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Par Muriel Lombaerts
A Rhisnes, depuis 1937, Cromarbo est une société familiale qui a le marbre dans le sang. Cette passion pour la pierre naturelle haut de gamme s’accompagne de conseils et services personnalisés pour une clientèle en provenance du nord comme du sud du pays.
En 1900, Armand Croonenberghs crée trois scieries: à Biesmes, à Tamines et à Rhisnes. C’est sur ce dernier site que Cromarbo exerce ses activités de grossiste depuis quatre générations. A ses débuts, l’entreprise importait des blocs de marbre, les sciait en tranches, les polissait et les stockait. Le matériau était importé d’Italie, du Portugal, d’Espagne et de France. Avec la mondialisation, l’activité a évolué. Le marbre vient des pays précités, mais également de Turquie, du Brésil, de Chine, d’Inde, d’Afrique… Et Cromarbo ne le scie plus, mais l’achète directement en tranches, le plus grand pays transformateur étant l’Italie, véritable plaque tournante en la matière.
Aujourd’hui, c’est Bruno Croonenberghs qui gère l’entreprise et en est l’administrateur délégué, alors qu’Isabelle s’occupe de l’administration interne, de la gestion journalière et des contacts avec les donneurs d’ordre. Le frère et la sœur travaillent en famille entourés d’une dizaine d’employés et ouvriers.
« Initialement, c’était un secteur très traditionnel et segmenté, expliquent-ils. Nous sommes des scieurs, nous vendons des tranches à des marbriers qui traitent ensuite avec des particuliers et des prescripteurs tels que cuisinistes, sanitaristes, etc. Depuis quelques années, il y a une explosion de variétés de marbres provenant du monde entier. Cette matière naturelle a retrouvé une véritable place dans la décoration intérieure, comme celle qu’elle occupait dans l’Antiquité, dans les églises et sur les monuments. Nous aimerions donc convaincre les architectes de travailler avec nos produits. C’est quelque chose de récent, qui perturbe un peu le côté traditionnel du métier où chacun avait sa place. De nos jours, en tant que grossiste, c’est vraiment important d’investir pour nous dans la visibilité, pour montrer que nous existons notamment auprès des architectes. »
Des concurrents situés en Flandre
Des architectes qui viennent de partout (Liège, Anvers, Gand, Bruges…) afin de visiter la dernière entreprise à faire ce métier en Wallonie, alors qu’historiquement ce type d’entreprise n’existait que dans cette région, là où était située la quasi totalité des carrières de marbre. « A l’exception de deux ou trois d’entre-elles, ces carrières ont cessé leur exploitation et les usines sont mortes, regrette Bruno. Aujourd’hui, nos concurrents directs sont des sociétés flamandes en moyenne dix fois plus grandes que la nôtre. Mais nous misons tout sur une niche que nous essayons de soigner : les marbres complexes, beaux, décoratifs. De plus, nous avons transformé notre faiblesse en force en tant que petite entreprise : nous pouvons accompagner et conseiller personnellement nos clients du début à la fin. » Et Isabelle d’enchaîner : « Ils savent à qui ils ont affaire. Il n’y a pas 36.000 interlocuteurs qui transmettent leur demande puis la traitent. Nous les connaissons, ils nous connaissent. Une relation de confiance s’installe. Nous sommes peu nombreux et nous pouvons nous permettre ça. Avoir cette dimension familiale, nous permet de miser avant tout sur le conseil plutôt que la vente à tout prix. »
Proches des gens
Ces dernières années, Cromarbo a effectué la moitié de son chiffre d’affaires en Flandre et l’autre moitié en Wallonie. « En 2017 et 2018, nous avons même vendu un peu plus dans la partie nord du pays. C’est grâce à notre particularité wallonne de faire les choses. Nous sommes proches des gens. Nous préférons la notion de partenariat plutôt qu’un rapport de force. Avec nos fournisseurs comme avec nos clients. »
Un nouveau défi ? « Désormais, nous devons jouer le rôle du marbrier auprès des prescripteurs. Nous ne leur vendons pas les matériaux, mais nous les conseillons. D’ailleurs, quand ils nous rendent visite, certains marbriers sont eux-mêmes surpris de la diversité de l’offre. Des matériaux (marbre, granit, quartzite, pierres bleues, pierres blanches...), mais aussi les épaisseurs et finitions (polies, adoucies…). Depuis une dizaine d’années, pour répondre à la demande, nous proposons aussi des matériaux composites de quartz et de la céramique. C’est différent, mais une belle alternative malgré tout. »
Des cadeaux de la nature !
Entreprise familiale, Cromarbo prône des valeurs chères à Isabelle et Bruno : la passion de la pierre naturelle, mais aussi l’écoute, le partage, le service et l’humanité. « Nous partageons le goût pour la beauté des matières naturelles, souligne Isabelle. Parfois, dans une tranche que nous avons vue déjà dix fois, nous voyons autre chose la onzième fois ! C’est magnifique, comme une œuvre artistique. J’espère que nous arrivons à faire découvrir cela aux autres et à leur transmettre notre passion. Car, bien plus que le fait de vendre, nous aimons la notion de partage. »
« Nous vendons des morceaux de la nature qui sont de véritables cadeaux, complète son frère. Ces marbres et granits ont été formés il y a des millions d’années. Savoir que certaines pierres ont été extraites dans différents pays du monde et qu’elles ont des millions d’années, nous apprend à les voir différemment, à les respecter, à être humble. »
Le marbre en Belgique
Nombreux sont celles et ceux qui pensent qu’il n’y a plus de carrière de marbre en Belgique. Pourtant, son extraction n’est pas terminée. Les marbres rouge et gris, ainsi que le marbre noir, continuent à être exploités. Les premiers, qui sont utilisés pour les monuments et sites, ainsi que dans la rénovation, sont extraits dans la carrière de Hautmont à Vodelée (Doische) et ont pour appellation « Rouge Royal », « Rouge Griotte » et « Gris des Ardennes ». Quant au marbre noir belge, connu dans le monde entier comme étant le seul marbre pur grâce à sa texture et à sa profondeur particulière, son exploitation continue à Bossières (Gembloux), dans une carrière souterraine organisée comme une mine (il existait jadis à Rhisnes une autre carrière souterraine de marbre noir, mais elle s’est effondrée il y a environ 50 ans). Connu sous le nom de « Noir de Mazy » ou de « Marbre Noir de Golzinne », il est surtout apprécié pour la décoration intérieure.
Notons que tant le marbre noir de Bossières que les marbres rouge et gris de Vodelée sont exploités par la SA Merbes-Sprimont, à Merbes-le-Château. Où Cromarbo se fournit bien sûr également.