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© Bureau Asymétrie

La Manufacture Urbaine

  • Tendance
Hainaut  / Charleroi

Par Carole Depasse

À la fois micro-brasserie, boulangerie, bar, restaurant, espace d'expositions et de concerts, lieu de rencontres et de vie, la future Manufacture Urbaine (MU) pose, en plein cœur de Charleroi, les bases d’une économie verte à l’heure de la troisième révolution industrielle. En chantier, la MU ouvrira ses portes en février 2017.

 

La Manufacture Urbaine est un concept à trois volets ?

Sébastien Biset, régisseur de la MU – Si l’on veut. Effectivement, trois bâtiments sont actuellement investis. Au final, ils feront tous partie du même projet. L’Atelier de la MU est le bâtiment principal, c’est-à-dire, d’une part, un espace de production « alimentaire » – une micro-brasserie produira des bières, une boulangerie du pain et nous torréfierons du café – et, d’autre part, un espace de consommation. Consommation non seulement de produits de bouche fabriqués sur place (sous forme de petite restauration), mais aussi de produits culturels variés. L’Atelier sera un espace ouvert de concerts, de conférences, de débats, de workshops et de rencontres. Un espace culturel au sens très large.

 

Charleroi va donc être envahie des odeurs de houblon, du pain qui cuit et de café moulu ? Les senteurs nouvelles de la troisième révolution industrielle...

SB – Exactement, puisque l’Atelier de la MU prendra place dans une ancienne manufacture (imprimerie) du centre-ville, rue du Brabant, bien connue de tous les Carolos, puisqu’elle abrita les collections de la Médiathèque avant que celle-ci ne déménage au Palais des Beaux-Arts. L’histoire du bâtiment est intéressante, ainsi que son architecture. Le bâtiment est conçu sur trois niveaux qui communiquent autour d'un atrium, ce qui correspond à notre idée du projet.

©Iwert Timmermans

Et quelle est cette idée ?

SB – L’Atelier de la MU ne sera pas juste un lieu de consommation. Les initiateurs du projet souhaitent que la MU s’ouvre sur une dimension éthique à tous les niveaux. Du point de vue économique, nous voulons aller dans le sens de la micro-économie et de la production locale – en d’autres termes, le modèle du producteur au consommateur. Il s’agira aussi de ne pas distribuer nos produits au-delà du « Grand Charleroi ». Et quand distribution il y aura, elle se fera avec un véhicule électrique. La MU produira donc pour le Pays de Charleroi. C’est une manière de contrôler l’empreinte carbone des produits, puisque nous savons tous que la logistique de distribution est une donnée qui fait grimper cette empreinte. L’idée est aussi que la MU soit un prototype que l’on puisse développer dans d’autres villes.

 

Qui finance ce projet ?

SB – Les initiateurs du projet viennent du monde industriel, notamment de la production et de la vente de machines pour la fabrication et le conditionnement de boissons (on navigue ici dans la constellation Krones, Kosme, SPS, IBBH). Familiarisés avec le monde brassicole et la mise en place de salles de brassage, ces trois investisseurs (dont l'un, Jurgen Dewijn, est originaire de Charleroi, ce qui explique une implantation « coup de cœur ») ont souhaité réaliser quelque chose dans cette ville, aujourd'hui. La micro-économie, c’est dans l’air du temps. Ils estiment donc nécessaire de s'adapter à cette forme d'échange, de circulation, à cette reconfiguration du marché. Selon certains, nous serions entrés dans une nouvelle révolution industrielle et économique, avec le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et la tendance du pouvoir latéral (le passage du pouvoir hiérarchique ou vertical au pouvoir horizontal, décentralisé et démythifié). Par ailleurs, le financement venant du monde industriel, cela confère au projet une liberté totale. Et ce, même si nous travaillons en étroite collaboration avec les opérateurs de la Ville de Charleroi (dont Charleroi Bouwmeester et le monde culturel), parce que nous voulons faire les choses dans l’esprit de la ville. Nous souhaitons créer du lien, des passerelles, et renforcer les synergies.

 

Et quel sera votre rôle ?

SB – J’ai été approché par les initiateurs du projet parce que mon regard n’est pas celui d’un industriel. Je suis docteur en histoire de l’art, professeur en arts et programmateur culturel, par ailleurs sensible au domaine de la zythologie (ou science de la bière). Mon approche est historique, éthique (au sens premier de « coutume » et de « mœurs »), presque socio-anthropologique. Je suis chargé d'assurer la cohérence du projet dans sa globalité comme de son image (communication visuelle, activités, programmation culturelle, etc.). La rencontre entre le monde culturel et le monde industriel me semble intéressante. On peut faire beaucoup de choses, car, de plus en plus, la culture subsidiée devient problématique, car les finances publiques s’effondrent. Il faut de plus en plus de leviers pour faire avancer la culture et, à mon sens, celui-ci en est un. On peut donc parler d'entrepreneuriat culturel et créatif, qui entend coexister et se joindre aux dynamiques associatives qui font la culture de la ville. Comprenez qu'il n'y a ici rien d'« institutionnel ».

 

Quels sont les deux autres bâtiments qui entrent dans ce projet ?

SB – Le second bâtiment se situe à peine à 500 m du premier. Il s’agit de l’ancien bâtiment Randstad, place Buisset – à la sortie de la gare, vous traversez la Sambre et vous arrivez sur cette place qui, d'ici peu de temps, sera essentiellement dévolue à l'Horeca. Là, nous allons ouvrir un restaurant, La Table de la Manufacture Urbaine, tenue par le chef Thierry Robinski (ex-Taverne Prince Baudouin). Vous pourrez y consommer des produits de la MU, des produits locaux et du terroir. Nous restons dans une même logique en mettant en avant des produits de qualité et du coin.

Le troisième bâtiment se situe entre les deux, Quai de Brabant n° 11, le long de la Sambre. Ce sera d'ici peu le siège administratif de la MU, mais aussi un endroit où nous recevrons des partenaires potentiels. Nous y installerons notre « laboratoire » où nous expérimenterons des recettes avec nos collaborateurs, parce que nous allons produire des bières (cuvées limitées, pour telles et telles circonstances) pour et avec les opérateurs culturels eux-mêmes, dans l'esprit de la MU (nous souhaitons éviter les logiques « bières à façon » et « à étiquette », qui, aux yeux de beaucoup, manquent d'authenticité). Les deux premières bières de la MU, mises au point par notre Maître Brasseur, Jonathan Blondiau, seront d’ailleurs proposées à l’occasion du Festival Asphalte, les 28 et 29 octobre prochains.

 

La Manufacture Urbaine
Rue de Brabant, 2
B-6000 Charleroi
 

 
Bio express de Sébastien Biset

Sébastien Biset est docteur en histoire de l’art et zythosophe. À ce titre, il mène une réflexion sur la zythologie entendue comme la science de la bière et questionne les notions d’ivresse. Il est, en tant que Maître serveur de bière certifié, à l’origine de différents bars « situationnels » de fortune et de circonstances et brasse sa propre bière. Ses travaux sur l’art, son parcours dans le champ de la philosophie, de l’histoire et des lettres, complétés par une formation dans l’Horeca et une expérience dans la programmation et la médiation culturelles le conduisent à créer l’Institut de Zythosophie, appelé le Cloître. Son implication dans le projet de la Manufacture Urbaine poursuit un cheminement culturel personnel.

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