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Par François Colmant
Diminuer la fréquence des migraines chroniques sans médicament ? Le pari réussi de Cefaly.
Qui n’a jamais ressenti de douleurs lancinantes au niveau crânien ? S’il est incommodant, le mal de tête nous informe cependant sur notre mode de fonctionnement. Souvent, au moindre excès, les signaux d’alertes apparaissent, signe qu’un changement de comportement – ou un traitement – s’impose. Trop de stress, manque de sommeil, déshydratation, abus d’alcool… Le mal de tête est souvent passager et généralement éliminé avec une aspirine salvatrice. Pourtant, chez un certain nombre de personnes, ce genre de souffrance fait partie du quotidien et, si elles y ressemblent, sont bien différentes de ces céphalées que nous connaissons tous. On estime que près de 15% de la population, principalement les femmes, souffrent régulièrement de migraines. Les épisodes migraineux apparaissent habituellement pendant l’enfance ou tôt dans la période adulte, se raréfient au-delà de 40 ans et disparaissent souvent après 50 ans.
Certains facteurs génétiques ou épisodes traumatiques peuvent expliquer la migraine. Cependant, on ignore encore pourquoi certaines personnes en souffrent et d’autres pas. Si la fréquence d’une migraine est variable selon les individus, la plupart des migraineux connaissent une à plusieurs crises par mois. Crises très incapacitantes puisqu’elles s’accompagnent parfois de nausées, de vomissements, d’intolérance à la lumière ou au bruit, etc. Les manifestations sont en outre très diverses : pulsations ou martèlements continus dans une moitié du crâne, impression d’avoir un bandeau trop serré autour de la tête, élancement continu, etc. Lorsqu’il est victime d’un épisode migraineux, migraineux, le malade n’a souvent pas le choix, il doit prendre beaucoup de repos et recourir à une solution médicamenteuse, dont l’efficacité fluctue souvent d’une personne à l’autre. Il ne reste en général qu’à « attendre que cela passe ».
Un serre-tête qui soulage
« On remarque depuis de nombreuses années que la consommation élevée de médicaments destinés à lutter contre la migraine finit en fait par la renforcer ! » Cela devient ensuite un cercle vicieux, puisque la persistance des maux de tête conduit à prendre plus d’antalgiques, ce qui aggrave encore un peu plus la céphalée. « On est alors dans le premier fac teur de la chronicisation de la migraine. La personne qui connait des crises toutes les semaines aura tendance à abuser de son traitement, ce qui entraînera plus de migraines, et ainsi de suite. Pourtant, de manière raisonnée, le médicament est plus efficace », observe le Dr Pierre Rigaux, directeur de la société Cefaly.
Un constat observé depuis plusieurs années et qui a poussé Pierre Rigaux et Pierre-Yves Muller à explorer d’autres pistes dans le traitement de la migraine. Anciens de Compex, société suisse spécialisée dans l’électrostimulation, les deux acolytes ont l’idée de développer un petit appareil qui traiterait la migraine avant qu’elle n’arrive. « Nous avons décidé d’explorer la piste de la neurostimulation crânienne, encore peu utilisée, pour prévenir l’apparition des migraines. Nous sentions qu’il y avait là quelque chose à découvrir. » Pendant deux ans, se succèdent périodes de recherche et de test, avant la commercialisation avec succès en 2009 du premier appareil de neurostimulation externe agissant contre les migraines. Entièrement produit en Wallonie, le dispositif ressemble à un serre-tête tout droit sorti de l’univers de Star Trek mais démontre rapidement son efficacité, avec un taux de satisfaction proche des 75% chez ses patients !
« L’appareil fonctionne avec des piles standards en envoyant des micro-impulsions précises sur la branche supérieure du nerf trijumeau. L’électrode s’applique au niveau du front et agit directement sur le nerf, produisant un effet sédatif qui diminue grandement l’irritabilité du cerveau, » explique le Dr Rigaux. Utilisé régulièrement, le dispositif Cefaly réduit ainsi les crises de migraine. « Chez les patients atteints d’attaques chroniques, une séance quotidienne de 20 à 30 minutes permet une diminution substantielle de la fréquence et de l’ intensité des crises, ainsi qu’une diminution de la prise de médicaments antimigraineux. »
Par-delà les frontières
Depuis son lancement, la société a déjà écoulé plus de 100 000 appareils à travers le monde, grâce notamment à une approche commerciale différente pour un produit de ce type, il est vrai un peu due au hasard. Nous sommes fin 2008. Après avoir passé une batterie de tests et reçu les certifications nécessaires, Cefaly s’apprête enfin à lancer son produit. Or, la crise économique vient d’éclater et les investisseurs jugent le moment peu propice à la prospection de nouveaux marchés. « Alors plutôt que de rechercher un distributeur dans les différents pays, qui lui-même aurait dû réaliser un travail auprès d’un répartiteur qui, à son tour, toucherait enfin les pharmacies ou centres de soin, nous avons décidé de réduire les intermédiaires en s’adressant directement au patient via notre plate-forme de vente en ligne. » Un lien direct avec le patient qui offre de nombreux avantages. « Le retour des utilisateurs nous a permis de rapidement mesurer son taux de satisfaction mais également de modifier légèrement l’ergonomie de l’appareil pour le rendre plus facile d’utilisation, » poursuit le Dr Rigaux.
Solution innovante et non-invasive, le Cefaly jouit désormais d’une reconnaissance par la communauté scientifique internationale et vient également de recevoir l’aval de la très sévère Food and Drug Administration (FDA). Un sésame qui lui ouvre les portes du marché américain, l’un des plus importants au monde et lui assure une protection juridique parfaite. Un produit concurrent devrait, pour être autorisé par la FDA, démontrer qu’il est substantiellement équivalent au Cefaly d’un point de vue méthode et technique, ce qui violerait du même coup le brevet américain accordé à la société liégeoise et rendrait caduque sa demande ! Imparable.
Forte de cette reconnaissance et de son expertise, la société se penche désormais sur de nouvelles recherches afin de concevoir des appareils similaires dans le traitement de l’épilepsie, de l’insomnie, de la dépression ou encore des troubles de l’équilibre.
Les chiffres:
4 900 000 € : C'est le chiffre d’affaires en 2014 (soit 96% de plus qu’en 2013).
100 000 : Le nombre de Cefaly déjà écoulés dans le monde entier.
30 : Présent dans plus de 30 pays, une nouvelle implantation prévue au Liège Science Park pour la fin 2016.
15 : La société prévoit d’engager une quinzaine de personnes en 2017.
Renseignements:
CEFALY Technology
Rue de Wallonie, 11
B-4460 Grâce-Hollogne
+32 (0)4 367 67 22
info@cefaly.com www.cefaly.com