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Par Carole Depasse
Cenaero, centre de recherche appliquée, calcule, simule et teste à longueur de temps. Sa vocation? Soutenir l’effort permanent d’innovation des entreprises qui leur permet de réaliser des produits performants et d’acquérir de nouvelles parts de marché.
« Modestement, je pense que Cenaero est un vecteur de progrès parce que nous sommes capables d’aider les entreprises à mieux concevoir », résume Philippe Geuzaine, jeune directeur général de 55 «cerveaux» ingénieurs, mathématiciens et physiciens dont la moitié est titulaire d’une thèse de doctorat. Dans « l’écosystème » wallon, les centres de recherche appliquée se situent entre les centres de recherche universitaires et les entreprises spécialisées. Leur vocation est de créer des ponts complémentaires à ceux déjà existants entre les mondes académiques et industriel afin de créer des synergies à haute valeur ajoutée. Un décret ministériel, voté lors de la dernière séance avant les élections du 25 mai dernier, institue un rapprochement entre les centres de recherche aux « pedigrees » différents. Au nombre de 22 en Wallonie, l’idée de promouvoir une clarification du paysage de la recherche par un regroupement volontaire des centres agréés plaît à Philippe Geuzaine. Cenaero s’est ainsi associé à deux centres de recherche, le centre collectif de l’industrie technologique (SIRRIS) et le centre de recherches métallurgiques (CRM), de manière à proposer une offre de services de recherche en adéquation avec les besoins de l’industrie. En Wallonie, il semblerait que l’union fasse toujours la force.
Comment ces centres de recherche collaborative vont-ils impacter notre vie quotidienne ? En d’autres mots, à quoi servent-ils et que propose concrètement Cenaero ? Créé en 2002 et basé à Gosselies, Cenaero fournit des outils de simulation numérique aux entreprises engagées dans un processus d’innovation technologique. Ces outils performants de calcul permettent de valider fiablement et rapidementou d’améliorer de nouveaux concepts, et cela, sans les tester sur des prototypes réels. Trois exemples pour bien comprendre.
« Par nos techniques de simulation et d’aide à la conception, Cenaero travaille sur la forme des hélices pour réduire le bruit des moteurs. »
Conjugaison : le futur passif
À l’horizon 2020, l’Union européenne voudrait que les nouvelles constructions soient passives ou, du moins, basse énergie. Afin d’atteindre ce point énergétique « zéro », les futures maisons vont concentrer une part importante d’innovations en provenance de la simulation. Dans ces maisons, la mise au point d’un système de ventilation économe et efficace est un point capital. Cenaero entre en scène. « Dans le cadre d’une ventilation mécanique optimale, nous avons étudié, pour une pièce standard, comment positionner au mieux les bouches d’aération et comment régler certains paramètres tels que le débit d’air de manière à procurer un sentiment de confort optimal à l’intérieur d’une l’habitation (comme la température ou la vitesse de l’air). Inutile de construire la pièce et de trouer les murs pour effectuer des tests. » Les mathématiques suffisent à trouver des solutions.
En attendant l’avion électrique
Un second exemple d’impact du calcul numérique dans notre quotidien est le bruit des avions. En collaboration avec Techspace Aero (Groupe Safran), concepteur de la partie avant des moteurs d’avion, Cenaero a développé des outils de calcul pour concevoir des moteurs moins bruyants. La recherche sur les moteurs de nouvelle génération réduit de 20 % la consommation de kérosène. Mais le bruit augmente ! « Par nos techniques de simulation et d’aide à la conception, Cenaero travaille sur la forme des hélices pour réduire le bruit des moteurs. » Bruxelles attend. Longtemps ? « L’avantage des calculs est de tester un très grand nombre de possibilités à un coût modeste et de retenir deux ou trois concepts pour fabriquer des prototypes. Vous savez déjà a priori que, dans ces prototypes, vous avez le plus gros potentiel d’innovation. C’est là toute la puissance du calcul et de la simulation. Le cycle de conception est terriblement raccourci. »
Exemple sous tension
Faut-il craindre les centrales nucléaires de Doul et Tihange ? Les fissures repérées dans plusieurs cuves sontelles dangereuses ? Sur ces questions hautement sécuritaires, les experts métallurgistes du bureau d’études Tractebel Engineering ont fait appel à Cenaero. « Nous avons réalisé un ensemble de simulations pour mieux comprendre si ces fissures ou micro-inclusions étaient critiques ou pas. Après avoir pris connaissance et interprété les résultats des simulations, il apparaît que ces fissures ne devraient pas affecter la durée de vie des cuves. » Rassurant, mais quelle est la fiabilité de ces calculs ? « Cenaero n’est pas un organisme de certification. Nous sommes en mesure de dire que le risque est faible parce que les hypothèses prises sont les meilleures que nous pouvons prendre au moment où, avec l’ensemble des données qui sont alors les nôtres, les simulations sont effectuées. Nous fournissons le matériel pour mieux analyser et prendre des décisions. Il revient à Tractebel de prendre ses responsabilités. »
Neurones numériques
Cenaero concentre 50 à 70 % de ses activités dans le secteur aéronautique ou le transport au sens large. Ses partenaires sont des poids lourds industriels comme Techspace Aero (Liège) ou Sabca Sonaca (Gosselies), leader mondial dans la construction des parties avant et arrière des ailes d’avion. Depuis quelques années, Cenaero se diversifie et travaille dans le bâtiment (volet énergie) ainsi que dans le biomédical, notamment pour IBA et la protonthérapie (Louvain-la-Neuve). « La simulation et l’aide à la conception ne sont pas propres à un domaine d’activités. C’est une compétence transversale. » Pour preuve, Cenaero met au point un système de protection des zones de baignade contre les requins développé par la société Offshore 45 en partenariat avec Aquatek. Les grandes entreprises ont bien compris l’intérêt du calcul et de la simulation. Avec elles, Cenaero essaie d’aller encore plus loin : des calculs plus précis et plus rapides effectués sur une « super machine », qui comptabilise des dizaines de milliers de processeurs, située à Gosselies et partagée avec les cinq universités francophones ainsi que des industriels précurseurs. Pour sensibiliser les PME au potentiel des outils de calcul qui leur permettrait d’innover mieux et plus vite et donc de fabriquer des produits plus performants, Cenaero a déposé, dans le cadre de l’appel FEDER, un projet important. « On parle beaucoup d’économie numérique, Cenaero s’inscrit en plein dedans. Il est important que la Wallonie suive ce mouvement. »
Informations :
Rue des Frères Wright, 29 Bâtiment ÉoleB-6041 Gosselies
info@cenaero.be www.cenaero.be