- Portrait
Par Waw
« À l’époque, on entendait parler du miracle et des tigres asiatiques. Je me suis dit avant de commencer à travailler pour du vrai, je vais passer un an là-bas pour découvrir ce qui se passe dans ce monde en pleine effervescence. Accenture était d’accord de reporter mon contrat d’un an, j’allais revenir avec d’autant plus d’expérience. »
Nous arrivons à la Sungai Besi Air Force Base, du nom local et familier de Simpang Airport, une base militaire au centre de Kuala Lumpur. C’est là que Jean-François nous attend pour nous faire prendre un peu de hauteur ! Tout en se dirigeant vers un cessna 172 qui nous attend sur le tarmac, il nous parle de sa passion. « J’ai toujours voulu piloter, c’est un vieux rêve ! Jeune, je me suis dit “Je ne peux pas me le permettre, c’est trop cher”. Quelques années plus tard, je me suis dit “Je ne peux pas me le permettre, je n’ai pas le temps”. Et un jour, je me suis dit “Peu importe le temps, peu importe l’argent”, et je suis rentré au Royal Selangor Flying Club. Quand on est membre, c’est un peu comme si chacun était propriétaire d’un morceau d’avion, ça rend cette passion que nous partageons tous plus accessible. » Ce qui plait à Jean-François dans l’aviation, c’est non seulement le fait de voler – d’ailleurs le parapente et l’ULM font également partie de ses violons d’Ingres –, mais aussi de partager cette expérience magique avec ceux qui n’en n’ont pas les moyens. « C’est un quadriplace, que l’on soit un ou quatre, c’est le même prix. Nous allons donc partir vers le nord, quitter cette base militaire protégée pour nous poser sur une piste de gazon à deux pas d’un village en bord de mer. Vous verrez, à peine descendus, les villageois et leurs enfants vont accourir. » Jean-François n’avait pas menti, un petit attroupement de curieux se presse autour du cessna. Cette petite popu- lation est représentative de la Malaisie ; sur une dizaine de personnes, nous découvrons une femme voilée et son mari, des Malais musulmans, une famille indienne et un papa d’origine chinoise avec ses deux enfants. Ici, la multiculturalité est à son comble. Jean-François, comme un poisson dans l’eau, est dans son élément et ça se voit ! Il embarque deux jeunes adolescents et s’envole pour un nouveau tour !
On voyage pour changer, non de lieu, mais d’idées...
Jean-François est Ardennais, il a grandi à Ozo, un hameau situé dans Izier, une section de Durbuy. Il suit un Master en informatique aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur et déjà, il a une idée très précise de son avenir. « Mon ambition était d’être embauché par ce qui était à l’époque Andersen Consulting et qui est maintenant Accenture, dans leur division Change Managment. Fixé sur mon objectif, je les avais contactés et, avant même que je finisse mes études, ils m’ont offert le contrat que je voulais. C’était en 1992. Je faisais alors partie d’une association qui s’appelait l’AIESEC, l’Association Internationale des Étudiants en Sciences Économiques et Commerciales, grâce à laquelle j’avais déjà voyagé beaucoup, car je faisais partie de leur international training team. J’ai été en formation partout. En Europe, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et de l’Ouest, en Amérique du Nord... mais je n’avais jamais été en Asie du Sud-Est. À l’époque, on entendait parler du miracle et des tigres asiatiques. Je me suis dit, avant de commencer à travailler pour du vrai, je vais passer un an là-bas pour découvrir ce qui se passe dans ce monde en pleine effervescence. Accenture était d’accord de reporter mon contrat d’un an, j’allais revenir avec d’autant plus d’expérience. »
« Nous nous sommes rendus compte que la plupart du temps, les gens sous-estiment leur potentiel. Il en résulte que leurs réalisations seront à la mesure de ce qu’ils pensent être capables de faire. En évaluant leur potentiel et en leur démontrant qu’il est supérieur à ce qu’ils avaient pensé, nous leur offrons les moyens de l’exploiter au maximum et donc d’aller bien plus loin. »
Jean-François trouve alors une belle opportunité en Malaisie, en tant qu’enseignant stagiaire dans une université privée. Il commence par enseigner l’informatique, l’année se passe bien, tellement bien qu’elle s’étire jusqu’a près du double... Accenture attend toujours !
Accenture versus tigres asiatiques
« À la fin de la deuxième année, je me suis dit “Il faut faire un choix, soit je rentre soit je reste !” Je suis rentré et j’ai rencontré les patrons d’Accenture. Celui qui était en face de moi m’a demandé “Si vous nous rejoignez, qu’aimeriez-vous faire ?” Je lui ai expliqué et il m’a répondu. “En gros, vous voulez mon boulot !” Il était alors très clair que je ne serais plus capable de rentrer dans des structures aussi formelles, alors qu’en Asie, j’avais le champ libre pour faire ce que je voulais. J’ai donc choisi l’Asie, ça fait bientôt 22 ans et je suis toujours là ! »
Jean-François a été employé dans le Raffles Education Group, une université privée, pendant 10 ans, période durant laquelle ils ont créé une entité consacrée aux entreprises dont il avait la gestion. En 2002, ce département sort de l’université pour prendre son autonomie, c’est alors qu’Imperial Consulting voit le jour ! Il a parmi ses clients des noms illustres mais, sur ce sujet, nous n’aurons pas plus d’information, secret professionnel oblige ! Par contre sur le core business, il est intarissable. « Nous faisons de la formation en entreprise, principalement des multinationales, des grandes entreprises nationales, ou des entités gouvernementales. On travaille typiquement au niveau midto-senior level management, des managers, directeurs, ou vice-présidents, avec une spécialisation en leadership. Notre boulot est de préparer les leaders à prendre une position de leadership encore plus importante au sein de leur société. Nous travaillons sur l’hypothèse que chaque cas est unique, et donc le plus important est d’écouter, de comprendre, d’identifier la situation actuelle, d’identifier la situation désirée, et de développer au cas par cas, des solutions qui les emmènent d’où ils sont vers là où ils veulent aller. »
Évaluer son potentiel, c’est se donner les moyens de l’atteindre !
Aujourd’hui, Imperial Consulting développe de nouveaux outils afin de diversifier les compétences qu’ils mettent à disposition de leurs clients. L’un d’entre eux est basé sur l’évaluation. « Nous nous sommes rendu compte que, la plupart du temps, les gens sous-estiment leur potentiel. Il en résulte que leurs réalisations seront à la mesure de ce qu’ils pensent être capables de faire. En évaluant leur potentiel et en leur démontrant qu’il est supérieur à ce qu’ils avaient pensé, nous leur offrons les moyens de l’exploiter au maximum et donc d’aller bien plus loin. » Deuxième outil, le coaching. Ici, il se base sur le modèle développé dans l’actuariat, où “éclairer les risques, tracer l’avenir” se transforme en “éclairer les potentiels, tracer l’avenir”. Et enfin, le dernier développement en cours, l’e-learning. « On répond aux attentes des clients qui ont de plus en plus de difficultés de laisser partir leur personnel en formation. On limite le temps et le coût des déplacements. C’est ce qu’on appelle du blended-learning, qui associe de la formation directe, du e-learning et de la visioconférence. »
Un homme multi-casquettes !
De son passage à l’Université, Jean-François a gardé un rôle prépondérant. Il préside le conseil académique, et nous confie en riant qu’il est en gros « l’emmerdeur » en chef ! Il est aussi directeur de la Malaysia Belgium Luxembourg Business Council et vice-président de la EU-Malaysia Chamber of Commerce & Industry, et sans doute quelques autres titres qu’il nous cache par soucis d’humilité. Autant de fonctions qui lui font parcourir le monde avec Singapour, les Philippines, l’Indonésie, et l’Inde comme incontournable circuit.
Et quand on lui demande s’il a bel et bien attrapé la fièvre asiatique ou ce qui du côté du soleil levant est si différent de chez nous, il répond que là-bas, la croissance n’est pas un concept d’économiste ! Elle est étonnamment visuelle, si elle augmente de 7 %, il y a 7 % de voitures en plus sur la route et 7 % d’immeubles en plus dans la ville. Avec l’ouverture de la Birmanie et le Vietnam qui se développe à vue d’œil, les opportunités ne tarissent pas.
Les tigres n’étaient pas un mythe, et avec les dragons déjà en place, ils font sérieusement pencher la balance, surtout si l’on y ajoute un climat de rêve. Mais même à 10 000 kilomètres de chez lui, un Ardennais reste un Ardennais ! Jean-François est petit-fils d’agriculteur et, quand il revient chez lui, son attachement à la terre lui rappelle qu’il n’y a pas de profession plus noble que celle de la cultiver !