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Par Christian Sonon
La famille Volkaerts
© Antoine Melis
D’abord, il y a l’aîné, celui qu’on appelle Marc’O, qui a montré le chemin à chacun et que l’on retrouve dès le matin un poêlon dans chaque main. Et puis, il y a Stéphanie, qui a le sourire câlin et qui aime le bon vin. Et puis… et puis, il y a Martin, qui a déjà seize sur vingt mais qui ne se sent pas bien s’il n’a pas plein d’idées pour demain…
Brabant wallon, janvier 2020. La famille Volkaerts est à la manœuvre sur deux fronts. A Genval, non loin du lac, Martin, le fils, hisse tous les jours bien haut le pavillon de « L’Amandier », épaulé par Stéphanie, sa maman, qui met les clients à l’aise et les bonnes bouteilles sur les tables. A quelques kilomètres de là, sur la magnifique place de Céroux, Marc’O, le père, s’active aux fourneaux des « Tilleuls », secondé par sa plus jeune fille Margaux, tandis que son beau-fils Sébastien veille sur la salle.
Les deux restaurants sont non seulement unis par le lien familial mais aussi complémentaires par leur type de cuisine : gastronomique à Genval, bistronomique à Céroux. De quoi ravir Marc’O, le responsable de cette belle aventure.
« Ma femme et moi avons ouvert « L’Amandier » en 1992, quand Martin avait un an », explique ce Waterlootois d’origine qui a appris son métier à l’école hôtelière du Ceria, à Anderlecht. « Je travaillais dans l’Horeca et Stéphanie était infirmière. Nos horaires étaient incompatibles, nous ne nous voyions presque plus. Nous avons donc cherché une petite maison pour travailler à deux, à domicile. »
Ouvrir un restaurant avec son mari ? Stéphanie a été facile à convaincre : « Je suis une épicurienne, j’aime la gastronomie et j’apprécie le contact avec les clients. Il ne me restait plus qu’à apprendre les vins : j’ai suivi une formation en sommellerie au cours du soir. »
L’Amandier. Avec sa cuisine ouverte, les convives peuvent entendre le fouet qui lèche les casseroles, les filets qui grésillent dans la poêle, les assiettes qui s’entrechoquent.
© Antoine Melis
La piste aux étoiles
La sauce prend rapidement. En 2012, le couple décide d’agrandir la maison et d’aménager une cuisine ouverte pour se rapprocher des convives. Désormais, ceux-ci peuvent entendre le fouet qui lèche les casseroles, les filets qui grésillent dans la poêle, les assiettes qui s’entrechoquent… tandis que le Gault&Millau n’en démord pas : encore un 16/20, et bravo à toute l’équipe du meilleur restaurant du Brabant wallon !
Et Martin, pendant ce temps là ? Après avoir mijoté pendant quinze ans dans les fumets de la cuisine, il décide de déclarer sa flamme : « Je voudrais faire l’école hôtelière ! ». Ses parents : « Tu es sûr ? Attention : toutes les cuisines ne sont pas aussi sympas que la nôtre ! » Et lui : « J’insiste ! ». A l’école hôtelière de Namur, le jeune homme enfile les expériences et les tabliers. En recherche de stage, il débarque (il aurait pu tomber plus mal) chez Sang Hoon Degeimbre, à Eghezée. C’est la révélation. « Pour ton compagnonnage, tu devrais voyager et postuler auprès des meilleurs chefs », lui souffle le maître. Comme un roi mage, mais sur un nuage, le jeune homme se met à suivre les « deux étoiles » de la constellation Michelin : il se forme chez « Nuance », à Duffel, « De Pastorale », à Rumst, « Noma », à Copenhague (alors le « meilleur restaurant du monde »), « Quique Dacosta » à Dénia (Espagne) avant de replonger dans « L’Air du Temps », puis de retrouver ses pénates à la crèche familiale.
« Less is more »
« Maintenant que je suis de retour, j’aimerais travailler pour moi et ma famille », confie Martin, heureux comme Ulysse d’avoir fait un grand voyage et de pouvoir faire profiter « L’Amandier » de ses découvertes. Marc’O : « D’accord, mais il y a du pain sur la planche ! ». Martin : « Et si on le faisait nous-mêmes ? » Et hop ! déjà une première bonne idée. Le retour du jeune prodige va donner un coup de fraîcheur au restaurant familial. Le père et le fils vont s’épauler et se compléter comme deux chefs. Marc’O aime faire les sauces et cuisiner ce qui sort de l’eau (Homard de l’Escaut, citron vert, salicorne) ? Martin se plaît à combiner les produits du terroir (poulet aux chicons, sauce à la bière). Marc’O privilégie le produit noble ? Pour Martin, c’est moins le produit qui fait le plat que la façon dont on le travaille. « J’estime aussi qu’il ne faut pas mettre trop de variétés dans l’assiette. Je préfère me concentrer sur le produit essentiel », souligne le jeune chef qui fait sienne la maxime de Ludwig Mies van der Rohe, considéré comme le père de l’architecture moderne (qu’il compare à la cuisine) : « Less is more ».
« Top Chef », une belle publicité !
Entretemps, en 2015, Martin a accumulé une nouvelle expérience : la confrontation en cuisine ou le « combat des chefs ». « Même si j’ai été éliminé, l’émission “ Top Chef ” fut une chouette expérience humaine et… une publicité incroyable pour le restaurant ! » sourit-il.
Martin se débrouille tellement bien que son père décide de se retirer en 2018 afin de le laisser développer sa propre cuisine. « Nous avons alors eu l’opportunité de reprendre le restaurant situé dans l’ancienne maison communale de Céroux, à Ottignies-Louvain-la-Neuve. Ce ne fut pas facile, car de grosses brasseries étaient sur le coup. Mais la commune a privilégié un projet à taille humaine. Et nous avons vite attiré aux « Tilleuls » une clientèle fidèle. »
Tout va donc pour le mieux dans le monde des Volkaerts. Jusqu’en mars 2020, lorsque les rafales de la pandémie renversent soudain les tables et rebattent les cartes. Les deux restaurants ferment, un service traiteur est mis en place à Genval. Le personnel, lui, s’en va grossir les rangs du chômage jusqu’à la réouverture estivale. « Quand la deuxième vague a commencé à se faire sentir, nous n’avons pas voulu nous faire avoir une nouvelle fois, nous avons décidé d’ouvrir une épicerie », commente Stéphanie. « En trois jours, la salle de restaurant a été vidée et le magasin installé, enchaîne Martin. Nous avons ainsi pu réengager toute notre équipe à mi-temps. Notre objectif principal. »
Un Epicéa Made in BW
C’est ainsi qu’à l’ombre de « L’Amandier », les clients ont vu apparaître une nouvelle enseigne durant l’automne 2020 : « L’Epicéa ». Au tableau, rien que des produits locaux. En effet, pour ne pas laisser tomber – décidément, c’est une manie ! – leurs fournisseurs, les Volkaerts ont décidé de mettre leur production en vitrine. « Nous travaillons depuis quelques années avec Made in BW, la plateforme provinciale qui rassemble les producteurs de la région, explique Marc’O. Viandes, beurre, fromages, fruits, légumes et… bières. Nous effectuons nos commandes chaque semaine en fonction des produits locaux disponibles. »
A 30 ans, Martin ne compte pas s’endormir avant d’avoir réalisé les 1.001 projets qui trottent dans un coin de sa toque. La priorité du jeune chef (marié à Laurence et papa de Jade et Louis) serait de créer une troisième implantation familiale afin d’y aménager des chambres d’hôtes couplées à un restaurant. Ruche idée. Au petit déjeuner, Stéphanie pourra ainsi proposer le miel de ses abeilles, une autre spécialité locale . « Si quelqu’un connaît une ferme en carré à vendre à Rixensart… »
« Nous travaillons depuis quelques années avec Made in BW, la plateforme provinciale qui rassemble les producteurs de la région. »
Les Tilleuls
Place Communale 2
B-1341 Céroux
+32 (0) 10 45 35 85