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Par Muriel Lombaerts
L’âme de la glace
Des glaces et sorbets gastronomiques élaborés avec des fruits ou légumes de nos jardins, c’est le pari que Baudoin Lénelle s’est lancé avec le Glacetronome, à Jambes. Osé, mais réussi.
© Springtime
Baudouin Lénelle est passionné depuis toujours par la recherche culinaire. « La cuisine, c’est de la physique et surtout de la chimie. Pour fabriquer nos glaces, nous utilisons le froid et le chaud afin d’assurer la pasteurisation, mais également parce que la crème glacée contient des ingrédients qui exprimeront mieux leurs propriétés gustatives et de texture s’ils sont amenés à certaines températures. L’exemple type, c’est le sucre. Pour faire du caramel, il faut monter à 175-180 degrés, ni plus ni moins, au risque de ne pas obtenir le goût souhaité. »
Au Glacetronome, une grande partie du travail, c’est également la chasse aux ingrédients, en privilégiant les circuits courts. « Pour faire de bons produits transformés, il faut de bons ingrédients au départ. Sans cela, on n’a aucune chance d’avoir une excellente crème glacée, même si cela ne suffit pas… »
A la poursuite constante de l’excellence, ce glacier passionné ne pouvait que croiser des producteurs enthousiastes. « Le lait et la crème fraîche viennent d’une ferme de Bouge, qui fait de l’agriculture raisonnée, à moins de trois kilomètres d’ici. Michel Doens est éleveur de vaches laitières. Il a été primé plusieurs fois pour la qualité de son lait, le plus protéiné de la province. Nous avons mis au point une crème fraîche avec 56 % de matière grasse qui apporte une grande onctuosité aux glaces. » Au-delà de la qualité du produit, c’est une véritable aventure humaine avec ses producteurs que Baudouin entretient. « Les deux filles de Michel, Clarisse et Eloïse, sont régulièrement présentes derrière le comptoir du Glacetronome. Il arrive qu’elles vendent la glace faite avec le lait qu’elles ont aidé à traire la veille. Difficile d’imaginer un circuit plus court ! »
© Jean-Pol Sedran
Réveiller l’émotion
Avec dix-huit saveurs au comptoir toute l’année, le Glacetronome propose des parfums classiques sublimés, telle la vanille de Madagascar, et d’autres plus originaux, comme le café blanc du Kivu et le thé Earl Grey de la boutique du « Fossé Fleuri », à Namur. Excepté pour la fraise et la framboise, il suit les saisons et présente régulièrement des parfums éphémères selon les arrivages et l’inspiration. « Les fraises Notre-Dame au Bois viennent de Wépion, les cerises de Hannêche, les prunes d’Erpent ou de Beez, le cassis de Malonne, les poires de Temploux… Quant au sucre, il est réduit au maximum : plus le fruit en contient, moins nous en ajoutons dans nos glaces. »
Un parfum semble faire l’unanimité : la pistache. « Aux Fêtes de Wallonie, une dame avait presque les larmes aux yeux en goûtant notre glace. Elle avait été en poste à différents endroits du globe et la pistache était son « mètre étalon ». Elle m’a dit que c’était la première fois qu’elle retrouvait le goût de la meilleure glace dégustée à Rome, même un tout petit peu meilleure ! Avec notre pistache bio, nous avions touché son âme et réveillé son émotion. »
Le journalisme mène à tout…
Issu d’une famille de huit enfants, Baudouin Lénelle s’est intéressé très tôt à la cuisine et aux desserts, notamment à la glace. « J’ai fait ma première crème glacée quand j’avais 5 ans en regardant ma mère. Mon père m’a montré un jour comment faire une tarte, puis j’ai trouvé une recette et je n’ai pas arrêté de l’améliorer. Je commençais le samedi à 14 heures et, à 16 heures, la pâtisserie était prête. Mercredi, c’était le tour des gaufres de Bruxelles. J’ai toujours voulu faire quelque chose dans la gastronomie… »
La vie, cependant, le mènera d’abord ailleurs. « A l’époque, les métiers de la restauration n’étaient pas bien vus. Quand j’ai osé dire chez moi que je voulais faire l’école hôtelière, je me suis fait remballer. J’ai donc étudié le journalisme et j’ai commencé à travailler dans les médias. J’ai adoré ça ! Le journalisme est un métier à la fois chronophage et stressant, mais passionnant. »
Parallèlement à son poste de rédacteur adjoint au quotidien « Vers l’Avenir », Baudouin suit une formation de traiteur-restaurateur afin d’avoir l’accès à la profession. Tout en continuant à se former, il travaille à l’agence Belga et à l’ONU, il dirige « Le Soir Magazine » et, enfin, Canal C, la télévision locale namuroise. A l’aube de ses 60 ans, il décide de se lancer avec l’aide d’un coach spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants d’entreprise. « Dès la naissance du projet, j’ai su qu’il allait y avoir une passerelle à Jambes. Pendant les trois années qui ont suivi, je passais voir s’il y avait quelque chose à acheter de ce côté. En vain. Jusqu’au jour où j’ai appris qu’une propriétaire vendait son bien au pied de l’enjambée. L’endroit rêvé ! »
Six mois après, le Glacetronome s’installe, soutenu entre autres par un crowdfunding. L’argent a notamment permis de payer le mobilier fait, sur mesure, par la Ressourcerie namuroise, une entreprise sociale de recyclage de meubles. « Tous nos emballages sont également recyclables et compostables » , souligne Baudouin.