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Par Gilles Bechet
Lauréate 2018 du Grand Prix Wallonie à l’Exportation, l’entreprise liégeoise Lasea est une des entreprises les plus performantes au monde dans la technologie du laser haute précision. Elle compte parmi ses clients des pointures de la Silicon Valley, le top mondial de l’horlogerie et des géants pharmaceutiques.
Vous ne connaissez peut-être pas Lasea. Cette entreprise basée à Angleur, sur les hauteurs de Liège, dans le quartier du Sart Tilman, s’est vue décerner en juin dernier le Grand Prix Wallonie à l’Exportation 2018. 95% des machines conçues par Lasea partent à l’étranger, dans pas moins de 27 pays dans le monde ! Son domaine d’activité ? Le laser. Extrêmement précises, ces machines permettent de graver, couper ou souder des surfaces infimes de plastique, de métal ou de verre. Certains lasers développés par Lasea sont capables de faire des trous de 0,2 micron, soit 250 fois moins que le diamètre d’un cheveu ! Seule une poignée d’entreprises dans le monde peuvent fournir cette technologie de pointe. C’est cette singularité qui permet à l’entreprise wallonne de rayonner aux quatre coins du globe. Citons parmi ses clients des grandes sociétés de la Silicon Valley, le top mondial de l’horlogerie et des géants pharmaceutiques comme Sanofi ou GSK.
Le démarrage dans une cave !
A l’instar de Steve Jobs et d’Apple, l’aventure de Lasea a démarré voici 20 ans dans… une cave. « J’ai démarré l’entreprise seul, en 1999, à l’âge de 25 ans, sourit Axel Kupisiewicz, CEO de Lasea. Après mon diplôme d’ingénieur et d’économiste, j’ai travaillé durant un an et demi au Centre Spatial de Liège, situé juste à côté des locaux actuels de Lasea (un parc où sont situées d’autres entreprises à la pointe dans le secteur spatial et des nouvelles technologies, ndlr). Je voulais me lancer en tant qu’indépendant, je n’avais ni argent ni produit à vendre. J’ai loué une cave et l’aventure a démarré. » Rejoint par des amis, le jeune entrepreneur développe d’abord un procédé d’enlèvement de couches sur pare-brises, technique qui séduit des grands noms du vitrage automobile comme AGC ou Saint-Gobain. D’autres applications, comme la soudure de plastique grâce à la lumière, séduisent ensuite des entreprises comme Daïkin ou Zefal.
Deux axes : le luxe et le médical
Lasea franchit un second cap en 2003 en misant sur une toute nouvelle technologie à l’époque : le laser femtoseconde. Ce laser donne des impulsions ultra-courtes, de l’ordre d’un millionième de milliardième de seconde, qui permettent ainsi de travailler avec de la lumière sur un matériau sans véhiculer de chaleur. « C’est via cette technologie que sont conçues les vitres fines des Smartphones ou certains écrans plats des télévisions, poursuit l’entrepreneur originaire de Soumagne. A l’époque, personne n’y croyait mais notre pari s’est avéré gagnant. »
Lasea vend ainsi une machine laser femtoseconde… entre 350.000 et 1 million d’euros ! Toutes les machines sont assemblées sur le site d’Angleur, où des ingénieurs spécialisés conçoivent et développent régulièrement de nouveaux prototypes. Car les machines proposées par Lasea ne se résument pas à de simples lasers, elles s’apparentent dans certains cas à des lignes de production automatiques robotisées. « Pour faire simple, la technique du laser s’apparente à celle d’une imprimante 3D, sauf qu’au lieu d’ajouter de la matière, on enlève de la matière, explique Axel Kupisiewicz. Le client conçoit ainsi un dessin sur ordinateur et le fait ensuite graver, souder ou couper par un laser sur différents matériaux. »
Grâce au temps et à l’expérience, l’entreprise liégeoise s’est spécialisée dans deux domaines : la médecine et le luxe. Convoitée par les plus grandes marques de montre, les solutions laser de Lasea permettent de tailler des petits engrenages, concevoir des composants de montre ou confectionner des vitres très fines.
Fidèle à la Wallonie
Véritable success-story wallonne, Lasea connaît une croissance continue de 34% chaque année. Référencée dans le « Top 50 des entreprises belges les plus en croissance », Lasea a ainsi déjà placé pas moins de 250 machines de haute puissance à travers le monde, dont tout récemment une première machine aux Pays-Bas. Pour conforter cette réputation internationale, l’entreprise a développé ses activités en créant trois bureaux à l’étranger. En 2012 à Bordeaux – où une dizaine d’ingénieurs élaborent notamment des composantes optiques des machines lasers –, en 2016 aux Etats-Unis et en 2017 en Suisse. « Ces deux filiales, moins grandes que celle de Bordeaux, permettent entre autres de montrer les machines aux clients sur place et de faire tester de nouveaux prototypes », souligne Axel Kupisiewicz.
Luxe suprême pour une entreprise, Lasea reçoit un nombre de demandes supérieur à sa capacité de production ! « Il n’y a pas assez de personnel qualifié en Belgique pour cette technique, ce qui nous pousse à aller voir à l’étranger, avance l’entrepreneur. Aujourd’hui, environ 25% de nos employés proviennent d’autres pays : Portugal, Angleterre, Espagne Suisse ou France. » Vu la réputation à l’étranger de Lasea, pourquoi ne pas envisager un jour une délocalisation ? « La question s’est déjà posée, mais nous tenons à rester en Wallonie. Parce qu’un organisme comme l’Agence Wallonne pour l’Exportation est un excellent levier. Et parce qu’en Wallonie, le soutien à la créativité et à l’innovation nous permet d’être au moins égal, voire supérieur, à celui des entreprises qui génèrent 1 à 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est important pour Lasea de rester dans le pays où nous sommes nés. »
Un nouveau bâtiment en 2020
Pour répondre à une demande sans cesse croissante, l’entreprise, qui occupe actuellement une septantaine de personnes et qui engage à un rythme soutenu, a décidé de faire construire un nouveau bâtiment juste à côté de l’ancien. « La surface totale sera plus que doublée, cela nous permettra d’engager plus de monde encore et de produire plus de machines », explique Axel Kupisiewicz, qui espère ainsi quasi quadrupler la capacité de production de Lasea.
Le chantier des nouveaux locaux, dont le coût s’élèverait à six millions d’euros, devrait démarrer fin 2018, une fois les permis obtenus. Il devrait être opérationnel en 2020.
LASEA
Rue des Chasseurs Ardennais 10
B-4031 Liège