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© Guy Focant

Le Château d'ailleurs

  • Patrimoine
Luxembourg  / Ovifat

Par François Colmant

Injustement méconnu, le château de Reinhardstein, près de Malmedy, tente de retrouver son lustre d’antan en misant sur son cachet improbable et sur des activités grand public.

Si la Belgique compte plus de 1 200 châteaux, aux styles et époques diverses, le Burg Metternich de Reinhardstein se démarque par sa singularité à plus d’un titre. Engoncé au coeur des Hautes-Fagnes, sur un site classé de plus de 120 hectares, ce château fort médiéval de schiste brun-noir surplombe la vallée de la Warche depuis un piton rocheux. Ensemble architectural unique en son genre, il ressemble bien plus à certaines forteresses allemandes du XIVe qu’aux édifices wallons de la même époque. Patrimoine exceptionnel et fierté de toute une région, il souffre cependant d’un manque de reconnaissance du grand public qui ignore une grande partie de sa riche histoire, passée et actuelle.

Plus haut château du pays – nous ne sommes qu’à un jet de pierre du Signal de Botrange –, il est aussi l’un des plus anciens. Fondée en 1354 par Renaud de Waismes, la forteresse, construction typique de la région de l’Eifel, devient rapidement le lieu de protection privilégié pour les villages des environs, souvent le théâtre de nombreux pillages. Au fil des siècles, Reinhardstein passe de famille en famille, résiste à l’épreuve du temps et finit par être vendu à un démolisseur par son dernier propriétaire, le comte de Metternich. Nous sommes en 1812 et le burg qui, jamais, n’avait eu à subir de faits de guerre de toute son histoire, se voit peu à peu démantelé, pierre après pierre. Rendu perméable aux ravages des intempéries, l’édifice se détériore rapidement. Plus d’un siècle plus tard, alors que la ruine n’est plus que le terrain de jeux préféré des enfants du coin, elle va connaître une seconde renaissance sous l’impulsion de Jean Overloop, personnalité hors norme et indécrottable amoureux du patrimoine belge.

En 1965, à la faveur d’une visite dans les Hautes-Fagnes, ses pas le conduisent au pied de l’amas de pierres et de rocailles. Coup de foudre instantané. Seuls quelques murs tiennent encore debout mais qu’importe. Il puise dans sa fortune personnelle, sollicite des fonds privés et fédère l’enthousiasme des artisans de la région. Pari gagné, Reinhardstein ressuscite littéralement en moins de deux ans ! « Au fil des années, chaque tour, chaque pièce retrouve son allure d’antan ou du moins, son allure supposée vu le manque de documents sur l’état originel de l’édifice, raconte Brigitte Arnold, directrice du domaine désormais géré par une ASBL. Et le résultat actuel force l’admiration car jamais sans doute un château autant rénové n’a paru aussi peu… reconstruit ! » Et le visiteur ne peut que se rendre compte de l’efficacité de ce travail, tant l’ensemble parait homogène et d’époque.

Après avoir galéré quelque peu sur des routes de campagne étroites et craquelées, en se demandant s’il est bien sur la bonne route, le curieux plonge rapidement dans une petite vallée verdoyante et accidentée. Surgi de nulle part, le château se dresse alors. Sa  haute tour carrée le toise, le temps s’arrête. Le silence. L’atmosphère qui se dégage de l’ensemble le renvoie plusieurs siècles en arrière, où l’importante bâtisse aux formes irrégulières épousait déjà les courbes du morceau de roche sur lequel il est juché. Un étroit sentier, un petit jardin, un panorama magnifique et, déjà, la cour du château, les premières salles. Ensemble indescriptible d’objets en tous genres, les lances côtoient les hallebardes, les épées trônent au pied des tapisseries, les armures veillent, impassibles. « Tout au long de sa vie, le Professeur Overloop a amassé toute une foultitude d’objets du Moyen Âge mais aussi du XVIIIe, ce qui crée un ensemble parfois étonnant mais qui imprègne malgré tout une impression de vie toute particulière, peut-être aussi parce qu’il a lui-même habité le château pendant de nombreuses années », évoque Brigitte Arnold.

Passé la salle des gardes, puis celle des chevaliers – la plus grande du bâtiment – un petit escalier mène à la chapelle du burg. Fidèle à la volonté de l’ancien propriétaire, l’ASBL continue de faire de l’endroit un lieu de vie en y organisant des concerts, des offices religieux, voire des mariages. L’étage, divisé par des cloisons à colombages, comporte toujours les pièces d’habitation où le Professeur avait ses habitudes. Un étroit passage relie ce corps de logis au donjon, remarquable construction carrée à neuf niveaux qui abrite notamment la bibliothèque et l’atelier de restauration. Et de restauration, il en est plus que jamais question tant l’édifice nécessite un entretien et une vigilance permanent, ce qui représente un défi majeur en termes d’investissement. « Si le site, qui fait partie de la réserve naturelle, est classé, il n’en va pas de même pour le château puisqu’il a été entièrement rénové. » Le privant du coup d’une partie des subsides octroyés à l’entretien et la promotion du patrimoine wallon. « On doit ruser et sonner à toutes les portes pour réussir malgré tout à subventionner une partie des travaux indispensables que nous entreprenons. »

Fleuron du patrimoine wallon

Ouvert toute l’année, le château compte principalement sur les visites pour financer ses projets et table sur la richesse de son patrimoine pour motiver les curieux à y déambuler. Outre ses pierres séculaires, Reinhardstein dispose ainsi d’une large collection de marionnettes d’époques (liégeoises, bruxelloises et siciliennes), de statues de pierre mais surtout d’une crèche originale, dont les personnages grandeur nature en bois polychrome sont articulés. Phénomène curieux, près de 80 % du public drainé ici chaque année est néerlandophone. « On peine à attirer le Liégeois, qui n’est pourtant pas très éloigné. Peut-être a-t-il l’impression que les Hautes-Fagnes, c’est le bout du monde », sourit Brigitte Arnold, elle-même Liégeoise.

En plus des visites guidées organisées chaque weekend, l’ASBL tient à promouvoir la culture au travers d’évènements programmés tout au long de l’année. Après le patrimoine carnavalesque de Malmedy en mars, le château accueillera la fête de la musique en juin, célèbrera la nuit de la chauve-souris en août avant de faire renaître le théâtre des marionnettes en septembre. Les gestionnaires souhaitent également que la population locale se réapproprie le site. Après une chasse aux oeufs lors des dernières vacances de Pâques, une balade et une soirée sur le thème d’Halloween verra le jour à l’automne. Des activités diverses qui vont aller crescendo car la survie et l’entretien du site passent par une plus grande fréquentation de ce fleuron du patrimoine wallon. ■ 

 

Renseignements

Château de Reinhardstein

Chemin du Cheneux, 50

B-4950 Ovifat

+32(0)80 44 68 68

info@reinhardstein.net

www.reinhardstein.net

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