patient et chaleureux, doté d’une maîtrise incomparable du métier à tisser. Encore aujourd’hui, je rends visite à ces manufacturiers et aux villageois qu’ils emploient, deux à trois fois par an. L’Inde est bouillonnante, dynamique, et ses artisans réalisent des ouvrages d’une superbe qualité en un temps record. La Chine, quant à elle, a développé un niveau de qualité extrêmement élevé qui nous permet de fabriquer des tapis d’une complexité incroyable. Bien sûr, nous appliquons les normes environnementales et sociales éthiques, dans le respect du savoir-faire exceptionnel des tisserands.
Comment est née cette collaboration avec les artistes wallons ?
De retour de voyage, et après avoir réalisé mon service militaire, j’ai commencé à travailler aux côtés de mon père. Le concept du sur-mesure s’est imposé naturellement tandis que la clientèle se détournait peu à peu des tapis traditionnels. Et, sur le conseil avant-gardiste de Fernand Flausch, en 1993, j’ai fait appel au talent d’artistes liégeois pour redynamiser la collection. L’idée, bien que fortement saluée, ne connut hélas ! pas le succès entrepreneurial escompté. Nous avons donc continué le sur-mesure pour de grands noms de la mode, des hôtels 5 étoiles et des particuliers, tant en Belgique qu’à l’international. Ce n’est qu’en 2018 que cette envie de collaboration artistique a germé à nouveau et a fini par décoller. Amateur d’art, je me suis entouré d’une vaste communauté d’artistes dont les œuvres me touchaient. Lors de visites d’expositions, je n’ai pas hésité à m’adresser à ces créateurs pour établir des liens. Au fil des ans, cette liste de noms s’est agrandie. Et, généralement, lorsque je propose une collaboration, le retour est très positif.
Comment passe-t-on des artistes aux tisserands ?
C’est un exercice très enthousiasmant de transposer une œuvre existante sur un canevas ou de créer quelque chose de complètement inédit pour l’occasion. Tout le défi réside dans le fait qu’un tapis ne peut reproduire les nuances et les dégradés de couleurs de la peinture. Le tableau initial doit donc être adapté en tenant compte de cette dimension. Nous passons le dessin dans un programme informatique développé au Népal et utilisé par tous les manufacturiers pour obtenir un projet réalisable. Le serrage des nœuds y est défini, ainsi que les 10, 12 ou 15 teintes de fils qui seront utilisées. Les artistes sont souvent surpris du résultat. Vient ensuite l’étape de la texture : emploiera-t-on de la soie, de la laine, du lin ou de la viscose de bambou ? Enfin, notre logiciel permet de visualiser le tapis en situation dans un intérieur virtuel complet. Au terme de ces quatre étapes, nous confions la réalisation à l’un de nos ateliers en Inde, en Chine ou au Népal.
Quelles sont les étapes de la fabrication en Asie ?
Le dessin sorti de logiciels perfectionnés est ensuite fourni au manufacturier sélectionné afin de lancer la production sur une machine aussi ancestrale qu’impressionnante. Au Népal, ce sont parfois neuf personnes assises côte à côte qui nouent à la main fil après fil, avec une minutie et un savoir-faire transmis de génération en génération. Le maître teinturier, la clé de voûte de l’œuvre, compose des recettes mystérieuses à base de pigments dans le but d’obtenir des couleurs sur mesure. Avec une cuillère à thé pour tout équipement, il pratique sa magie dans un chaudron suspendu au-dessus d’un feu de bois. Une fois noué, tissé ou tufté, l’ouvrage est longuement lavé, brossé et séché au soleil et dans le vent. Nous prévoyons donc toujours des livraisons plus lentes pendant la saison des moussons ! Ces étapes apportent douceur, éclat et souplesse au tapis. Celui-ci est alors rasé, et parfois ciselé, pour révéler la netteté des dessins.
Peut-on connaître le prix de ces tapis ?
Pour la réalisation d’un tapis luxueux, unique et fait à la main, il faut compter plusieurs mois d’attente et un prix allant de 300 à 900 euros par mètre carré. Cela peut paraître excessif, mais il faut savoir qu’un tapis tibétain peut compter jusqu’à 230.000 nœuds par mètre carré ! Mais l’univers du sur-mesure est sans limites, et mon équipe aime relever de nouveaux défis…
Avec une cuillère à thé pour tout équipement, le maître teinturier, clé de voûte de l'œuvre, pratique sa magie dans un chaudron suspendu au-dessus d’un feu de bois.
Quatre artistes liégeois
Anne Truyers
Son univers est fait de tapis noués aux motifs végétaux, organiques, des lignes entrelacées, des empreintes, un chemin sinueux vers soi. Une infinité de sentiers, de fibres, de sillons creusés dans des tons naturels vibrants
et reposants.
Philippe Waxweiler
L’artiste refuse la banalité et se targue de n’en faire qu’à sa tête. Ses créations sautent à pieds joints dans l’univers de la féérie, de la rêverie, des jeux de lumière et de texture, de l’humour et de l’ironie.
Moshi Moshi
Philippe Knoops crée des tapis tuftés, noués ou tissés, à plat ou en relief, des pièces uniques ou en séries limitées, qui sortent totalement de l’ordinaire. Du dessin loufoque, aussi débordant que maîtrisé, dans un style plutôt urbain, bédéesque, libéré et délirant.
Françoise Gresse
A la fois peintre, plasticienne et décoratrice d’intérieur, cette artiste conçoit des designs profonds, texturés et captivants, et s’exprime à travers des motifs végétaux à la géométrie répétitive, avec un penchant pour les tons naturels, la calligraphie chinoise et les pigments bruts.