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Par Guy Delville
Les jeunes sommelières ne sont pas légion. Catherine Jarbinet, géologue de formation, est l’une d’entre elles. Rencontre avec cette jeune passionnée au Coq aux Champs de Soheit-Tinot.
Le Coq aux Champs est une belle bâtisse en pierres du pays d’un doux bleuté, posée à la lisière des champs. Nous sommes dans le Condroz liégeois. L’impression de « milieu de nulle part » n’est qu’un leurre, car le restaurant est situé à 28 km à peine de Liège et seulement 14 km de Huy, à proximité des grands axes routiers. Autour de la pureté de la table, « la cuisine des sens, d’essence, de sens » du chef Christophe Pauly prend toute sa signification. Sans aliénation, sans vain protocole, sans autre convenance que le respect de l’autre et l’attention au moment présent pour jouir pleinement de cette connivence entre le chef, son équipe et le convive. Catherine Pauly, quant à elle, a imaginé les lieux dans l’esprit d’un « chez soi » contemporain et chaleureux.
Précis, exigeant au plus profond des chemins gustatifs qu’il explore, le chef traque passionnément la vérité du goût. « La création d’un plat est aussi une quête intérieure, un exercice d’épure pour toucher l’essentiel du goût. Ce point ultime de l’osmose », confie Christophe, tout en soulignant combien peu lui importe de courir après la nouveauté. Les convives apprécient la personnalité du chef, ses interprétations qui font la signature d’un plat. Ces produits parfaits auxquels il est d’une fidélité absolue, Christophe les réinterprète à chaque vibrato de saison avec limpidité, dans cette harmonie sans cesse affinée autour de quelques accords, les plus justes. L’empreinte du chef, on la retrouve encore dans les desserts qu’il qualifie volontiers de « cuisine sucrée », car leur élaboration est pensée à l’instar d’un plat de cuisinier et non de pâtissier.
En 2003, le couple reprend le restaurant Le Coq aux Champs. Dès janvier 2004, un Bib gourmand lui est attribué avant d’obtenir, en janvier 2005, une étoile au Guide Michelin – le cordon-bleu est alors âgé de 26 ans, l’étoile fut son cadeau d’anniversaire ! Christophe Pauly est un des dix chefs fondateurs de Génération W, noyau culinaire wallon.
Jeune sommelière
Le parcours de Catherine Jarbinet, la souriante sommelière du Coq aux Champs depuis près de deux ans, est pour le moins atypique. Elle est li cenciée en Sciences géologiques et agrégée en Sciences chimiques de l’Université de Liège. « Souvent, quand je fais part de mon cursus à nos clients, beaucoup y voient un lien avec mon métier actuel de sommelière, confie-t-elle. Il est indéniable que mes études me permettent d’être plus à l’aise avec les notions de terroir, mais je pense qu’elles m’ont surtout permis de développer un sens de l’observation exacerbé et puis, peut-être, que le besoin d’exactitude acquis pendant mes études scientifiques me donne l’envie de continuer d’apprendre et de structurer ma connaissance vinicole ». Et d’ajouter : « se former dans le vin, c’est avant tout une formation continue. Si on s’y intéresse, si on déguste, on peut apprendre chaque jour. J’ai l’habitude de dire que la dégustation commence quand on a deux verres devant soi. À partir de cet instant, l’on peut être réellement attentif aux sensations. Lequel de ces deux vins est le plus fruité, lequel est le plus tannique… ces appréciations permettent de développer son palais. Prendre le temps de retrouver des arômes permet de faire appel à ses souvenirs et d’exercer tout simplement sa mémoire ».
Catherine continue de se former et se prépare à passer, l’automne prochain, le concours du meilleursommelier Prosper Montagné de Belgique : une excellente manière de se mettre la pression afin d’étudier plus et plus vite, de déguster des vins moins connus et d’élargir ainsi ses connaissances.Cette recherche de la passion du vin lui vient de moments d’exception passés en famille autour d’une table souvent initiée par un produit de référence.
« Mon expérience au Crowne Plaza (NDLR : où elle fut sommelière pendant près de quatre ans) m’a permis de développer beaucoup de nouvelles connaissances et d’accroître un sens de la polyvalenceafin de répondre au mieux aux attentes d’une clientèle exigeante. Mes casquettes ont été variées, du management au service, aux choix et au développement des cartes de vins des différents départements de l’hôtel. J’aimerais que les jeunes voient dans le métier de service qu’il y a quelque chose en plus que porter des assiettes. Pour moi, il y a toujours cette recherche de la connaissance, du bon geste, du bon enchaînement pour arriver à une forme de perfection. On peut dire que le métier de service s’apparente à de l’artisanat. Ce terme, pour moi, englobe plusieurs notions, du sur-mesureainsi que le fait d’améliorer sans cesse son geste pour atteindre la bonne ergonomie. Mon métier au quotidien consiste à faire partager cette expérience et à essayer de trouver et de proposer à mes clients leur vin clé. En d’autres termes, je tente de créer des ponts entre leur zone de confort et de nouvelles émotions. »
Âgée d’un peu plus de 30 ans, Catherine envisage d’ouvrir – un jour – un espace bien à elle où elle pourrait concentrer ses trois passions : le vin, la cuisine, les produits. Idéalement, ce serait un endroit où l’on peut parler du vin sans tabou, sans esbroufe, démystifier l’œnologie et, surtout, partager avec les autres ce qu’elle a assimilé du monde du vin. Elle nous assure que s’il y a beaucoup de bons vins, ceux qu’elle préfère sont ceux qui sont intiment liés à une émotion.