- Gîtes de Wallonie
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Par Christian Sonon
Cela faisait 35 ans que la Houille traversait Vencimont sans plus se poser de questions. Il y a peu, la rivière est revenue bousculer les roues du vieux moulin. Depuis, le meunier ne dort plus et, avec sa boulangerie et ses deux gîtes en pierres du pays, ce petit coin des Ardennes namuroises est à croquer.
C’est à Louis-Marie Piron, originaire d’Our-Paliseul, que l’on doit la renaissance de ce moulin à eau datant du XVIIIe siècle. L’homme, qui a démarré l’aventure de « Thomas & Piron » en 1974 en décidant, à 18 ans, de retaper la maison de ses grands-parents avec l’aide d’un maçon, CharlesThomas, a une réelle passion pour les projets de rénovation. Le terme « restauration » conviendraitencore mieux puisque c’est aussi lui qui a transformé les deux établissements « La Barrière de Transinne » et « La Table de Maxime » (paru dans WAW n°23), le restaurant étoilé du chef ardennaisMaxime Collard situé à Our.
Quant au vieux moulin, bien qu’il se soit arrêté de tourner en 1970, il ne cessait de lui faire signechaque fois que l’entrepreneur traversait Vencimont pour se rendre à la chasse. Louis- Marie Piron n’hésita pas longtemps. Il allait lui donner une deuxième vie. Non pas pour en faire un écomusée, mais pour relancer une activité commerciale autour du travail du meunier et du boulanger. Il fit également construire deux gîtes de façon à créer un ensemble patrimonial esthétique et cohérent. Et pour gérer le tout, il créa une société et s’entoura de quatre associés, Dominique Leblan et Carine Schmitz (gérance), Chloé Englebert (boulangerie) et Laurent de Wouters (commercial et animation), remplacé depuis peu par Ambroise de Greift.
Deux gîtes et neuf chambres
« Le gîte du Moulin a été aménagé dans l’habitat du meunier, à côté de la machinerie, dont on n’a pratiquement conservé que les murs extérieurs, explique Laurent de Wouters. Il se complète d’une très large terrasse en bois donnant vue sur la rivière et sa vallée. Plus près de la route, le gîte de la Houille a été construit sur l’emplacement d’un ancien hangar, en partie avec les pierres du pays récupérées sur place. » Toutes les chambres – quatre doubles dans le premier, quatre doubles et une simple dans le second – sont très spacieuses et dotées d’une salle de bain et d’une toilette séparées. L’ameublement et la décoration ont été confiés à une société nichée dans le giron des entreprises Thomas & Piron qui a opté pour un style contemporain genre « Ardennes léger ». Les deux gîtes, qui sont membres de l’association « Gîtes et chambres d’hôtes de Wallonie » (voir notre série on web),sont équipés de tout le confort moderne. « La clientèle des gîtes est essentiellement familiale, explique Laurent de Wouters. Mais si les gens viennent en famille, entre amis, chasseurs ou collègues,c’est avant tout pour profiter des plaisirs de la nature. Quelque 400 km de chemins balisés traversentles 11 000 ha du massif forestier de l’entité de Gedinne. »
Les entrailles du moulin
Si les sites touristiques (le village de Redu, le château de Lavaux-Sainte-Anne, les grottes de Hansur-Lesse, Dinant, Bouillon et autres), ainsi que les bonnes tables (dont le Barbouillon à Vencimont) ne manquent pas aux alentours, la première activité qui tend les bras aux locataires est la visite des entrailles du moulin qui s’est remis à brasser l’eau sous la conduite de Dominique Leblan. Ancien gérant d’un centre de distribution de livres à Bruxelles, aujourd’hui à la tête des librairiesSlumberland et BD-World, il a décidé d’intégrer le projet de son ami Louis-Marie Piron et de plonger ses mains dans la farine pour goûter aux plaisirs d’un nouveau métier. Un parcours assez similaire à celui réalisé peu auparavant par Dominique Delacroix, un gastro-entérologue qui, lui, a véritablement tout plaqué pour relancer le moulin de Hollange à Fauvillers (entre Martelange et Bastogne) et troqué la blouse du médecin contre le tablier du meunier. Ses conseils ont d’ailleurs été très précieux lors de la remise en activité du moulin de Vencimont. « Depuis le barrage et le bief qui détournent l’eau de la Houille 300 m en amont jusqu’aux engrenages, courroies, poulies, meules en silex, trémie, bandes transporteuses, nettoyeuse à grain et autre blutoir, la mécanique était restée en place, explique le gérant. Bien sûr, il a fallu du temps et de la patience pour remettre le tout en état de fonctionner. Pour le côté technique, nous sommes aidés par un jeune Vencimontois, Christophe Léonard, qui n’est autre que le petit cousin de Louis Wavreille, le dernier meunier. »
Production d’électricité
Particularité du moulin ? Les trois roues, qu’il a fallu reconstruire, sont à augets, c’est-à-dire que l’eau tombe dans des baquets. Sans doute servaient-elles jadis à produire la force motrice pour moudre trois types de céréales différentes. Aujourd’hui, elles contribuent à produire de l’électricité – le moulin fournit 20 à 25 % de la consommation du site – qui est injectée dans le réseau. Seule l’une d’entre elles actionne également la lourde meule à l’étage qui sert à concasser les grains d’épeautre et à faire la farine. « Le système de décorticage ne fonctionnant pas encore, l’épeautre arrive déjà sans ses balles depuis l’exploitation de mon cousin à Ham-sur-Heure, explique Dominique Leblan. Quant à la farine de froment que nous utilisons également pour nos pains, elle vient de la Francetoute proche. Comme notre boulangère ! »
Renseignements :
LA BOULANGERIE ARTISANALE
Elle s’appelle Chloé Englebert, est originaire d’Hargnies, petite commune située de l’autre côté de la frontière, et est diplômée depuis septembre dernier de l’école hôtelière de Namur. C’est à elle que l’on doit le bon pain artisanal du Moulin de Vencimont. Un pain cuit sur pierre que les habitants du village, mais également des communes voisines, sont de plus en plus nombreux à venir chercher dans la boulangerie aménagée dans l’ancien corps de ferme. Fleurons de la maison, qui a rejoint en janvier le groupe des artisans-producteurs sélectionnés par les chefs de « Génération W » : les deux pains fabriqués à partir de farine naturelle. Un blanc au froment et un semi-gris à base de froment (60 %) et d’épeautre (40 %). Pourquoi pas un pain 100 % épeautre ? « Il serait trop sec, trop dur », répond la jeune fille qui a été formée au métier au moulin de Hollange, mais qui s’empresse d’avouer qu’unapprentissage n’est jamais terminé. « On apprend tous les jours, il n’y a pas de recettes pour réussir un bon pain. Tout se fait à l’œil, il faut observer, réagir, jouer avec le temps, car la levée de la pâte peut être chaque fois différente », souligne la boulangère qui, elle, est plus ponctuelle, puisqu’elle a pris l’habitude de se lever à 3h45 précises afin d’être à pied d’œuvre au moulin vers 4h30. « Le temps remplace aussi les additifs et le gluten artificiel. Il faut pétrir la pâte plus lentement. En général, il est 7h quand j’enfourne les premiers pains. » Une heure plus tard, les arômes du pain chaud flottent dans la boulangerie lorsque Chloé, aidée par Clémence, une jobiste qui commencera son apprentissage en septembre, accueille les premiers clients. Ceux-ci viennent pour les pains, mais également pour les baguettes, viennoiseries, brioches, gâteaux et tartes de saison qui sont venus peu à peu enrichir la production. Si la boulangerie n’est ouverte à la clientèle que du jeudi au dimanche, Chloé met également la main à la pâte les mardis et mercredis pour honorer les commandes et les dépôts dans les enseignes de la région. Dominique Leblan se charge des livraisons. C’est ainsi que le pain du Moulin de Vencimont file à Paliseul, Redu, Bievres, Jambes, Cognelée, Vresse-sur-Semois etmême Perwez, en Brabant wallon.
L’ESPACE DU MEUNIER
Afin de compléter l'offre, un « Espace du Meunier » a été créé sous la magnifique charpente de la grange. Cette grande salle, qui donne sur la Houille et la campagne boisée et qui sera bientôtéquipée d’une cuisine, est conçue pour accueillir toutes sortes d’événements (communion, rallye,mariage, anniversaire, etc.). Elle peut accueillir 120 personnes pour un cocktail, 70 convives pourun repas et un auditoire de 40 personnes en configuration réunion-séminaire. On peut également y accrocher des œuvres d’art et faire de l’espace un lieu d’exposition.