- Dossier
Par Guy Delville
Pourquoi faire venir de l’autre bout du monde ce que nous avons sur place ? Pourquoi ne pas privilégier le commerce et les producteurs locaux ? Philippe Limbourg, l’ancien directeur du Guide Gault&Millau, nous livre son point de vue sur les circuits courts. Un avis éclairé.
Un circuit court est un circuit d’approvisionnement impliquant un nombre limité d’opérateurs économiques engagés dans la coopération, le développement économique local et des relations géographiques et sociales étroites entre les producteurs, les transformateurs et les consommateurs. Ces filières commerciales reliant et rapprochant consommateurs et producteurs doivent être durables et de proximité. Si la production de fruits se fait avec grand usage d’engrais chimiques en Wallonie, c’est local, mais ce n’est pas durable. De même, des fruits venant d’Australie et vendus chez nous, ce n’est pas local. Ajoutons aussi que des liens de coopération ainsi que l’équité dans les échanges financiers doivent bien être présents et respectés.
Pour discuter de cette problématique et de ses prolongements en matière de gastronomie, WAW a rencontré Philippe Limbourg, l’ancien directeur du Guide Gault&Millau. Ses multiples contacts avec le monde de la « cuisine » l’ont conduit à avoir une réflexion plus positive vis-à-vis des chefs et surtout de provoquer, dans le public, le désir de mieux connaître et apprécier le travail des cuisiniers : un métier dont on ne se rend pas toujours compte de ses énormes difficultés et de ses constants dangers.
Si ce connaisseur des produits de la bouche est convaincu que les circuits courts représentent l’avenir, encore faut-il convaincre les consommateurs. C’est la demande qui doit faire l’offre et non l’inverse. Il faut absolument donner, et surtout laisser en héritage à nos enfants une terre riche, exempte de pesticides. Les questions se bousculent. Pourquoi faire venir de l’autre bout du monde ce que nous avons sur place ? Pourquoi ne pas respecter le rythme des saisons dans notre consommation journalière ? Pourquoi ne pas privilégier le commerce et les producteurs locaux ? Pourquoi ne pas « vivre » plus près de chez soi en découvrant toutes les valeurs existantes à portée de main ?
« Il est évident que les produits locaux ont des avantages manifestes, tels que la redécouverte des produits de saison, un niveau de fraîcheur du produit à peine cueilli et surtout un rééquilibrage de notre vie et même l’aménagement du temps de travail », explique notre spécialiste. « Il faut bien sûr pouvoir prendre le temps et « attendre la nature ». Un des handicaps est que l’on ne trouve pas tout au même endroit, mais l’on constate que de plus en plus d’initiatives voient le jour » (cf. page 66).
Concernant la gastronomie belge, Philippe Limbourg estime que la diversité entre le sud et le nord de notre petit pays est un bien énorme dans lequel chacun doit garder ses spécificités. « Arrêtons donc de regarder, avec envie, ce qui se fait à l’extérieur et restons fiers de nos chefs et de nos producteurs. Et réfléchissons ensemble sur le façon de sensibiliser et de convaincre nos proches voisins de venir chez nous en restant « local » dans tous nos contacts. »
N’oublions pas non plus que l’accroissement des produits locaux et leur diffusion concourent au développement du tourisme dans nos régions. Et si l’attractivité d’un site se complète de jolies surprises dans l’assiette, que demander de plus ? Un peu d’insolite ? De cela, la Wallonie n’en manque pas non plus !
Des restaurants haut de gamme
Des belles adresses qui respectent les circuits courts ? L’ancien directeur du Gault&Millau en a plusieurs en bouche : « L’Air de rien », à Esneux, où l’autodidacte Stéphane Diffels a créé l’originalité; le « Little Paris », à Waterloo, qui est une invitation à partager des plats peu communs; le « Vino Vino », à Namur, qui a mué son bar à vins en un jeune restaurant déjanté; la « Grappe d’or », à Torgny, où Clément Petitjean est devenu un puriste cohérent de la meilleure veine; « L’Air du Temps », à Liernu, où San Degeimbre multiplie ses audaces créatrices… »
L’Atelier de La Manufacture Urbaine
C’est un lieu pluriel au cœur de la ville de Charleroi. On y brasse de la bière, on produit du pain et torréfie du café. On accueille le client le temps d’une dégustation, d’un verre entre amis ou d’une petite restauration. Il est aussi une épicerie où s’approvisionner en produits locaux. Plus encore, on propose des interventions, concerts, expositions, ateliers et événements sur mesure. Un lieu où s’entretiennent et se partagent des « arts de faire » et où se brasse la culture, en tous sens.
La Ferme à l’Arbre de Liège
Voici un magasin d’alimentation convivial, spécialisé et durable. Convivial parce qu’avec sa conception écologique et harmonieuse, il invite au contact. Ses 350 m² permettent un assortiment très complet de produits bio sur un espace à taille humaine, où tout est à portée de la main. Spécialisé parce qu’on y retrouve tout le bio avec, dans chaque domaine, des collaborateurs compétents, prêts à aider et conseiller. Et durable parce que le magasin joue à la fois la carte du « bio » et celle du « local ». Pour de nombreux produits, le client est même chez le producteur ! Un plaisant restaurant complète les lieux.
Bon.comme, à Walhain
Ici, pas de fioritures. La boulangerie est comme un art venu du fond des traditions. Pour Pascal Donnet, tout commence par le choix de la farine, principalement d’épeautre, affaire de goût. Pas question d’additifs « améliorants » destinés à faire lever la pâte plus vite, pour produire un pain façonné tous les jours à l’identique. « Les pâtes doivent lever à maximum 20 degrés », explique avec précision le maître des lieux. « Si la température est supérieure, il faut hydrater davantage, veiller à obtenir une élasticité, qui rend aussi le pain digeste. » (J.G.)