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Dupuis, 120 ans de travaux fort gais

  • Portrait
Hainaut  / Charleroi

Par Thierry Tinlot

On ne dirait pas comme ça mais l’éditeur des « Nombrils » et de « Largo Winch » fête cette année ses…  120 ans ! L’occasion pour Dupuis de regarder  non pas en arrière mais devant lui. Vers l’infini… et même au-delà !

 

 
 

Quelle destinée ! Quelle aventure ! En se faisant virer du journal « L’Union » de Charleroi parce qu’il était allé à la messe (!) le dimanche de Pâques plutôt que de venir travailler, le jeune Jean Dupuis n’imaginait sans doute pas les conséquences qu’allait avoir son geste pieux.

Nous sommes en 1894. Le jeune homme parvient à s’acheter sa première presse. Après avoir imprimé des prospectus et étiquettes pour les commerçants de la région, il sort son premier livre en 1898 « L’Histoire de Saint-Hubert », un ouvrage écrit par un géomètre du coin. Les Editions Dupuis (Typographie – Lithographie – Timbrage) étaient nées. Au 41 de la rue des Hauchies (future rue Destrée), à Marcinelle.

Une usine à héros

En 1938, les Editions Dupuis sont alors bien installées et leurs revues « Le Moustique » et « Les Bonnes Soirées » se vendent bien. Un seul public cible échappe toutefois à l’éditeur, les enfants. A l’époque, hormis « Le Petit XX» et son héros Tintin, il n’y avait rien pour eux sur le marché. Jean Dupuis, soucieux de proposer de saines lectures à la jeune génération, lance alors un hebdomadaire, qu’il baptise Spirou. Ce mot wallon signifie à la fois « écureuil », mais également « gamin espiègle ». On notera que le journal que nous connaissons tous a eu un obscur ancêtre. En effet, à la fin du XIXe, une gazette bimensuelle en wallon de Liège circulait sous le nom de « Li Spirou » !

Après des débuts en fanfare – mais aussi un arrêt momentané durant l’Occupation –, Spirou connaîtra son âge d’or dans les années ‘50 et ‘60. A feuilleter les numéros de l’époque, on y retrouve des classiques : Spirou et Fantasio, Tif et Tondu, Lucky Luke, Buck Danny, Gil Jourdan, Boule et Bill, Les Schtroumpfs, Johan et Pirlouit, Gaston… Tous tenants de ce qu’on appelle aujourd’hui « L’Ecole de Marcinelle ». A l’époque, c’était la bagarre chaque semaine entre les deux hebdos mythiques qu’on s’arrachait dans toutes les familles belges : Spirou et Tintin.

Plus tard, de nouvelles générations d’auteurs créeront dans les pages du journal des séries inoubliables comme Les Tuniques Bleues, Yoko Tsuno, Natacha, Pierre Tombal, l’Agent 212, les Femmes en Blanc, Broussaille, Le Petit Spirou, Kid Paddle, Les Nombrils, Dad, Frnck… Des milliers d’albums qui, aujourd’hui encore, font rosir de bonheur les Editions Dupuis, fier éditeur de toutes ces merveilles.

Créateur d’univers

Arrêtons-nous là pour l’histoire. Les Editions Dupuis vont donc, en 2018, fêter leurs 120 années d’existence. Mais l’éditeur, même s’il honore avec talent et créativité son prestigieux patrimoine, est essentiellement tourné vers l’avenir. A un point tel qu’il ne se définit plus aujourd’hui comme un « éditeur de bandes dessinées ». « Je rappelle, explique Serge Honorez, directeur éditorial et de la création, que Dupuis était au départ un imprimeur, pas un éditeur. Jean Dupuis avait toujours rappelé à ses enfants qu’ils devaient garder une certaine humilité par rapport au métier. Un métier qui évolue. Aujourd’hui, les enfants et les ados ne font plus la différence entre un livre, une tablette, un dessin animé, une BD, du cinéma, un jeu vidéo… Ils consomment de tout, tout le temps, sur des tas de supports. L’idée est donc, depuis quelques années, de positionner Dupuis davantage comme un « créateur d’univers racontés graphiquement ». En anglais, ça sonne mieux. Dupuis est devenu un producteur de « graphic storytelling », tout en s’appuyant sur notre savoir-faire du livre. »

Les supports ont évolué. Et la création, logiquement, a suivi. Les formats ont explosé, se sont multipliés. Prenez « Petit Poilu », par exemple. Au départ, cette série pour enfants (créée par les Liégeois Pierre Bailly et Céline Fraipont) faisait partie d’une collection « premier âge ». Depuis, c’est devenu une série d’animation diffusée dans plusieurs pays. Mais également des livres pour la jeunesse. « Le contenu est fort, rajoute Serge Honorez. Il plaît aux enfants qui ne savent pas encore lire. A nous, éditeurs, de leur proposer la forme qui leur plaira le mieux pour rentrer dans l’univers. »

De l’album au grand écran

Ces dernières années, Dupuis (qui fait partie du groupe français Média-Participations) a fortement développé son implication dans la production audiovisuelle. En 2018, pas moins de trois longs-métrages verront le jour au cinéma. « Spirou et Fantasio » d’Alexandre Coffre, sorti en février, sera suivi par « Gaston » (Pierre-François Martin-Laval) et « Tamara Volume 2 » (Alexandre Castagnetti). « Avec une nuance importante, souligne Serge Honorez, contrairement aux séries d’animation, sur lesquelles nous sommes actifs depuis une vingtaine d’années, Dupuis n’a pas vocation d’être un producteur de séries ou films « en live », avec des vrais acteurs. Notre participation à une co-production consiste donc en l’apport des droits d’adaptation. Par ailleurs, avec le développement des systèmes d’aides publiques (le taxshelter fédéral), nous avons développé un vrai savoir-faire en termes d’optimisation fiscale. C’est par exemple de la sorte que nous nous sommes retrouvés dans la co-production de « La Tortue Rouge », le dernier long-métrage du mythique studio japonais Ghibli. »

Dreamwall, Keywall…

Lorsqu’on entre au 52, rue Destrée, tout n’est pas dédié à la BD, loin de là. On y trouve également Dreamwall, un studio d’animation 2D et 3D, qui travaille tant pour les sociétés maison (Belvision en Belgique et Dupuis Audiovisuel en France) que des clients tiers. Un des fleurons de la boîte, « Astérix et Le Domaine des Dieux », sorti en 2014.

Mais ce n’est pas tout. Si on pousse encore une porte, on se retrouve dans l’univers très « matrixien » de Keywall, un ensemble de studios réels mais aussi virtuels qui travaille pour la télé, le cinéma ou le web. La météo de la RTBF y est par exemple produite « en live » chaque jour. C’est également Keywall qui avait conçu le studio « numérique » qui a servi à France 2 lors des dernières élections présidentielles. Keywall est une joint-venture entre la RTBF, Dupuis, Sambrinvest, Wallimage, TéléSambre, RTC Liège. Que du beau monde !

Un dernier projet pour la route

Connaissez-vous « R/O Institute » ? Il s’agit d’un incubateur de projets artistiques dont la spécificité est de pouvoir se décliner sur plusieurs supports, qu’il s’agisse de web, de papier, de télé, de cinéma ou encore d’une appli dont vous et moi n’avons pas encore entendu parler… puisqu’elle est seulement en train d’être inventée ! C’est ce qu’on appelle des projets transmédia. Il s’agit en fait d’une formation d’une durée de 5 à 7 mois, durant laquelle les créateurs sont accompagnés par des spécialistes pour les aider à développer tous les aspects de leur œuvre : création, fabrication, marketing, commercialisation, marchés internationaux, contrats, networking…). Pour sa première promotion, « R/O » accueille actuellement une dizaine de pensionnaires. Ici aussi, toute une série d’institutions ont eu le nez creux en soutenant l’initiative : Média-Participations, Sambrinvest, Wallimage, Quai 10, la RTBF et la Ville de Charleroi.

Pour parodier un célèbre dessin animé mettant en scène des jouets : Dupuis célèbre ses 120 ans en regardant vers l’infini… et même au-delà !

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